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L'EXPRESSIONDZ.COM
ISRAËL DANS LE MONDE
Allégeance en rase campagne ou
diabolisation des antisionistes ?
Chems Eddine Chitour
Lundi 16 août 2010
«Quand un voleur vous embrasse, comptez vos
dents.»
Proverbe hébreu
L’actualité de ces dernières semaines nous a interpellés à la
fois sur le plan convulsions climatiques et sur la politique
moyen-orientale dominée encore une fois par l’arrogance d’Israël
dans sa politique de destruction de la société palestinienne et,
pire encore, par une judaïsation rampante d’El Quods sous les
yeux complices d’un Occident tétanisé et qui, a des degrés
divers, continue d’expier les massacres de masse opérés par l’un
des leurs sur la terre européenne. Et pour reprendre une
expression de Sophie Bessis, l’idéologie nazie du troisième
Reich n’est pas une rupture d’avec les politiques ambiantes en
Europe d’alors, mais une continuité. Il faut savoir que c’est le
XVIIIe avec le siècle des Lumières et surtout le XIXe siècle qui
ont créé le mythe des races supérieures avec les chantres connus
Renan, Gobineau, Jules Ferry; Chamberlain, Kipling et
Rhodes..Leurs formatages des sociétés par des idées franchement
racistes ont amené inexorablement le fascisme et le nazisme. Les
victimes furent nombreuses! Il y eut 20 millions de Russes
morts, des centaines de milliers de Juifs mais aussi de
Tziganes.
Cependant, par une curieuse amnésie sélective, la doxa
occidentale, notamment française et américaine, n’a retenu que
les massacres des Juifs. Déjà au tribunal de Nuremberg, le
calvaire des Tziganes ne fait pas partie de la repentance
européenne. La «faute» occidentale vis-à-vis d’Israël
n’en finit pas d’être expiée continuellement et tous les pays
européens sont passés à la caisse. Comme l’écrit si bien Normal
Finkielstein dont les parents sont morts à Auschwitz, scandalisé
par ce racket sans fin, il le dénonce dans son fameux ouvrage:
L’industrie de l’holocauste Plus encore, les Occidentaux n’osent
pas critiquer Israël. De fait, on ne peut critiquer Israël en
toute impunité sans s’exposer aux sanctions. Quelle est la «technique
utilisée» pour diaboliser celles et ceux qui trouvent
qu’Israël ne respecte pas le droit international qu’aucune des
40 résolutions de l’ONU n’a eu de suite? Quelques exemples nous
permettront de mesurer la dimension de cette épée de Damoclès.
Cela tient en un mot aux réseaux d’influence souterrains aux
bons endroits qui traquent la moindre critique d’Israël ayant
réussi à créer un amalgame entre le peuple juif, la politique
israélienne, l’antisémitisme et le sionisme. Le racisme? En
clair, tout jugement défavorable à la politique israélienne
vis-à-vis des Palestiniens est assimilé à de l’antisémitisme
amenant ainsi tous les pays occidentaux à édicter des lois
contre l’antisémitisme et, au passage, condamner lourdement ceux
qui osent remettre en cause la singularité «indiscutable»
du massacre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Souvenons-nous de Roger Garaudy, l’Abbé Pierre et Dieudonné qui
ont été effacés des médias pour avoir seulement pensé comme
l’écrit l’ancien président américain, Jimmy Carter, que «ce
que fait Israël aux Palestiniens est une abomination» Les
intellectuels communautaristes veillent, les médias veillent,
les organismes représentatifs des communautés juives veillent. (Aipac,
Crif...)
Un exemple récent nous est encore donné par un chantre invétéré
du sionisme et de la politique d’Israël, Bernard Henry Levy.
Alors qu’il s’en prenait dans son bloc-notes hebdomadaire du
Point à Frédéric Taddeï, coupable, selon lui, d’avoir invité à
plusieurs reprises la «bête immonde» Dieudonné, le 1er
juillet 2010. Pourtant il se trouve et pour l’honneur des Juifs,
des intellectuels israéliens qui remettent en cause la politique
israélienne bravant ainsi les foudres du pouvoir. On trouve
aussi des personnalités juives qui se démarquent totalement
d’Israël. L’exemple de Bruno Kreisky en Autriche montre qu’on
peut être juif et «antisioniste» à la fois et celui de
Marx qu’on peut être juif et antisémite à la fois.
L’autre technique, c’est l’attaque: Israël culpabilise les pays
occidentaux qui osent discuter sa politique. Dernier exemple en
date, le président Shimon Peres a suscité la fureur des membres
du Parlement de Grande-Bretagne en déclarant dans une interview
que l’Angleterre est «profondément pro-arabe et anti-Israël»,
ajoutant qu’«ils ont toujours travaillé contre nous». «Il
y a en Angleterre un proverbe qui dit qu’un antisémite est
quelqu’un qui hait les Juifs plus qu’il n’en a besoin»,
affirme Peres...Avant de reprendre, «l’attitude de
l’Angleterre envers les juifs et Israël est un grand problème.
Il y a plusieurs millions d’électeurs musulmans ici, et de
nombreux parlementaires qui se font élire sur la haine des
juifs.(...)»(1)
Dans l’impunité
Il faut cependant témoigner du courage intellectuel de
personnalités qui ont dénoncé les exactions multiples et
impunies d’Israël. Ainsi, les massacres demeurés impunis de 1400
Palestiniens dont 400 enfants en janvier 2009, ont permis de
prendre la dimension de la force des lobbys militant sans
relâche pour Israël d’un côté, le courage de personnalités
insensibles aux pressions. C’est le cas, à titre d’exemple, du
professeur André Noushi, juif natif de Constantine, qui écrit
une lettre à l’adresse de l’ambassadeur d’Israël à Paris. «Monsieur
l’ambassadeur. Pour moi, depuis plusieurs années, la
colonisation et le vol israélien des terres palestiniennes
m’exaspère. (...) Il n’est plus possible de se taire devant la
politique d’assassinats et d’expansion impérialiste d’Israël.
Vous vous conduisez exactement comme Hitler s’est conduit en
Europe avec l’Autriche, la Tchécoslovaquie. Vous méprisez les
résolutions de l’ONU comme lui celles de la SDN et vous
assassinez impunément des femmes, des enfants; n’invoquez pas
les attentats, l’Intifada. Tout cela résulte de la colonisation
illégitime, illégale et qui est un vol. Vous vous conduisez
comme des voleurs de terres et vous tournez le dos aux règles de
la morale juive. Honte à vous! Honte à Israël! (...) J’ai honte
comme Juif, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale,
pour vous. Que votre Dieu vous maudisse jusqu’à la fin des
siècles! J’espère que vous serez punis.».(2)
Pascal Boniface, directeur de l’Institut français des Relations
internationales écrit: «Je trouve inadmissible le terrorisme
intellectuel consistant à accuser d’antisémitisme toute personne
qui critique le gouvernement israélien, accusation d’ailleurs
qui devrait s’appliquer aux pacifistes israéliens et aux juifs
français qui partagent ce point de vue.» Dans une
contribution qui lui vaudra d’être limogé 10 jours plus tard de
son poste de sous-préfet de Saintes par le gouvernement
français...Bruno Guigue serait «violemment» hostile à
Israël. Bruno Guigue aurait écrit qu’Israël est «le seul Etat
au monde dont les snipers abattent des fillettes à la sortie des
écoles». De plus, il a osé critiquer des sommités
médiatiques comme Pascal Bruckner, Alain Finkielkraut, Claude
Lanzmann, Elie Wiesel, Pierre-André Taguieff ou encore Frédéric
Encel, des gens qui n’ont qu’à claquer des doigts pour que toute
la presse publie leurs plaidoyers pro-Israël.
Une autre résistante qui a bravé l’interdit cette fois aux
Etats-Unis est la grande journaliste Helène Thomas qui a parlé
d’Israël en termes forts. Gilad Atzmon, universitaire israélien
connu pour ses positions antisionistes en parle: «Ceux qui
sont engagés dans le discours de la solidarité avec les
Palestiniens sont accoutumés à deux visions de la résolution du
conflit: la "solution à deux Etats" et la "solution à un seul
Etat". Cette semaine, nous avons pris connaissance d’une
troisième solution possible, qui me semble personnellement la
plus raisonnable et la plus morale, les circonstances étant ce
qu’elles sont. Cette solution, Helen Thomas, 89 ans, doyenne des
journalistes accrédités à la Maison-Blanche, l’a résumée en une
seule phrase. Un rabbin armé d’une caméra lui ayant demandé "où
les Israéliens devraient-ils aller?", elle a répondu que les
juifs devraient "aller se faire cuire un oeuf en dehors de la
Palestine, Ils doivent rentrer chez eux en Pologne, en
Allemagne, en Amérique et où que ce soit ailleurs"».
Mme Thomas s’est vu rappeler très rapidement par celui qui
gouverne sur Capitol Hill. Une guerre mondiale a été déclenchée
contre elle. Elle a été contrainte de démissionner et de
s’excuser. (..) Mme Thomas suggère, par exemple, que les juifs
aillent vivre en Allemagne: (..) Nous ne devons pas oublier non
plus que les sous-marins nucléaires israéliens qui sont en route
depuis quelque temps vers le Golfe arabo-persique (nous informe
The Times) ont été donnés à Israël par l’Allemagne en «cadeau»,
juste au moment où Israël réduisait le Liban en tas de ruines
(2006). (...) Comme tout le reste de l’humanité, la dame âgée
qu’est Helen Thomas est fatiguée du pouvoir juif et de la
barbarie israélienne. Elle a touché le nerf exactement là où
cela fait mal en disant la vérité toute pure. La vérité,
semble-t-il, est l’écho de l’éthique et de la raison.(3)
La droite
européenne s’aligne sans discuter sur Israël
Il y a de plus en plus un basculement net de la droite
européenne pour qui Israël est le dernier rempart contre la
barbarie arabe et musulmane De nombreuses forces politiques
européennes, de la droite populiste à la droite traditionnelle,
écrit Alain Gresh, envisagent désormais le conflit
israélo-palestinien comme l’une des composantes de la guerre de
civilisation contre l’Islam. Geert Wilders, le chef du parti
populiste néerlandais, vient d’affirmer ses vues sur le conflit:
«Si Jérusalem tombe aux mains des musulmans, Athènes et Rome
suivront. Ainsi, Jérusalem est la principale ligne de défense de
l’Occident. Ce n’est pas un conflit sur le territoire, mais une
bataille idéologique entre la mentalité de l’Occident libéré et
l’idéologie de la barbarie islamique.» (..) La droite dure
suisse n’est pas en reste. Oscar Freysinger, l’homme à l’origine
de la «votation» sur l’interdiction de la construction de
minarets en novembre 2009, explique: «Notre parti a toujours
défendu Israël parce que nous sommes bien conscients que si
Israël disparaissait, nous perdrions notre avant-garde. (...)
Aussi longtemps que les musulmans sont concentrés sur Israël, le
combat n’est pas dur pour nous. Mais aussitôt qu’Israël aura
disparu, ils viendront s’emparer de l’Occident.»(4)
Dans le même ordre, dans un interview au journal Le Times,
José-Maria Aznar déclare: «Si Israël tombe, nous tomberons
tous!» José-Maria Aznar appelle l’Europe «à refuser les
appels à la destruction d’Israël, car le lien qui lie l’Etat
juif à l’Occident est indispensable tout comme la collaboration
entre Juifs et Chrétiens». L’ancien Premier ministre
n’utilise pas la langue de bois: «La colère contre Israël à
propos de Ghaza est une immense erreur. (...) C’est un pays aux
racines démocratiques profondes, un pays dynamique, avec une
société ouverte qui se distingue sur le plan culturel,
scientifique et technologique. Israël est notre première ligne
de front dans un Proche-Orient menacé de chaos. Et si Israël
tombait, nous tomberions alors tous.» «Abandonner Israël
à son sort aujourd’hui serait la plus belle preuve de la
profondeur de notre vide, et nous devons à tout prix empêcher
que cela arrive. Nous devrions nous inquiéter de notre attitude
agressive envers Israël car elle reflète la perte de nos valeurs
occidentales. La force d’Israël est la nôtre, sa faiblesse sera
la nôtre....»(5)
Ce discours [de l’invasion musulmane ndt] est désormais relayé
par certains partis de la droite populiste ou extrême;
abandonnant l’antisémitisme pour l’islamophobie (un tournant que
d’autres formations comme le Front national n’ont pas encore
assumé, le vieil antisémitisme y restant puissant), ils
proclament qu’Israël serait le bastion avancé de la civilisation
dans sa lutte contre la barbarie.(4)
Parmi les laudateurs attitrés d’Israël, on ne peut pas
s’empêcher de citer Christian Barbier de L’Express. Dans son
éditorial lors de la boucherie de 2009, il écrit: «Une guerre
juste, juste une guerre» - il félicite Israël pour son
courage. «Israël agit pour nous». Même Christine Boutin
dont l’engagement personnel religieux est profondément
catholique, mais aussi sur le plan culturel, déclare depuis
toujours son réel attachement envers Israël et son peuple. Le 22
juin 2010, lors d’un rassemblement organisé par le Crif en
soutien à Israël, Claude Goasguen, député UMP, déclare: «Nous
serons les alliés indéfectibles d’Israël, notre ami, notre
frère. Et nous défendrons Israël jusqu’au bout. C’est notre
destinée, à nous, de la République de France». Dans le même
meeting, Eric Raoult, député-maire UMP, a fait sensation en
révélant accorder plus d’importance au soutien d’Israël qu’à la
réforme des retraites. «Ce n’est pas, dit-il, un combat
politique mais un combat du coeur! Guilad Shalit, c’est notre
Betancourt à nous!».
L’allégeance de la classe politique française à la politique
israélienne est notamment affirmée sur le ton de la disculpation
au tribunal dinatoire du Crif selon le juste mot - pour une fois
- d’Alain Finkielkraut. Nous citons à titre d’exemple quelques
extraits du discours de Michèle Alliot-Marie garde des Sceaux:
La lutte contre l’antisémitisme demeure plus que jamais une
priorité du gouvernement. Elle s’inscrit dans le cadre de
relations fortes entre l’Etat et la communauté juive. (...) Nous
partageons le constat: des actes, trop d’actes antisémites ont
défrayé la chronique ces derniers mois. Je demande que tout
auteur d’actes antisémites soit poursuivi et fasse l’objet de
réponses pénales systématiques et adaptées. En amont, il faut
renforcer le dialogue entre l’institution judiciaire et la
communauté juive. J’ai demandé aux procureurs généraux et aux
procureurs de la République de mieux communiquer au plan local,
avec les institutions représentatives de la communauté juive.
Les procureurs vous tiendront informés des actions menées. Les
instances représentatives pourront faire remonter leurs
préoccupations et leur analyse des situations locales. En aval,
je souhaite que les procès puissent jouer un rôle
pédagogique.(6)
Que peut-on dire en définitive? En France nous sommes loin de la
phrase de De Gaulle - le peuple juif est un peuple sûr de lui et
dominateur - suite au constat de la réalité de la guerre de 1967
à l’occasion de laquelle Israël a trompé tout le monde: «David
contre Goliath». La droite européenne a basculé
définitivement pour trois raisons: la première est la dette
toujours recommencée pour les massacres hitlériens, la deuxième
est à la fois bassement électoraliste mais aussi une crainte du
courroux des lobbys qui font et défont les pouvoirs. La dernière
est plus profonde, c’est le fond rocheux du racisme et de
l’islamophobie enfoui dans l’inconscient de l’Européen qui règle
ses comptes par procuration, avec l’Islam et les Arabes.
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 16 août 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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