|
L'EXPRESSIONDZ.COM
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Après le
désastre de Copenhague
Pr Chems Eddine Chitour
Lundi 21 décembre 2009
«Nous ne pourrons réduire la consommation
matérielle, sur le plan global, sans faire descendre les
puissants de quelques marches. Il est nécessaire de consommer
moins et de répartir mieux.»
Président Hugo Chavez.
Pendant 12 jours, la planète a été tenue en haleine et suspendue
aux déclarations des grands de ce monde. Nous avons vu
véritablement la «Comédie humaine» de Balzac à l’oeuvre
pour finalement aboutir à un échec flagrant: la montagne qui
accouche d’une souris! Et elle n’est même pas verte, comme le
dit un député écologiste européen. De quoi s’agit-il? Des gens
plus égaux que d’autres imposent au reste du monde,
principalement les pays du Sud anciennement colonisés, une
vision du monde où ils ne doivent être que les seuls à continuer
à gaspiller. Les Africains eux, sont condamnés à la double
peine: non seulement ils ne peuvent pas consommer mais de plus,
ils sont les premiers concernés par des changements climatiques
en termes d’inondations catastrophiques, de sécheresse, de
désertification et de maladies nouvelles induites par
l’élévation de température qui est une réalité; pire encore,
l’Afrique plus divisée que jamais parlait de plusieurs voix. On
a cru un moment que c’était l’Algérie, ensuite on voit à la télé
le président Sarkozy tentant de faire bande à part avec un
Premier ministre africain qui parle au nom de l’Afrique et en
définitive, c’est le ministre soudanais qui fait une déclaration
tonitruante où il compare ce qui arrive aux Africains à la «solution
finale envers les juifs». Est-il normal qu’un Somalien
consomme en une année ce que consomme un Américain ou pire, un
Koweitien-qui ne vit pas du fruit de son travail mais d’une
manne imméritée- en vingt jours? N’ont-ils pas le même
patrimoine génétique? Ne peuvent-ils pas prétendre à la
condition humaine? Le président Chavez, connu pour son
franc-parler avait perturbé à l’époque les Occidentaux en
affirmant qu’il est scandaleux «qu’un baril de Coca Cola
coûte plus cher qu’un baril de pétrole». A Copenhague il a
déclaré: «Sept pour cent de la population mondiale est
responsable des 50 pour cent des émissions polluantes, alors que
les 50 pour cent plus pauvres sont responsables des 7 pour cent
des émissions globales.» Il a, en outre, affirmé que 60 pour
cent des écosystèmes sont abîmés, que 20 pour cent de la Terre
est dégradée et que la diversité biologique s’éteint. «La
planète est en train de perdre sa capacité de s’autoréguler.»
«Le plus grand rendez-vous de l’histoire de l’humanité»
selon Jean-Louis Borloo se solde par un échec politique
historique, un déni du réel et des savoirs scientifiques, une
honte morale, une insulte aux plus pauvres. Les pays riches, en
refusant de prendre des mesures qui reconnaîtraient leur
responsabilité historique dans le changement climatique, ont
précipité l’échec. Soumise aux lobbies du green business et
enfermée dans des logiques diplomatiques héritées des périodes
coloniales, la tribu des pays riches n’a pas su voir que le
chaos climatique, subi déjà par nombre de pays du Sud, rendait
dérisoires leurs tentatives de division. Les manipulations
néocoloniales de Nicolas Sarkozy en direction de l’Afrique n’ont
pas suffi! Ils n’ont pas su voir, eux qui se pensent toujours
les maîtres du monde et de la nature, qu’une nouvelle
configuration des relations entre le Nord, à bout de souffle, et
le Sud est en train de se dessiner et qu’on ne négocie pas avec
la nature, comme le scandaient de nombreux manifestants.
Pourtant le texte final a été concocté, en dehors de toute
procédure onusienne, par le MEF (Major Economies Forum),
équivalent du G20. Un texte qui ne mentionne pas d’objectif de
réduction des émissions à court, moyen et long terme, un texte
dont le principal motif est de refuser tout traité international
contraignant pour les pays riches. Un texte qui met à nu la
logique des intérêts privés.(1)
Le principal échec de Copenhague est l’accord obtenu par les
Etats-Unis et la Chine lors de discussions parallèles. Un
document non contraignant, bien en deçà des volontés affichées.
Son contenu est loin d’être à la hauteur des attentes que la
conférence avait soulevées: s’il affirme la nécessité de limiter
le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’ère
préindustrielle, le texte ne comporte aucun engagement chiffré
de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se
contentant de prôner la «coopération» pour atteindre un
pic des émissions «aussi tôt que possible». La
négociation de Copenhague a mis en lumière le rôle
incontournable des deux pays les plus pollueurs de la planète.
Le «G2» a fait la négociation, sans que les Européens ou
les pays en développement aient vraiment leur mot à dire. «Un
lamentable fiasco», estiment les Verts français. Pour Oxfam
France Agir-Ici, le «sommet historique» a débouché sur
une «fuite en avant historique». De son côté, le Réseau
Action-Climat France fustige la façon dont «Nicolas Sarkozy et
Barack Obama ont tenté de faire passer en force un accord qui
n’en était pas un». «Alors que Copenhague devait rassembler
par un contrat de confiance l’ensemble des pays autour de la
clause climatique, l’arrogance de quelques chefs d’Etat ébranle
le processus même des négociations», souligne Morgane Créach,
directrice du pôle international du réseau..(...) Dans le monde
d’aujourd’hui, sur des questions de l’ampleur de celles du
climat, s’il n’y a pas au préalable un accord entre la Chine et
les Etats-Unis - le fameux G2 -, il ne se passe pas
grand-chose.(2)
Pourquoi l’échec?
Pour comprendre l’impasse de Copenhague, il faut avoir à
l’esprit une donnée qui puise sa «légitimité» dans «la
nostalgie de l’empire de l’homme blanc occidental». La
décolonisation est passée, mais la colonisation invisible est
toujours d’actualisé. Quand Sarkozy convoque ses «Africains»,
il réagit avec la mentalité de l’empire, il en est de même de la
Grande-Bretagne et surtout des Etats- Unis qui, eux, ne font pas
dans la dentelle. Les armes américaines sont partout où les
intérêts américains sont vitaux. Il ne faut surtout pas croire
aux slogans de liberté, de démocratie aéroportée ou de
libération de la femme, c’est un sordide hold-up permanent
concernant les matières premières des pays faibles pour
maintenir un niveau de gaspillage que rien ne justifie. Au nom
de quelle morale un Américain consomme en termes d’énergie,
vingt fois plus qu’un Africain? C’est pourtant le même
métabolisme à 2500Kcal/jour. Il est apparu qu’en fait, le sort
du monde est entre les mains du Sénat américain qui ignore voire
méprise la détresse des pays faibles. Pour Hélène Crié-Wiesner,
les préoccupations des Américains sont à des années-lumière de
celles des autres et Barack Obama doit en tenir compte.
Ecoutons-la: «Le président américain ne pourra s’engager sans
accord préalable du Congrès, qui se préoccupe plus d’assurance
médicale. Aux Etats-Unis, l’accord final semble ne préoccuper
personne. Le Président a prévenu: il ne peut pas prendre
d’engagement international sans savoir ce que le Congrès est
prêt à accepter. (...)La dimension patriotique est très
importante aux Etats-Unis, consubstantielle à tout débat
national doté d’un enjeu international. Impossible, dans ce
contexte de crise économique, de taper sur les méchantes
entreprises pollueuses sans que leurs ouvriers (américains) ne
se sentent un minimum solidaires de leurs patrons. Impossible de
condamner complètement l’extraction et l’usage du charbon quand
tant de familles (américaines) dépendent de cette industrie pour
vivre. Impossible de refuser, au nom de la seule préservation de
la nature, les autorisations de forer pour extraire du gaz et du
pétrole (américains) sans se faire accuser de maintenir la
dépendance énergétique envers les pays arabes (qui financent Al
Qaîda) ou le Venezuela. (...) "Sans mécanisme de financement
établi par la loi, les Etats-Unis ne peuvent pas s’engager à
financer quelque engagement international que ce soit. Ni aide
au développement des pays pauvres, ni baisse des émissions dans
notre propre pays." Voilà pourquoi Obama, tout fier qu’il puisse
être de ses propres actions en faveur de l’énergie, doit rester
très prudent à Copenhague: tant que le Sénat américain n’a pas
légiféré sur le plan intérieur, lui, le président, est paralysé
sur le plan international»(3)
Dans ces conditions, on comprend les Chinois qui sont diabolisés
par les médias occidentaux comme étant responsables des
changements climatiques du fait qu’ils sont les premiers
pollueurs. On oublie que leur industrialisation a démarré il y a
moins de trente ans. Pour Etienne Dubuis: Les Chinois ne sont
pas contents. Chiffres à l’appui, ils rappellent aux pays riches
que le réchauffement climatique est avant tout la conséquence de
leur développement forcené depuis un siècle et demi. «Pour
Pékin, les pays développés portent la responsabilité historique
du réchauffement, puisque ce sont essentiellement eux, et non
ces nouveaux émetteurs que sont les pays émergents, qui ont
accumulé des gaz à effet de serre dans l’atmosphère depuis un
siècle et demi. Gaz à effet de serre qui s’y trouvent toujours
vu leur très longue durée de vie. A partir du moment où les
émissions de gaz à effet de serre doivent être limitées,
soutient le "camp chinois", il s’agit de savoir comment elles
doivent être réparties entre les Etats. Ou plutôt entre les
individus au sein de chaque Etat, puisqu’il est juste de
reconnaître les mêmes droits à chacun. Une étude de l’Université
Qinghua, à Pékin, chiffre le raisonnement. Selon ses calculs,
les pays industrialisés ont émis 840 milliards de tonnes de CO2
entre 1850 et 2005 sur un total de 1100 milliards. Même s’ils
réduisent de 80% leurs émissions d’ici à 2050, ce qui sera très
difficile, ils émettront encore pendant la période, 380
milliards de tonnes de CO2 sur un total de 1000 milliards. Au
total, de 1850 à 2050, ces Etats auront donc émis 1220 milliards
de tonnes sur un total de 2100 milliards, soit 58% des rejets
mondiaux alors qu’ils ne représentent, en 2005, que 20% de la
population du globe. Aux yeux des autorités chinoises, la
"responsabilité historique" des pays industrialisés leur impose
d’accepter cet état de fait et d’aider financièrement et
technologiquement les pays qui en souffrent le plus. Une
obligation qui figure d’ailleurs dans la Convention-cadre des
Nations unies sur les changements climatiques».(4)
D’une façon scandaleuse après la Chine, les pays industrialisés
pointent du doigt encore une fois les Suds harassés. La
véritable intention derrière la fraude du réchauffement
climatique promue au Sommet de Copenhague est une politique
malthusienne de réduction drastique de la population. Hier, le
quotidien de la City de Londres, le Financial Times, et son
homologue canadien, le Financial Post, ont appelé les dirigeants
du monde à entreprendre de toute urgence une politique
d’austérité démographique. (...) C’est la nouvelle philosophie
eugéniste que le Fonds des Nations unies pour la population a
recommandé pour le Sommet de Copenhague: moins de naissances,
c’est moins de CO2. Dennis Meadows du MIT, annonce ouvertement
les objectifs: réduire la population mondiale à 2 milliards
d’individus. Meadows joua un rôle fondamental au commencement de
cette propagande malthusienne, puisqu’il est le coauteur du
rapport du Club de Rome Halte à la croissance de 1972. C’est la
première fois écrit Thierry Téné qu’un organisme onusien fait la
corrélation entre la natalité et le changement climatique.
L’exercice n’est pas sans risque...«Les prévisions montrent
que la population mondiale, de 6,7 milliards aujourd’hui,
devrait, à l’horizon 2050, se situer entre 8 et 10,5 milliards.
(...) La croissance démographique se traduit fondamentalement
par un accroissement des émissions de gaz à effet de serre
(GES).»(5)
Une contribution de l’ancien président Fidel Castro met en
lumière les deux interventions des présidents Chavez et Morales.
(....) «Un groupe de pays se croit supérieur à nous, ceux du
Sud, ceux du Tiers-monde..»«...Je lisais certains des
slogans que les jeunes ont peints dans les rues»...l’un
disait: «Ne changez pas le climat, changez le système!»;
un autre: «Si le climat était une banque, il aurait déjà été
sauvé!», «Les riches détruisent la planète.
Émigreront-ils sur une autre quand ils auront détruit celle-ci?»
«...Les changements climatiques sont sans nul doute le
problème environnemental le plus dévastateur de ce siècle».
«Les États-Unis ne comptent même pas 300 millions
d’habitants; la Chine, presque cinq fois plus. Les États-Unis
consomment plus de vingt millions de barils de pétrole par jour;
la Chine, à peine cinq ou six millions. On ne peut pas demander
à la Chine pareil qu’aux États-Unis!» «...l’écart qui
sépare les pays riches des pays pauvres n’a cessé de se creuser,
malgré tous nos Sommets et à cause des promesses non tenues, et
le monde court à sa perte». «...Les 500 individus les
plus riches du monde ont des revenus supérieurs à ceux des 416
millions les plus pauvres.» «La mortalité infantile est
de 47 décès pour mille naissances vivantes, mais d’à peine 5
dans les pays riches.» «2,6 milliards de personnes vivent
sans services d’assainissement.»(6)
Quelle alternative?
Le principal facteur du déséquilibre ressource/consommation est
l’écart entre la boulimie des pays industrialisés et l’offre
économique. La demande croît de manière vertigineuse alors que
l’offre de ressources ne peut plus augmenter au même rythme. Le
décrochage entre l’offre et la demande entraîne une
surexploitation des écosystèmes et par suite une dégradation de
l’environnement naturel. Il y a un lien fondamental entre les
ressources naturelles et l’économie globale, entre la santé de
la Terre et celle de la société humaine. L’échec du Sommet de
Copenhague devrait être l’occasion d’une anamnèse où chacun
devra faire son mea culpa. Les Américains et les Européens
doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas continuer à vivre avec
un train de vie pareil, les Africains devraient mettre en oeuvre
des politiques efficaces de régulation des naissances et les
pays émergents doivent trouver un chemin vers le développement
qui ne passe pas nécessairement par une boulimie énergétique. De
ce fait, aller vers les énergies douces est devenu de plus en
plus incontournable. Ainsi, il faut savoir que la Chine installe
une éolienne de 5MW toute les deux heures mais dans le même
temps, une centrale à charbon toutes les semaines...
1.Attac France, le 19 décembre 2009
http://www.france.attac.org/spip.php?article10608
2.Pierre Le Hir: Copenhague a accouché d’une souris. Le Monde
19.12.09
3.Hélène Crié-Wiesner: Obama va tout nu au sommet sur le climat.
Rue 89 17/12/2009
4.Etienne Dubuis: Pékin tape du poing sur la table. Le Temps
16.12.2009?
5.Thierry Téné: Faut-il réduire la natalité des Africains? Les
Afriques 15-12- 2009
6.Fidel Castro: Copenhague: l’heure de la vérité. Le GrandSoir
18 décembre 2009
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © L'Expression
Publié le 21 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
|