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L'EXPRESSIONDZ.COM
GHAZA
La ville martyre d’un peuple abandonné
Pr Chems Eddine Chitour
Photo Unicef
24 janvier 2008 «Vous
êtes responsables devant Dieu pour chaque Palestinien qui meurt
à Ghaza. Si vous ne soutenez pas les Palestiniens, Dieu et vos
peuples ne vous pardonneront pas».
Khaled Mechaâl: vibrant appel à l´aide aux dirigeants arabes Ghaza
souffre, Ghaza se meurt. Silence! on tue. Pendant que l´Occident
regarde ailleurs, les ONG tirent la sonnette d´alarme, il y a un
partage des rôles, les pays occidentaux sont sommés de ne pas
bouger et de laisser faire Israël. On croit revivre le
"nettoyage" de juillet 2006 quand Israël a demandé aux
Occidentaux les mains libres pour "normaliser" le Liban.
De passage à Paris, un ministre israélien fut interrogé sur le
temps qu´il fallait à Israël pour terminer sa basse besogne.
Rice avait d´ailleurs tétanisé le Conseil de sécurité jusqu´au
dernier moment en temporisant sur une résolution contre Israël
dans l´attente des "résultats" en vain, un petit
peuple de patriotes a fait échec à l´armée la plus puissante
du Moyen-Orient et une des plus menaçantes au monde.
Même la terminologie est étudiée: on ne parle pas de patriotes
luttant pour libérer leur territoire, mais d´activistes ou, pis
encore, de terroristes du Hamas, mouvement élu démocratiquement
sous l´oeil des observateurs internationaux dont Jimmy Carter, l´ancien
président américain. Justement, sous pression américano-israélienne
l´Union européenne boycotte le gouvernement légalement élu et
arrive à créer une scission entre Mahmoud Abas réputé tolérant
-entendons par là- malléable et pouvant être manipulé pour
quelques euros acquis lors du show à l´américaine du fameux téléthon
pour la vente de la cause palestinienne. Par ailleurs, la
mascarade d´Annapolis ressemble à s´y méprendre aux Accords de
Munich de septembre 1938 où Neville Chamberlain et Edouard
Daladier se sont pliés au diktat d´Hitler pensant sauver la paix
en sacrifiant la Tchécoslovaquie. Mutatis mutandis, c´est le même
remake, avec Annapolis, Mahmoud Abbas pense sauver la paix en s´alliant
à son pire ennemi sur le dos d´autres Palestiniens. La phrase de
Winston Churchill s´adressant à Nevil Chamberlain résonne
encore dans nos oreilles. "On vous a donné le choix entre le
déshonneur et la guerre; vous avez choisi le déshonneur et vous
aurez la guerre". Et les pays arabes dans tout ça? Il sont
aux abonnés absents, même l´inamovible secrétaire général, l´Egyptien
Amer Moussa, a passé la semaine dernière en vain au Liban à
rapprocher les points de vue des "frères libanais"
pendant que "d´autres frères" se font trucider, mais
ceux-là, sont infréquentables ainsi a décidé l´Occident, car
ils ont osé s´opposer les armes à la main à Israël. Par
ailleurs et par une véritable réaction de désespoir, les
habitants de Ghaza, fuyant la mort, se sont rués sur le passage
Rafah vers l´Egypte, ils furent sauvagement réprimés. Les
Palestiniens scandaient des slogans favorables au Hamas et
exigeaient la réouverture du point de passage, fermé depuis
juin. Israël n´y est pas militairement présent, mais son feu
vert est nécessaire pour le rouvrir. Voilà: l´Egypte "Oum
Eddounia" attend les ordres!!!
Lignes rouges
Pourquoi ce silence assourdissant des médias? La meilleure preuve
opposable est que les pays arabes ne bougent pas, par une
politique de l´autruche. On objectera qu´il y a d´autres sujets
plus importants que la mort d´enfants, que la mort lente d´un
peuple. On a vu des gouvernements se mobiliser pour n´importe
quoi! La vérité est que les médias occidentaux sont "pris
en charge" et des lignes rouges à ne pas dépasser leur sont
signifiées. Par contre, ils ont le droit de verser des larmes de
crocodile sur la situation humanitaire sans se poser la question
de savoir pourquoi en est-on arrivé là? Paradoxalement, des
journalistes israéliens tentent d´alerter l´opinion. La
journaliste bien connue, Amira Hass, publie dans Ha´aretz un témoignage
poignant:"Le bouclage total imposé depuis cinq jours à la
Bande de Ghaza par Israël sera légèrement allégé pour
permettre des livraisons limitées de fioul et de médicaments.
Mais la menace d´une crise humanitaire n´est pas pour autant écartée."(1)
"Resserrez l´étau autour de la Bande de Ghaza! Mettez les
Palestiniens en tenaille! Coupez-leur tout! Voilà les directives
d´un président en fin de course au Premier ministre d´un régime
occupant!" Aussitôt, après son entretien avec le président
américain, le leader du Likoud, Benyamin Netanyahu, a confié au
journaliste de la radio du régime sioniste que les promesses de
Bush d´apporter un soutien tous azimuts aux opérations
militaires contre Ghaza, avait rassuré les autorités de
Tel-Aviv. "Si cette affaire était confiée au président américain,
il ne laisserait même pas vivant un seul Palestinien", a
t-il ajouté. "Israël a le droit de bloquer Ghaza pour se défendre",
a déclaré Zalmay Khalilzad, lundi 21 janvier, lors d´une conférence
de presse, le représentant des Etats-Unis au Conseil de sécurité.(2)
Après un concert de protestations mondiales et des mises en garde
contre une crise humanitaire dans un territoire pauvre de 1,5
million d´habitants, Israël a décidé, lundi soir, de desserrer
le blocus pour permettre des livraisons de carburants. A Berlin,
la secrétaire d´Etat américaine, Condoleezza Rice, a confirmé,
mardi, être intervenue auprès d´Israël à la demande de l´Egypte.
On remarquera que les Etats-Unis ne se sentent pas concernés
directement par le drame. L´Unrwa, l´agence de l´ONU pour les réfugiés
à Ghaza, a mis en garde contre les "effets dévastateurs"
de la poursuite du blocus. "Priver les gens de choses
fondamentales comme l´eau revient à les priver de la dignité
humaine. Il est difficile de comprendre la logique qui consiste à
faire souffrir des centaines de milliers de personnes pour
rien", a lancé son porte-parole, Christopher Gunness. Le
secrétaire général adjoint de l´ONU aux affaires humanitaires,
John Holmes, a, pour sa part, dénoncé une "punition
collective visant la population de Ghaza". Les Palestiniens n´y
trouvent plus de ciment pour construire des tombes et "les hôpitaux
distribuent des draps parce qu´on ne trouve pas assez de
linceuls", a-t-il ajouté. Pour sa part, le rapporteur spécial
de l´ONU pour les droits de l´Homme dans les territoires occupés,
John Dugard, a dénoncé, samedi 19 janvier, les crimes de guerre
qu´il a qualifiés de "lâches" commis par le régime
israélien dans la Bande de Ghaza lors des raids de la semaine écoulée.
"Les responsables d´actes aussi lâches se rendent coupables
de graves crimes de guerre et doivent être poursuivis et
sanctionnés". Il a estimé que les Etats-Unis et les autres
pays engagés dans le processus de paix d´Annapolis avaient
"une obligation à la fois légale et morale" de forcer
le régime israélien à mettre fin à son intervention. Le nombre
de Palestiniens victimes d´arrestations et d´exécutions, à
Ghaza mais aussi en Cisjordanie, ne cesse d´augmenter. Israël
peut lancer sa guerre totale contre le Hamas en toute tranquillité,
interdire aux camions de l´ONU qui transportent des produits de
première nécessité d´entrer à Ghaza en manque de médicaments,
d´eau, au bord de la famine. Israël a, pour cela, le fervent
appui des Autorités corrompues de Ramallah et des grandes
puissances. Depuis novembre 2007, le sort des habitants de Ghaza
et de Cisjordanie, est devenu encore plus terrible. Il n´y a pas
de doute: la guerre lancée par Israël, qui frappe depuis
plusieurs semaines toute la population de Ghaza, a été programmée
dans le cadre d´une collaboration entre les services secrets israéliens
et le gouvernement illégitime de MM. Abbas et Fayyad. "Les
pays donateurs qui ont participé à la Conférence de Paris (...)
ont promis d´apporter à l´Autorité palestinienne des aides
financières qui s´élèvent à sept milliards et demi de
dollars. Soit deux milliards de plus que celle réclamée. Cet élan
de générosité suscite beaucoup de doutes et bien des
interrogations quant au prix qu´aura à payer le peuple
palestinien en échange", écrivait Abdel Bari Atwan dans un
article intitulé: "Des milliards pour liquider la résistance"(3)
Les Arabes regardent ailleurs
"Depuis plusieurs mois, écrit Sylvia Cattori, rapportant les
propos de Palestiniens de Ghaza, leur tactique est de rentrer
quelques km à l´intérieur de Ghaza avec des unités de chars et
bulldozers, de s´approcher des habitations pour contraindre les
forces de police du Hamas à sortir, à aller vers eux, en défense.
Il est ensuite facile aux drones et aux hélicoptères qui les
appuient, de massacrer tous les combattants, avant de se retirer.
Ici tout le monde sait que les pilotes et leurs services d´interception
peuvent contrôler les mouvements des gens par les téléphones
portables même quand ils sont fermés. Avec les portables ou pas,
pour bien viser et attaquer avec précision leur cible, les
pilotes ont besoin de s´appuyer sur les espions qui vivent parmi
nous ici à Ghaza. Je désapprouve le lancement de ces roquettes.
On parle de 3500 roquettes lancées sur Sderot, qui ont blessé
quelques personnes et tué une femme qui est morte de peur. Ces
roquettes ne servent qu´à faire peur. Mais pour chaque lancement
de roquette, le prix à payer pour les gens de Ghaza est
catastrophique. Notre peuple, en sa majorité, résiste par son
attitude d´insoumission face à l´oppression qui s´intensifie.
C´est ce que les autorités israéliennes ne comprennent pas.
Jamais les Palestiniens ne se mettront à genoux; quitte à devoir
mourir. L´occupant ne pourra pas nous empêcher de nous battre
pour notre survie, ils peuvent toujours nous couper l´eau, la
contaminer, ne nous laisser que de l´eau salée, priver nos
enfants de nourriture, nous n´allons pas flancher".(4)
Sylvia Cattori a raison d´écrire à propos de cette ville
martyre: "Ghaza est injustement et illégalement emprisonnée
par Israël, soumise aux tirs meurtriers de ses missiles et réduite
à la faim. L´étranglement économique de Ghaza a été décidé
par les Etats-Unis et l´Union européenne, sous la pression d´Israël,
et avec l´assentiment de ces Palestiniens corrompus que les alliés
d´Israël qualifient de "modérés". La "communauté
internationale", à laquelle chacun de nous appartient, doit
répondre de "crime d´indifférence" face à l´abandon
de ce peuple menacé par les crimes de guerre incessants de l´armée
israélienne. Pourquoi n´entendons-nous jamais les "French
Doctors" et nos élus protester, obliger Israël à desserrer
l´étau qui étrangle et affame 1, 5 million de personnes?"
"Voici ce que nous disait déjà, en novembre 2007, une mère
palestinienne: "Je ne sais pas où on va! Les Israéliens
nous affament, empêchent les produits de nos paysans de sortir.
Nous sommes enfermés. Tout est très cher. La majorité des gens
est sans travail et souffre du manque d´argent. C´est le
malheur. Il n´y a plus rien; certains produits ont disparu des
rayons. Et maintenant les Israéliens font entrer leurs fruits, légumes,
produits laitiers qu´ils nous vendent à des prix exorbitants.
-Les pays arabes collaborent avec Abou Mazen (Mahmoud Abbas) et
Israël. Mazen ne nous donne rien. Il ne donne qu´à ceux qui
sont membres de son parti. Il encourage Israël à nous maintenir
enfermés pour nous affamer. Il attend que nous soyons mis à
genoux. Les Israéliens ont annoncé qu´ils préparent une grande
opération militaire contre Ghaza. Le pire viendra dans les jours
prochains. J´éprouve une immense douleur, surtout en pensant aux
enfants et aux malades qui meurent ici faute de soins suffisants.
Quand j´ai entendu Moussa, (le chef de la Ligue arabe ndt) dire
qu´il va envoyer 250.000 dollars pour aider le Darfour, j´ai
pleuré. Nous qui sommes ses frères et soeurs, et alors que la
situation ici est vraiment affreuse, pourquoi nous ignore-t-il?
Ici, rien ne rentre, rien ne sort. Les pauvres ne peuvent pas se
nourrir normalement". "Les membres du mouvement Hamas n´ont
rien. Je pense que, même si les autorités du Hamas se disaient
vaincues, même si elles sortaient le drapeau blanc et suppliaient
le monde de nous aider, même là, rien ne changerait: Israël ne
cessera jamais de nous martyriser. Sortir le drapeau blanc ne
suffira pas. Les Israéliens vont encore et encore continuer d´exiger
de nous autre chose. Les gens du gouvernement Hamas sont privés
de toute aide. Ils ne peuvent rien faire, eux aussi sont victimes
de notre emprisonnement. Même l´aide financière versée par l´Iran
en 2006 pour des raisons humanitaires et par d´autres pays, pour
soulager nos souffrances, a été séquestrée par l´Egypte à la
demande d´Israël. Israël nous maintient suspendus à une corde!
Il suffirait que les grandes puissances demandent à Israël de
relâcher la corde sur laquelle il tire pour nous asphyxier pour
que Ghaza puisse vivre. Il suffirait de couper cette corde!(5)
Nous laissons à Abdelkrim le mot de la fin résumant la réalité:
"Dans ces conférences people, où il y a tout de même du
grain à moudre et de la mondanité à bon marché, le caractère
de ce qui a forgé le combat palestinien s´est fortement émoussé.
Finie l´intransigeance dans les négociations, finie la détermination
d´un peuple à récupérer toute sa terre. Les dignitaires de
Ramallah s´inventant des paix, échafaudant des stratagèmes avec
leurs mentors américains pour quelque mirifique Etat-confetti,
voyagent, discourent et s´enrichissent alors que le sort de leur
peuple est des plus tragiques".(6)
(*) Ecole nationale polytechnique
(*) Ecole d´ingénieurs de Toulouse
1.Amira Hass: Une population sans électricité,
sans eau et sans espoir. Ha´aretz. 22 janv. 2008
2.Bush embrase Ghaza. 22 janvier 2008 http://rench.irib.ir
3.http://www.ism-france.org/news/article.php?id=8014type=analyse&lesujet=Initiatives
Paix
4.Silvia Cattori http://www.alterinfo.net Samedi 19 janvier 2008
RIA-Novosti
5.Silvia Cattori Ghaza: "Sortir le drapeau blanc ne suffira
pas" site Alterinfo 20 01 2008
6.A.Djaâd: Bons baisers de Abbas. L´Expression du 10 décembre
2007 Droits
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Publié le 24 janvier 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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