Opinion
Afin que nul
n'oublie
La Nekba et les Deir Yassine rayés de la
carte
Chems
Eddine Chitour
Deir
Yassine
Lundi 15 avril 2013
«Notre armée est
pure (...), elle ne tue pas d'enfants.
Nous avons une conscience et des valeurs
et, à cause de notre morale, il y a peu
de victimes [palestiniennes].»
Des
généraux israéliens dans Tsahal, le film
réalisé par Claude Lanzmann
Il y a 65 ans, était inauguré un
massacre de masses, le premier d'une
longue série: Deir Yassine, un nom
devenu mythique, rejoint par d'autres
lieux de supplice: Keblya, Jenine et
naturellement Ghaza.
Younès Arar nous rappelle les faits: «A
l'aube du 9 avril 1948, les commandos de
l'Irgun et le Gang Stern ont attaqué
Deir Yassine, un village d'environ 750
habitants palestiniens, pour les
expulser ou les assassiner.(...) C'est
le bruit des balles qui a réveillé les
habitants de ce village palestinien, et
aussi l'horrible odeur du sang humain. A
midi, les milices Stern et Irgoun
avaient tué cent Palestiniens, hommes,
femmes et enfants, mettant en place le
Plan Dalet, conçu et dirigé par Menahem
Begin, futur Premier ministre d'Israël.
Aujourd'hui, le village de Deir Yassin
n'existe plus tel qu'il était mais il
vit dans la mémoire de chaque
Palestinien. Le monastère pluri-
centenaire se dresse au coeur de Deir
Yassin comme un témoignage, adressé à
Israël et au monde entier, que, il n'y a
pas si longtemps, ce lieu était un
village palestinien. (...) Aujourd'hui,
ironie de l'histoire, se trouve à Deir
Yassin le mémorial juif qui commémore
d'autres victimes d'un autre mal fait
par les hommes, l'holocauste commis par
l'Allemagne nazie, en ce lieu où des
terroristes juifs ont commis un autre
grave crime contre l'humanité.» (1)
Younès Arar poursuit son récit macabre:
«Le village était entouré de six
colonies sionistes, la plus proche étant
Giv'at Sha'ul. Les colons sionistes
avaient coupé la route principale qui
reliait Deir Yassin à al-Quds, plaçant
Deir Yassin sous un blocus presque
total. (...) Les Palestiniens se sont
réveillés aux appels des hauts parleurs
leur ordonnant de quitter le village.
Les villageois confiants sortirent de
leurs maisons pour voir ce qui se
passait, et c'est là que le massacre a
commencé. Les sionistes ouvrirent le feu
sur tous ceux qui essayaient de
s'échapper, puis entrèrent dans le
village et commencèrent leur
«nettoyage»: Des familles entières
furent alignées contre le mur et
exécutées. Des femmes enceintes furent
transpercées à la baïonnette et le corps
de leur enfant fût mutilé. L'argent et
les bijoux furent arrachés du corps des
victimes et les autres effets personnels
furent volés avant que les maisons
soient incendiées. Sur les 144 maisons
de Deir Yassin, au moins 15 furent
détruites à l'explosif sur le corps de
leurs habitants par les milices
sionistes. (...) Un agent enquêteur
britannique, l'Inspecteur général
Richard Catling, confirma qu'il ne fait
aucun doute que de nombreuses atrocités
sexuelles furent commises au cours des
attaques juives. Beaucoup de jeunes
écolières furent violées, puis abattues.
De vieilles femmes furent aussi battues.
Une histoire revient souvent au sujet
d'une jeune fille qui fût littéralement
coupée en deux. (...)». (1)
Aujourd'hui, l'hôpital de Kfar Shaul est
construit sur le site de cet ancien
village palestinien proche de Jérusalem.
Lors de ce ratissage, les hommes de
l'Irgoun et du Lehi prennent les
habitations une par une, les nettoyant
souvent à la grenade. Après le massacre,
la presse relaie le chiffre de 254
victimes civiles. Jacques de Reynier,
observateur à l'époque, parle quant à
lui d'environ 350 morts. (...) D'après
le commandant adjoint de l'Irgoun à
Jérusalem, Yeouda Lapidot, c'est le Lehi
qui aurait proposé de «liquider les
résidents du village après sa conquête
[afin de] briser le moral des Arabes, et
relever celui des juifs, affectés par la
tournure des événements». (2)
Ce massacre suscite l'indignation de la
communauté internationale. Einstein y
exprime par lettre son refus d'être
associé à ceux qu'il qualifie de
criminels. Le grand physicien Albert
Einstein, juif de confession, s'était
toujours élevé contre la politique des
organisations sionistes et terroristes.
Suite au massacre de Deir Yassin, il
écrit le 10 avril 1948, à M. Shepard
Rifkin, directeur exécutif des amis
américains des combattants pour
l'indépendance d'Israël «Cher monsieur,
quand une véritable catastrophe finale
s'abattra sur la Palestine, le premier
responsable en sera le gouvernement
britannique et les seconds responsables
seront les organisations terroristes qui
émanent de nos rangs. Je ne veux voir
personne associé avec ces gens égarés et
criminels». Sincèrement, Albert
Einstein.» (3)
«Selon Benny Morris, néanmoins,
l'épisode a un «effet plus durable que
n'importe quel autre événement de la
guerre dans la précipitation de l'exode
palestinien». «Deir Yassin fut un des
deux événements pivots dans l'exode des
Arabes palestiniens» (...) IIan Pappé,
avec certaines nuances, considère que
les responsables du massacre de Deir
Yassin pouvaient justifier leurs actes
en se référant au Plan Daleth puisque ce
dernier acceptait le principe de
destruction de toutes les «bases
ennemies» jugées stratégiques, que tous
les villages aux alentours étaient
considérés comme des bases ennemies et
que la destruction d'un village implique
bien d'en chasser les habitants» (2)
Le
massacre de Kibya
Après Der Yassine, il y eut Kibya, il y
eut Jenine. Il y eut Gaza. Sandrine
Mansour nous décrit les faits d'arme de
Sharon celui qui deviendra un jour
premier ministre. Elle écrit: «Détruire
et terroriser. En octobre 1953, un
commando spécialisé de l'armée d'Israël,
l'Unité 101 dirigée par Sharon, mène une
opération meurtrière contre le village
arabe palestinien de Kibya. Le village
de Kibya se trouve à environ 30
kilomètres au nord-ouest de Jérusalem du
côté jordanien, et à environ quatre
kilomètres de la ligne de démarcation
frontalière. (4)
Jénine: un
massacre à huis clos
Bien plus tard, d'autres crimes furent
commis. Chaque crime dépasse en horreur
les précédents. Jénine nom mythique eut
son calvaire. Jénine est une ville de
Cisjordanie et un important centre
agricole palestinien. L'assaut contre le
camp de réfugiés de Jénine, considéré
alors par les Israéliens comme une
pépinière de kamikazes, dura du 3 au 11
avril 2002, dans le cadre de l'opération
«Rempart»:«Le paysage, écrit Amnon
Kapeliouk, défie toute description. Une
incarnation de l'horreur, une vision
d'après ouragan. Des maisons détruites,
totalement ou partiellement, des débris
de béton et de fer, des fils électriques
entremêlés. Au milieu du camp, un
terrain vague rectangulaire. Des femmes,
des vieux, des enfants, des hommes
errent dans les décombres, à la
recherche de leurs proches ensevelis.
(...)» (...) Quelques dizaines de mètres
plus loin, trois hommes arrachent le
cadavre de leur père, défiguré, des
restes de ce qui fut leur maison dans
l'un des quartiers les plus pauvres de
la Cisjordanie.» (5)
«Jénine poursuit Amnon Kapeliouk a été
envahi le 3 avril, cinquième jour de
l'assaut contre les villes
palestiniennes de Cisjordanie. Un tir
nourri, des obus de chars et des
missiles d'hélicoptères ont signalé le
commencement de l'attaque contre le
camp. Plusieurs milliers de personnes
sont parties à pied vers sept petits
villages de la région; 4000 autres sont
restées terrées dans leur maison dans
des conditions désastreuses: sans eau,
ni nourriture, ni électricité, sans
pouvoir aller à l'hôpital et dans une
atmosphère infernale de tirs, de
bombardements et d'explosions, jour et
nuit. Les hélicoptères ont «arrosé» le
camp sans pitié. Ici, seuls les Cobra,
les redoutables «monstres» qui opéraient
durant la guerre du Vietnam, étaient en
service.» (5)
Amnon Kapeliouk fait parler un militaire
participant au carnage, il décrit sans
état d'âme son rôle dans l'armée la plus
morale au monde: «Un pilote de
l'escadrille, le lieutenant-colonel Sh.,
raconte: «Notre escadrille a lancé
pendant tous les jours des combats une
quantité énorme de missiles à
l'intérieur du camp des réfugiés. Des
centaines de missiles. Toute
l'escadrille fut mobilisée pour ces
opérations, y compris des réservistes.
(...) Pendant les combats, il y avait
toujours au-dessus de Jénine deux Cobra
prêts à lancer un missile vers la maison
indiquée par le QG en bas (...). Les
´´combattants volants´´ ne jureront pas
que leurs missiles n'ont pas touché des
civils. (...) Ce n'est pas difficile
d'imaginer ce qui se passe à l'intérieur
des maisons après tout ce qu'on a tiré
dessus, dit un réserviste qui requiert
l'anonymat. (...) Pendant le couvre-feu,
il y avait des ´´patrouilles
violentes´´. Un char ´´galopait´´ dans
les rues désertes, écrasait tout ce
qu'il trouvait sur son chemin et ouvrait
le feu sur ceux qui violaient le
couvre-feu. (...) Une nuit, j'ai monté
la garde (dans un appartement dans
lequel nous nous étions installés).
Toute la nuit j'ai entendu une petite
fille qui pleurait. Là-bas, il s'est
produit une déshumanisation. Certes,
nous avons subi un feu nourri, mais, en
revanche, nous avons effacé une ville.»
(5)
« Comme rapporté par le journal Yediot
Aharonot, le grand nombre de victimes
palestiniennes a choqué, en Israël, tous
ceux que révulse la politique de force
du gouvernement, mais aussi tous ceux
qui redoutent que l'image de l'Etat juif
en sorte ternie.(...) Lors de
conversations à huis- clos, Pérès a
qualifié l'opération de
´´massacre´´.» (5)
Le
calvaire de Ghaza:l'opération «Plomb
durci»
On se souvient que le gouvernement de
Sharon s'est retiré unilatéralement de
la bande de Ghaza en 2005. Depuis,
l'armée israélienne n'a cessé de
bombarder Ghaza pour répondre aux tirs
de roquettes Azzedine El Quassam contre
la ville voisine de Sderot. Le point
d'orgue de ces opérations meurtrières
est l'opération «Plomb durci». Robert
Bibeau décrit d'une façon saisissante
comment l'enfer s'est abattu sur Ghaza,
notamment en terrorisant les enfants.
Nous lui donnons la parole: «Le soleil
s'était levé tôt ce matin là, vers 11 h
30 il frappait dru dans un ciel sans
nuage au-dessus de Ghaza l'indomptable.
Ce samedi 27 décembre 2008, une «panzer
division» blindée se mit en marche
suivie par une division d'infanterie,
une escadrille d'avions de chasse F-16
rugit dans le ciel et des détachements
d'hélicoptères de combat Apache
frappaient l'air de leurs palmes
effrayantes, des escadrons aéroportés
des Forces de «défense» d'Israël (FDI)
se lancèrent elles aussi,
courageusement, à l'assaut des
misérables faubourgs de Ghaza» (6)
«Le
calvaire des Palestiniens»: le coeur du
problème c'est l'humanité
C'est par ces mots que Ramzy Baroud nous
relate la lecture d'un ouvrage sur la
Palestine: Il écrit: «Quand j'ai trouvé
un exemplaire du dernier livre de
William A. Cook, The Plight of the
Palestinians (Le calvaire des
Palestiniens) dans ma boîte à lettres,
j'ai ressenti un peu d'inquiétude.
Rassemblant le travail de plus de 30
grands écrivains, ce manuel est celui
qui aborde à mon sens le calvaire des
Palestiniens de la façon la plus claire
à ce jour. De l'introduction de la plume
même de Cook « The Untold Story of the
Zionist Intent to Turn Palestine into a
Jewish State » (L'Histoire cachée du
projet sioniste de transformer la
Palestine en un état juif), jusqu'au
résumé des crimes d'Israël de Francis
Boyles Israel's Crimes against the
Palestinians, le lecteur est convié à un
voyage extensif qui le conduit tout au
long de l'histoire de la Palestine
d'avant et après la Nakba, la
Catastrophe de 1947-48.
La photo de couverture était
significative: un vieil homme à la barbe
blanche et à l'air doux qui aurait pu
être n'importe quel grand-père
palestinien ou du Moyen-Orient caresse
avec affection les cheveux d'un petit
enfant. » (7 )
« Les deux personnages sont accroupis
devant une petite tente. Al-Nakba venait
de les frapper, et les deux Palestiniens
séparés par deux générations mais qui
vivent le même drame ont l'air épuisé et
hagard. Cependant, d'une certaine
manière le grand-père fait valoir avec
détermination son droit d'aimer son
petit-fils. Le refus de renoncer à son
humanité a été le fer de lance de la
lutte et de la résistance du peuple
palestinien contre le cruel système
d'occupation et d'oppression, pendant
presque 63 ans. (...) La tragédie
humaine est décrite dans toute sa
réalité dans la première partie du
livre. A chaque paragraphe, le lecteur
se trouve confronté a des épisodes
sanglants.(...) ´´Le Calvaire des
Palestiniens´´ est un livre qui relate
une longue histoire de destruction en
semant les graines de compréhension si
nécessaires à l'avènement d'un
changement significatif et durable.» (
7)
Épuration
ethnique et Nakba: génocide au ralenti
La Nekba n'est pas tombée du ciel, elle
a été minutieusement préparée. L'idée de
nettoyage ethnique en Palestine n'est
pas née subitement en mars 1948. Elle
est l'aboutissement d'une longue
évolution devenue évidente dans les
années 1930. Nous lisons sur le site
membres multimania.fr: «Sous prétexte de
réaliser un inventaire de toutes les
terres susceptibles d'être acquises par
le Fonds national juif, les sionistes
ont constitué des dossiers très complets
sur tous les villages palestiniens.
Dans son ouvrage publié sur le site de
Global Research, Stephen Lendman écrit:
«Il y eut des destructions de maisons,
de villages et de récoltes, des viols et
d'autres atrocités. On massacra des
civils sans défense, femmes et enfants;
on ne fit pas de quartier. Ces crimes ne
sont jamais mentionnés dans
l'historiographie officielle expurgée.
On n'y trouve que le mythe des
Palestiniens quittant volontairement le
pays et craignant les représailles des
armées arabes venues envahir Israël. Ces
mensonges ont pour but de couvrir les
crimes israéliens que les Palestiniens
appellent Nekba' (catastrophe ou
désastre).» (8)
200 villageois furent assassinés par la
Haganah, l'armée régulière, huit jours
après la proclamation de l'Etat juif. Ce
massacre, plus tabou encore que celui de
Deir-Yassine, a été ´´révélé´´ en 2000
par Teddy Katz, de l'Université de
Haïfa. A Dawaimeh, le pire de tous les
massacres israéliens, plus de 450 civils
palestiniens ont perdu la vie en octobre
1948. Ilan Pappé écrit à ce propos:
´´Les soldats juifs qui ont pris part au
massacre ont rapporté les horreurs:
bébés au crâne fracassé, femmes violées
ou brûlées vives dans les maisons,
hommes poignardés...´´ Quant aux
Britanniques, ils ont laissé faire. Ilan
Pappé parle de ´´passivité complice´´».
(8)
L'avenir des Palestiniens est plus que
jamais sombre. Le fait accompli commence
à être reconnu comme irréversible. Les
Palestiniens continueront à vivre dans
la peur et le déni de dignité. Les
arbalètes du Hamas sont plus des
sursauts de dignité qu'une réelle
puissance. Les Etats-Unis se sont
retirés. Les Arabes s'étripent et Israël
tourne le dos au droit international et
à la dignité humaine.
1.Younès Ararh
http://www.mondialisation.ca/
commemoration-du-massacre-de-deir-yassin-hommage-aux-martyrs-documentaire-the-agony/5330836
11 avril 2013
2. Le massacre de Deir Yassine.
Encyclopédie Wikipédia
3
.http://www.alterinfo.net/Einstein-et-Bricmont-sur-l-imposture-sioniste_a50176.html
26 09 2010
4. Sandrine Mansour: Le massacre de
Kibya: octobre 1953
http://www.france-palestine.org/article237.html13
mars 2004
5.
http://www.mondediplomatique.fr/2002/05/KAPELIOUK/16488
Yediot Aharonot, 19 avril 2002
6.http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito9102010.html
10.10.2010
7. Ramzi Baroud «Le calvaire des
Palestiniens»: le coeur du problème
c'est l'humanité : Le grand Soir
8 http://membres.multimania.fr/wotraceafg/conflit_pal_isr.htm.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 14 avril 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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