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La boite de pandore des dérives de la liberté d'expression :
Impunité pour blasphème
Chems Eddine Chitour


Sam Bacile avec une des héroïnes du film

Samedi 15 septembre 2012

A force de tout voir on finit par tout supporter...
A force de tout supporter on finit par tout tolérer...
A force de tout tolérer on finit par tout accepter...
A force de tout accepter on finit par tout approuver.
Saint Augustin (Père de l’Eglise)

Cette citation attribuée à Saint Augustin -un algérien amazigh de naissance- pose les limites de la tolérance et le danger d’une normalisation rampante du blasphème. L’actualité nous donne l’occasion d’illustrer de fait les coups de boutoir contre une spiritualité –en l’occurrence l’Islam , le tiers exclus de la révélation abrahamique- au nom de la sacro-sainte liberté d’expression dont on connait les limites quand on est borderline pour d’autres faits relevant de la doxa occidentale qui dicte la norme de ce qui est licite ( Hallal) et interdit (Layadjouz : Cela ne passe pas) pour reprendre des expressions du vocabulaire religieux musulman…

Ainsi des centaines de personnes ont manifesté, dans plusieurs pays arabes, contre un film jugé insultant envers l'Islam, qui a déjà provoqué une attaque contre l'ambassade américaine en Libye, faisant quatre morts, dont l'ambassadeur. Il y eut aussi d'autres victimes libyennes. A total il y eut aussi une dizaine de musulmans qui sont morts dans les pays musulmans arabes. On parle de préméditation s’ agissant de l’attaque de Benghazi . L'appel à manifester avait été lancé de manière spontanée, sans intervention d'une organisation, et s'est propagé via les réseaux sociaux, notamment. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a dénoncé, jeudi, le caractère ´´écoeurant´´ et répréhensible de la vidéo et souligné que l'Administration Obama en rejetait le contenu et le message. L'Arabie Saoudite ainsi que le président Mohamed Morsi, ont condamné à la fois le caractère blasphématoire de la vidéo et le recours à la violence.

Au Proche-Orient, c'est par l'intermédiaire de plusieurs chrétiens d'Orient extrémistes et notamment de Morris Sadek que la vidéo a été largement diffusée. Les autorités de l'Eglise copte ont clairement dénoncé le film. Le patriarche Anba Pachomios, pape par interim de l'Eglise copte depuis la mort de Chénouda III, s'est emporté contre ceux qui «sèment la zizanie». «Laissez-nous en paix, nous sommes capables de vivre sous la protection et avec l'amour des musulmans»,a-t-il notamment déclaré à l'adresse des Coptes radicaux de l'étranger. Le Vatican a condamné mercredi 12 septembre «les offenses injustifiées et les provocations à la sensibilité des croyants musulmans», tout en jugeant la violence «inacceptable», dans une allusion claire à l'attentat perpétré en Libye après la diffusion d'un film jugé insultant envers l'Islam.

Qu'est-ce que le blasphème?

Une fois de plus, les musulmans se sont sentis agressés dans leur «être au monde» et leur condition de croyants. En Occident, on invoque l'arme fatale: la liberté d'expression. Est-ce un blasphème que de s'en prendre à une spiritualité? Selon l'encyclopédie Wikipédia: «Un blasphème est un discours jugé irrévérencieux à l'égard de ce qui est vénéré par les religions ou de ce qui est considéré comme sacré. Le blasphème ne prend son sens qu'à travers ce qu'il reflète à la fois du point de vue des religieux et social: une hérésie, une apostasie, ou une provocation. De même, l'intervention pour préserver l'ordre public procède de logiques différentes. Une religion conduit toujours à délimiter un domaine sacré exclusif du domaine profane. La protection de ce domaine sacré se caractérise par un système d'interdits acceptés.

Pour les autres, la liberté de conscience implique la liberté d'expression. Chacun est donc libre de s'exprimer, y compris sur des sujets religieux (...)» Ce principe conduit les laïques à considérer que la liberté de penser est absolue ou elle n'est pas. La réponse politique à apporter face au blasphème doit apporter un arbitrage entre liberté d'expression et droit au respect de la religion. A titre d'exemple, en Allemagne l'article 166 du Code pénal intitulé: «Diffamation des religions, associations religieuses ou idéologiques» connu aussi sous le nom de punit le blasphème jusqu'à trois ans d'emprisonnement, s'il y a trouble de la paix civile.

On en trouve une traduction dans le Code pénal d'Alsace et Moselle en France qui bénéficie du Concordat. Dans le reste de la France, on peut blasphémer contre la religion mais il est interdit de s'en prendre aux lois sanctuarisant les génocides...On l'a vu avec l'affaire Charlie hebdo des caricatures de Mohamed. Tout le monde, Sarkozy, en tête s'est découvert une âme de bien-pensant, mais ces chevaliers sans peur et sans reproche ont l'indignation sélective s'agissant de mettre au banc de la société ceux qui «osent» s'en prendre au sacré de ces vraies lois liberticides.

L’affaire du film diabolisant l’Islam : Une bénédiction pour Romney ?

«Les républicains, écrit Thomas Snegaroff, ne pouvaient rêver mieux. Imaginez. Eux qui, depuis des mois, cherchent à faire passer Obama pour une lopette, incapable de diriger la première puissance militaire du monde, en qui ils voient, ô insulte suprême, un Jimmy Carter en puissance, sont servis. En septembre 1980, le Président avait quatre points d'avance sur Ronald Reagan malgré un contexte économique très difficile. Et puis les étudiants iraniens ont pris d'assaut l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran, faisant 52 otages. Carter décidait, quelle folie, de cesser sa campagne pour se concentrer pleinement sur la libération des otages - une libération qui surviendra, mais le jour-même de l'investiture du nouveau Président, Ronald Reagan.» (1)

«A peine l'attaque sur le Consulat des Etats-Unis à Benghazi connue, Mitt Romney prenait la parole. (...) «Mon Dieu, mon rêve se réalise!», a-t-il dû penser en déclarant: «Nous sommes unanimes à condamner les attaques contre les ambassades et la mort de citoyens américains. Mais il est également important, pour moi, [...] de dire qu'il y a eu des déclarations inopportunes, notamment un communiqué honteux de la part de notre gouvernement demandant pardon pour les valeurs de l'Amérique [...] Ce n'est jamais la chose à faire.»(1)

« A peine élu, Obama est la cible des commentateurs conservateurs qui se succèdent sur Fox News, ulcérés de voir le Président américain critiquer l'attitude passée de leur pays et demander pardon lors de ses voyages à l'étranger. Pour eux, l'Amérique d'Obama s'excuse beaucoup trop: d'avoir été «arrogante» avec les Européens, d'avoir utilisé l'arme atomique avec les Asiatiques, d'avoir renversé des gouvernements démocratiques avec les Latino-Américains, d'avoir été humiliante avec les musulmans... On dénonce ici une «tournée des confessions» (Karl Rove), là une «tournée des excuses» (Mitt Romney) qui, selon eux, ne peuvent qu'effriter encore un peu plus le leadership américain dans le monde. On est loin du discours du Caire prononcé par Barack Obama qui proposait d'engager un dialogue constructif avec l'Islam, reposant sur une bonne dose d'empathie réciproque... Non: pour les néo-conservateurs comme Robert Kagan, l'Amérique doit être forte, si forte que personne ne pourra jamais l'attaquer.» (1)

Les causes: un coup monté pour attiser les haines?

Mystères et confusion régnaient sur l'identité de l'auteur du film ayant provoqué de violentes attaques contre les Etats-Unis en Egypte, en Libye et au Yémen. Ce pamphlet a été réalisé et produit par un illustre inconnu: Sam Bacile, un promoteur immobilier israélo-américain de 54 ans originaire du sud de la Californie. Dans un entretien au Wall Street Journal, le réalisateur justifie sa démarche d'un laconique: "L'islam est un cancer. "Sam Bacile dit avoir voulu aider Israël, son pays d'origine, en montrant au monde les défauts de l'Islam. "Le film est politique. Pas religieux, se défend-il pourtant. Le principal problème est que je suis le premier à mettre à l'écran quelqu'un qui représente le Prophète Mahomet. Ça les rend fous, s'est défendu Sam Bacile. Mais nous devons ouvrir les vannes. Après le 11-Septembre, tout le monde doit être jugé, même Jésus, même Mahomet, a-t-il ajouté. Les Etats-Unis ont perdu beaucoup d'argent et de personnes dans leurs guerres en Irak et en Afghanistan, mais nous nous battons avec des idées" , a-t-il déclaré au Sacramento Bee. C'était sans compter le soutien de personnalités américaines connues pour leur position anti-Islam, comme le très controversé pasteur Terry Jones. Ce dernier s'est attiré de nombreuses critiques par le passé, notamment pour avoir brûlé un exemplaire du Coran. (2)

D'une façon diabolique, le scénario a été réécrit à partir du tournage des mêmes scènes / «Une information relayée par les médias américains affirmait qu'un Copte vivant dans la banlieue de Los Angeles, Nakoula Basseley Nakoula, était le responsable de la société de production du film et qu'il avait eu maille à partir avec la justice. (...) L'équipe du film a fait part de sa colère, mercredi, dans un communiqué publié par le Los Angeles Times." Tous les acteurs et toute l'équipe sont bouleversés et ont l'impression d'avoir été exploités par le producteur" , écrivent-ils. "Nous sommes à 100% contre ce film et avons été grossièrement trompés sur ses intentions et objectifs. (...) Nous sommes choqués par les réécritures radicales du scénario et les mensonges proférés à toutes les personnes impliquées" . L'actrice Cindy Lee Garcia, a affirmé qu'elle ignorait que le film fût une propagande anti-musulmane, ajoutant que des dialogues avaient été doublés après le tournage. Selon elle, ´´il n'y avait rien sur Mahomet ou les musulmans´´ dans le film qu'elle a tourné. L'actrice a précisé que le film, qui aurait coûté 5 millions de dollars en partie versés par une centaine de donateurs juifs, avait été tourné durant l'été 2011 à l'intérieur d'une église proche de Los Angeles.(3)

L'ensemble des insultes contenues dans la vidéo n'ont pas été prononcées par les acteurs mais rajoutées lors du doublage. Le réalisateur, se présentant comme un Américain juif nommé Sam Bacile, avait expliqué à la presse que son film n'avait été diffusé qu'une seule fois, dans la salle quasiment déserte d'un obscur cinéma d'Hollywood. De nombreux observateurs ont également repéré que lors des dialogues, extrêmement mal doublés, les voix des acteurs semblent se modifier lorsqu'ils évoquent l'Islam. Lorsque l'on se concentre sur les dialogues, on a même l'impression que les propos les plus insultants envers les musulmans ont été enregistrés a posteriori et ajoutés au montage pour remplacer les dialogues originaux La chaîne CNN a retrouvé quelque 80 personnes ayant participé au tournage du film. Or, la totalité d'entre eux affirme avoir été" trompée" par le réalisateur. Le film, qui portait au départ le titre de "Desert Warrior" , était censé être "un film d'aventure historique dans le désert arabe" . Plus grave, les acteurs confirment que leurs propos ont été modifiés et que le script n'évoquait à aucun moment le Prophète de l'Islam. Selon l'Associated press, le mystérieux réalisateur se nommerait finalement Nakoula Basseley Nakoula, un Californien de confession copte de 55 ans ayant reconnu faire partie de l'équipe de production et dont l'agence a pu vérifier l'identité. En effet, Sam Bacile, que l'agence avait interviewé par téléphone la veille, utilise un téléphone renvoyant à la même adresse physique que Nakoula Basseley Nakoula. Ce dernier est connu pour avoir été condamné en 2010 pour des malversations financières.(4)

Faut-il limiter la liberté d'expression?

Cette scabreuse affaire qui pose les limites de la liberté d'expression apparait en même temps qu'un autre brûlot en France, un écrivain Richard Millet fait l'apologie de Anders Brevick au nom de la pureté de la race européenne souillée par son mélange avec l'immigration musulmane. Beaucoup d'écrivains de renom se dirent scandalisés.

Nous rapportons les propos de Annie Ernaux écrivaine: «(...) J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Je ne ferai pas silence sur cet écrit à la raison que réagir renforce la posture de martyr, d'écrivain maudit, qu'il s'est construite. Richard Millet est tout le contraire d'un fou. Chaque phrase, chaque mot est écrit en toute connaissance de cause et, j'ajouterai, des conséquences possibles. Traiter par le silence et le mépris un texte porteur de menaces pour la cohésion sociale, c'est prendre le risque de se mépriser soi-même plus tard. Parce qu'on s'est tu.» (5)

« Je ne me laisserai pas non plus intimider par ceux qui brandissent sans arrêt, en un réflexe pavlovien, la liberté d'expression et le droit des écrivains à tout dire hurlant à la censure pour bâillonner celui ou celle qui, après avoir examiné de quoi il retourne dans cet opuscule, ose - quelle audace! - s'interroger sur les responsabilités de son auteur au sein d'une maison d'édition. J'écris depuis plus de quarante ans. Pas davantage aujourd'hui qu'hier je ne me sens menacée dans ma vie quotidienne, en grande banlieue parisienne, par l'existence des autres qui n'ont pas ma couleur de peau, ni dans l'usage de ma langue par ceux qui ne sont pas "Français de sang" , parlent avec un accent, lisent le Coran, mais qui vont dans les écoles où, tout comme moi autrefois, ils apprennent à lire et écrire le français. Et, par-dessus tout, jamais je n'accepterai qu'on lie mon travail d'écrivain à une identité raciale et nationale me définissant contre d'autres et je lutterai contre ceux qui voudraient imposer ce partage de l'humanité.» (5) Tout est dit, nous ne retrions pas une virgule à ce texte.

Conclusion

L’affaire de ce film est grave en ce sens que tout est permis s’agissant de diaboliser les autres. Il est vrai qu’il existe un amendement pour la liberté d’expression, mais est ce un horizon indépassable quand il s’agit de la paix du monde , surtout quand on sait les multiples entorses profanes à cet interdit qui veut qu’il serait dangereux de s’en prendre aux tenants de l'ordre.

Sans remettre en cause l’esprit de la liberté d'expression, nous pensons que cette dernières devrait avoir des limites – s’agissant des spiritualités qui sont qu’on le veuille ou non le seul recours dans un monde de plus en plus anomique, seul refuge pour garder l’espoir en un avenir meilleur- qui sont celles de ne pas compromettre le vivre-ensemble à l'échelle d'une nation et plus largement à l'échelle du monde devenu un grand village de par la bénédiction des médias de l'Internet, souvent pour le meilleur et certaines fois pour le pire. La paix des civilisations ne peut en aucun cas être assujettie aux délires de pyromanes. Les musulmans n'auront pas d'autres choix que de s'adapter à une banalisation du sacré. Il n'est que de voir à titre d’exemple comment le Christ est traité, ce qui choque profondément les Musulmans. Ces mêmes Arabes qui sont comme l’écrit si bien Lawrence d’Arabie, un « peuple des beaux départs » sont géré à l’émotion. Cette énième provocation s’éteindra comme les autres, laissant de plus un fossé se creuser inexorablement entre l’Islam et l’Occident. Ainsi va le monde.

1. Thomas Snegaroff ahttp://blogs.rue89. com/amerique-dans-la-peau/2012/09/12/benghazi-un-cadeau-du-ciel-pour-mitt-romney-228394
2. Hélène Sallon Le Monde.fr avec AFP et AP | 12.09.2012 «L'Innocence des musulmans»
3. Le mystère plane sur l'auteur du film anti-islam OLJ/Agences | 13/09/2012
4. Jérôme Hourdeaux: Brûlot «anti-islam»: un coup monté Rue 89 13 09 2012
5. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/09/10/le-pamphlet-de-richard-millet-deshonore-la-litterature_1758011_3232.html


Professeur émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

Publié le 16 septembre 2012 avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

 

   

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