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L'EXPRESSIONDZ.COM
ÇA SE PASSE EN OCCIDENT
Chronique d'un racisme ordinaire
Pr Chems Eddine Chitour
Jeudi 15 octobre 2009
«Quand l’Europe écoute l’histoire du christianisme, elle écoute
sa propre histoire. Les chrétiens sont tenus de se rassembler,
a-t-il affirmé, pour rappeler à l’Europe ses racines.»: «Sa
mémoire du passé anime ses aspirations pour l’avenir.» Le pape.
25 09 2009, Brno.
Une plaie qui existe depuis que le monde est monde est le
racisme que l’on peut définir selon l’encyclopédie Wikipédia en
écrivant que «le racisme est une idéologie consistant à
hiérarchiser des groupes naturels humains, désignés souvent sous
le terme de «races», à partir d’attributs naturels, visibles ou
non (physiques, psychiques, culturels, etc.) des
caractéristiques morales ou intellectuelles s’appliquant à
l’ensemble de ce groupe. Cette idéologie peut entraîner une
attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie
déterminée de personnes. Ces actes d’hostilité se traduisent par
la discrimination, une forme de xénophobie ou d’ethnocentrisme».
Le racisme est pour ainsi dire consubstantiel de la nature
humaine; au nom du racisme il y a eu l’esclavage, il y a eu la
traite des Noirs, le code noir, le code de l’indigénat. Nous
allons traiter à travers quelques cas comment l’Europe
développe, contrairement aux autres peuples et nations, un
double discours: celui des droits de l’homme, de l’Habéas
Corpus, des droits de l’homme et du citoyen et en même temps
dans ce XXIe siècle, elle continue à laisser faire des actes
racistes insidieux voire, elle entretient par des mécanismes
invisibles, cette barrière invisible qui existait entre le
colonisé et le colon, entre le beur, le Noir des anciennes
colonies devenu français, mais toujours avec ce plafond de verre
qui obère tout leur avenir. S’il est vrai qu’au XIXe siècle les
chantres des races supérieures tels que Arthur de Gobineau (De
l’inégalité des races) Renan et Joseph Chamberlain en Angleterre
entretenaient avec conviction le filon du racisme, Jules Ferry
n’est-il pas allé jusqu’à proclamer à l’Assemblée que «les
droits de l’homme ne sont pas applicables dans nos colonies».
«La
race des élus»
D’où viendrait cette certitude d’appartenir à la race des élus.
Il faut remonter, comme le décrivent Nicolas Bancel et Sandrine
Lemaire, à la conquête coloniale et au «devoir de civilisation».
On imagine mal aujourd’hui, écrivent-ils, le nombre des
exhibitions des «indigènes» et la variété des lieux où étaient
reconstitués des «villages nègres» ou donnés des spectacles
ethniques, entre les années 1850-60 et 1930. Expositions
universelles et coloniales, jardins zoologiques, mais également
entrepreneurs privés - comme le célèbre allemand Hagenbeck -
proposent inlassablement de tels spectacles/ (...) Ces
exhibitions contribuaient à diffuser dans le public cette vision
de l’indigène comme un être fruste, mal dégrossi, encore proche
de l’animalité. Oui, le sauvage existe! Il s’agit de le
«civiliser». En exhibant ainsi l’Autre, en infériorisant
systématiquement des groupes humains, on creuse un fossé entre
«eux» et «nous», confortant l’Occident dans son rôle de «guide
du monde», de «civilisation supérieure». «Animaliser les
conquis» ne permet-il pas de justifier la brutalité des
conquérants? Dans l’entre-deux-guerres, les expositions mettent
davantage en scène la lente mais possible évolution du sauvage
vers la civilisation. La distance entre «eux» et «nous» continue
d’être montrée, mais aussi l’énorme travail accompli pour tenter
de les civiliser. L’indigène est désormais plus souvent montré
sous sa forme servile, il a quitté ses aspects les plus sauvages
pour revêtir les atours du tirailleur, de l’artisan ou du
travailleur au service de la plus grande France (1).» Cela va
même plus loin. «Le langage du colon, quand il parle du
colonisé, écrit Frantz Fanon, est un langage zoologique. On fait
allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux émanations de
la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, aux pullulements,
aux grouillements, aux gesticulations. Le colon, quand il veut
bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au
bestiaire.(2)»
Tout un vocabulaire est mis à la disposition du colon et plus
tard du Français bonne souche, bon teint. Quand on parle des
banlieues on parle de sauvageons, ou de racaille. On parle même
de «jungle» s’agissant des clandestins de Calais, le terme
bougnoule est plus ancien. René Naba donne une explication, il
s’agirait de tirailleurs maghrébins que l’on gavait de gnole
avant un assaut, d’ou le nom Abou gnole qui glissera vers
bougnoule. Voilà la récompense des colonisés qui ont donné leur
vie et qui se voient affublés de noms qui porteront préjudice à
leurs énièmes descendants dans la France de 2009. Nous allons
articuler notre plaidoyer sur le racisme ordinaire en donnant
trois exemples récents.
Dans une vidéo largement diffusée. Le ministre de l’Intérieur
discute avec la jeune garde de l’UMP: dédicaces, serrages de
louches, photos, ambiance dans les travées... Parmi ses
supporters, il y a Amine Benalia-Brouch, manifestement avide de
lui serrer la main et d’être pris en photo avec lui: «Ah oui, ça
c’est l’intégration... et lui, il parle arabe, hein!» Marie
Apathie, secrétaire départementale UMP dans les Landes le
présente: «Il est catholique, il mange du cochon et il boit de
la bière.» Hortefeux renchérit: «Il ne correspond pas du tout au
prototype, alors.» Elle ajoute: «C’est notre petit Arabe...» Le
ministre: «Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va.
C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.» Même si
le militant arabe est venu à la rescousse du ministre, assurant
que celui-ci ne lui avait pas manqué de respect. (3)
Deuxième affaire: six gendarmes mobiles de Satory, se sont dits
ciblés par des propos racistes et discriminatoires de la part de
collègues. Ils ont affirmé vendredi leur volonté de saisir la
Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et
pour l’égalité). Affectés dans les Yvelines, les six gendarmes
ont «depuis leur arrivée été régulièrement victimes de propos
racistes tout comme ils font l’objet de discriminations». Un des
gendarmes aurait ainsi été «maintes fois» appelé «bougnoule» par
le commandant qui lui rappelait régulièrement qu’«il est le
‘’quota’’ du secrétariat». D’origine maghrébine, deux autres
gendarmes musulmans affirment avoir été humiliés lors de séances
de remise de galons. La direction de la gendarmerie, qui n’a pas
encore reçu la saisine de la Halde, a confirmé qu’un gendarme
s’était plaint en février de propos racistes tenus par son
commandant d’escadron. Celui-ci aurait écopé de trente jours
d’arrêt, d’après le Service d’information et de relations
publiques des armées. «L’honneur est sauf...» Une troisième
affaire est en fait un cri de souffrance d’un journaliste du
Monde d’origine maghrébine qui étale ses avanies au quotidien.
Ecoutons-le nous rapporter quelques faits: «Brice Hortefeux a
trop d’humour. Je le sais, il m’a fait une blague un jour. Jeudi
24 avril 2008. Le ministre de l’Immigration et de l’Identité
nationale doit me recevoir dans son majestueux bureau. Un
rendez-vous pour parler des grèves de sans-papiers dans des
entreprises. Je ne l’avais jamais rencontré. Je patiente avec ma
collègue Laetitia Van Eeckhout dans cet hôtel particulier de la
République. Brice Hortefeux arrive, me tend la main, sourit et
lâche: «Vous avez vos papiers?» Trois mois plus tard, lundi 7
juillet, jour de mes 29 ans. Je couvre le Tour de France. Je
prépare un article sur ces gens qui peuplent le bord des routes.
«Je te parle pas, à toi», me jette un jeune homme, la vingtaine.
A côté de moi, mon collègue Benoît Hopquin n’a aucun souci à
discuter avec cette «France profonde». Il m’avouera plus tard
que, lorsque nous nous sommes accrédités, une employée de
l’organisation l’a appelé pour savoir si j’étais bien son...
chauffeur. (...) Je pensais que ma «qualité» de journaliste au
Monde allait enfin me préserver de mes principaux «défauts»:
être un Arabe, avoir la peau trop basanée, être un musulman. Je
croyais que ma carte de presse allait me protéger des «crochets»
balancés par des gens obsédés par les origines et les
apparences. Mais quels que soient le sujet, l’endroit, la
population, les préjugés sont poisseux. J’en parle souvent à mes
collègues: ils peinent à me croire lorsque je leur décris cet
«apartheid mental», lorsque je leur détaille les petites
humiliations éprouvées quand je suis en reportage, ou dans la
vie ordinaire. A quoi bon me présenter comme journaliste au
Monde, on ne me croit pas. Certains n’hésitent pas à appeler le
siège pour signaler qu’«un Mustapha se fait passer pour un
journaliste du Monde!» (4)
«J’ai
effacé mon prénom...»
«Ça fait bien longtemps, avoue Mustapha Kessous, que je ne
prononce plus mon prénom lorsque je me présente au téléphone:
c’est toujours «M. Kessous». Depuis 2001, depuis que je suis
journaliste, à la rédaction de Lyon Capitale puis à celle du
Monde, «M.Kessous», ça passe mieux: on n’imagine pas que le
reporter est «rebeu». Le grand rabbin de Lyon, Richard
Wertenschlag, m’avait avoué, en souriant: «Je croyais que vous
étiez de notre communauté.» J’ai dû amputer une partie de mon
identité, j’ai dû effacer ce prénom arabe de mes conversations.
Dire Mustapha, c’est prendre le risque de voir votre
interlocuteur refuser de vous parler. Je me dis parfois que je
suis parano, que je me trompe. Mais ça s’est si souvent
produit... (...) Pour que la réussite soit de mon côté, j’ai
demandé à être éduqué dans une école catholique: j’ai vécu
l’enfer! (..) Au départ, je me rendais seul dans les agences
immobilières. Et pour moi - comme par hasard - il n’y avait pas
grand-chose de disponible. (...) Que dire de la police? Combien
de fois m’a-t-elle contrôlé - y compris avec ma mère, qui a plus
de 60 ans -, plaqué contre le capot de la voiture en plein
centre-ville, fouillé jusque dans les chaussettes, ceinturé lors
d’une vente aux enchères, menotté à une manifestation? Des
histoires comme celles-là, j’en aurais tant d’autres à raconter.
On dit de moi que je suis d’origine étrangère, un beur, une
racaille, un islamiste, un délinquant, un sauvageon, un «beurgeois»,
un enfant issu de l’immigration... Mais jamais un Français,
Français tout court.» «Il y a des noms propres, écrit Léon Marc
Lévy, qui portent en eux-mêmes un statut de signifiant pur,
détaché de la désignation d’une personne physique. Mustapha. N’Diaye.
Lévy. Droit dans le symptôme de notre France profonde dans
laquelle le pétainisme, le colonialisme, ont été tout, sauf des
accidents. Prénoms et noms sont détournés de leur destination,
ils cessent de décliner une identité. Ils deviennent le
nom-de-l’Arabe, le nom-du-Noir, le nom-du-Juif. Mustapha Kessous
dans son témoignage nous dit, avec élégance et pudeur, les
blessures du Mustapha qu’il est. (...) Mon propos n’est pas de
recommencer, au nom du Juif cette fois, le magnifique et
émouvant témoignage de Mustapha Kessous. De toutes façons,
j’aurais du mal car, encore une fois, les blessures que j’ai pu
subir du fait de mon nom sont infiniment moins fréquentes, moins
rudes, moins ouvertes que celles que doit subir un Arabe, tous
les jours, au travail, dans la rue, devant le guichet d’une
administration ou à la porte d’une boîte de nuit. (...)
Benoîtement, une lectrice du Monde dans une réaction à l’article
de M. Kessous, lui propose de changer de nom, de «tuer» son
nom!! Comme pour illustrer que la pulsion est bien meurtrière!
Lequel d’entre nous n’a pas assisté à une de ces scènes
«banales» de racisme anti-arabe ou d’islamophobie? Si on
décidait, certains le font déjà bien sûr, de ne plus laisser
faire, de ne plus se taire, de ne plus tolérer que quiconque
soit identifié à un visage ou un nom? Le début du chemin dépend
sûrement de chacun de nous. Pour en finir avec les Noms pas
Propres.(5)
Ces faits avérés parmi tant d’autres nous permettent de mesurer
l’étendue du fossé qui sépare ces nouveaux Français qui ont
largué les amarres originelles pensant, naïvement, s’intégrer
harmonieusement à l’ombre des lois de la République sans perdre
leur identité, voire leur âme. (...) Juste retour des choses, le
désenchantement a atteint en profondeur les beurs qui, las de
revendiquer des droits après avoir abdiqué leur identité
originelle pour une hypothétique identité gauloise qu’on leur
refuse dans les faits, ces mêmes beurs par un véritable
introspection franchissent le pas d’un retour aux sources.
Pourtant, comme l’écrivent Charles Bremmer et Marie Tourres:
«Voulant épargner à leurs enfants la discrimination, beaucoup de
parents immigrés ont donné à leurs enfants des prénoms très
français. Difficile ensuite de revenir en arrière». Ils sont nés
en France et s’appellent Louis, Laurent ou Marie, mais ils
veulent changer de prénom pour devenir Abdel, Saïd ou Rachida.
Les demandes de changement de prénom de la part d’enfants
d’immigrés se multiplient devant les tribunaux français. (...)
«Mon apparence est en contradiction avec mon prénom», explique
Jacques, 25 ans, qui souhaite adopter un nom originaire du pays
de ses parents, l’Algérie.(6)
Les «beurs» ont une façon à eux de résumer leur situation en
trois phrases: «Tu peux gagner des médailles d’or pour la
France, pour les flics tu resteras toujours un macaque. Tu peux
gagner la Coupe du monde pour la France, pour les flics tu
resteras toujours un raton. Tu peux vivre depuis 200 ans en
France, pour les videurs des boîtes de nuit, si ta peau est
basanée, ce sera toujours «ça ne va pas être possible»». Il ne
faut pas croire aussi que dans l’Amérique d’Obama, le racisme a
disparu. Nous nous souvenons des mésaventures du professeur noir
de Harvard, malmené chez lui sur dénonciation d’une passante qui
croyait à un cambriolage Au moment où la popularité de Barack
Obama s’effrite, les attaques sur ses origines et sa couleur se
font de plus en plus précises. Obama en sorcier africain, un os
en travers du nez, Obama en fourrure de singe, mangeant une
banane...(...) Un article publié sur le site Internet de la
chaîne de télévision Fox News a lancé la théorie selon laquelle
la réforme du système de santé serait une tentative dissimulée
d’octroyer des réparations pour l’esclavage: les Blancs paieront
l’addition, et, en vertu d’un mécanisme occulte, les Noirs
bénéficieront de tous les soins.
En définitive, De Gaulle avait bien raison d’affirmer que «le
corps social» n’est pas prêt à absorber en grande quantité des
éléments allogènes à son identité. Celle d’un peuple européen de
race blanche, de culture grecque et latine et de religion
chrétienne.»
1.Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire Zoos humains. La
Découverte.2004.
2. Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La
Découverte poche, 2002,
3..Chloé Leprince: Hortefeux donne dans l’humour raciste à
répétition. Rue89 10/09/2009 |
4.Moi, Mustapha Kessous, journaliste au Monde victime du
racisme. Le Monde 23 09 2009
5.Léon-Marc Levy. Des Noms pas Propres. Le Monde 23.09.09
6..C Bremmer, M. Tourres: Quand Jean-Pierre veut s’appeler
Mohamed. The Times 28 11 2008
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Publié le 15 octobre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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