|
L'EXPRESSIONDZ.COM
L'Iran règle ses comptes avec l'Occident
Un procès pour l'exemple
Pr Chems Eddine Chitour
Clotilde Reiss
Jeudi 13 août 2009
L’Iran règle ses comptes avec l’Occident: un procès pour
l’exemple «Ils [les pays occidentaux] ont dit qu’ils
reconnaissent les élections, mais qu’ils n’enverraient pas de
message de félicitations. (...) Sachez qu’en Iran, personne
n’attend vos messages de félicitations.»
Mahmoud Ahmadinejad
Comment peut-on négocier avec un président que l’on ne reconnaît
pas et que l’on ne félicite pas selon les usages du «politiquement
correct»? Sarkozy attend le feu vert au même titre que les
pays européens, de l’Amérique. La France a beau exiger-message à
consommation interne-elle a été obligée et c’est normal de faire
intervenir des intercesseurs (Syrie et autres). Dans ce bras de
fer, l’Iran joue avec les nerfs des Français, il ne libère pas
celle qui est demandée: Clotilde Reiss mais l’autre, la
lampiste, la Franco-Iranienne qui n’intéresse apparemment pas
les autorités françaises puisque seule la première semble
constituer la priorité du président. Cela nous rappelle
étrangement le deux poids deux mesures que nous avions pointé du
doigt à propos de Salah Amouri et de Gilad Shalit, deux Français
binationaux: l’un palestinien, l’autre israélien. Qu’en est-il
au juste de ce minifeuilleton de l’été en France? Voilà une
universitaire férue de persan, Clotilde Reiss, qui est
emprisonnée en Iran depuis le 1er juillet, à la suite des
manifestations contre la réélection contestée du président
Mahmoud Ahmadinejad. La jeune femme, âgée de 24 ans, lectrice à
l’université d’Ispahan, était jugée samedi en compagnie d’une
employée locale de l’ambassade de France, Nazak Afshar. Clotilde
Reiss aurait reconnu, selon l’agence Irna, avoir participé aux
manifestations et rédigé un rapport pour un institut de
recherche dépendant de l’ambassade française.
Un second e-mail «trop précis» serait à l’origine de
l’arrestation de Clotilde Reiss en Iran, révèle RTL mardi 11
août. La jeune universitaire française est accusée d’espionnage
et «d’avoir rassemblé des informations et encouragé les
émeutiers», selon l’agence de presse officielle Irna.
Clotilde Reiss aurait reconnu alors, avoir participé à des
manifestations et rédigé un «rapport» pour un institut
dépendant de l’ambassade de France, précise l’agence. Clotilde
Reiss y «décrit les manifestations à Ispahan» avec
beaucoup de détails, précise la radio. L’e-mail à l’Ifri devient
un «rapport» à l’ambassade de France en Iran.
Farsi et nucléaire
Accusée d’«avoir rassemblé des informations et encouragé les
émeutiers», elle a pris la parole en persan pour confirmer
s’être rendue à deux manifestations. «J’ai écrit un rapport
d’une page que j’ai remis au patron de l’Institut français de
recherche en Iran qui dépend du service culturel de l’ambassade
de France», dit-elle encore avant de conclure en demandant «pardon
au pays, au peuple et au tribunal d’Iran» et en espérant «être
graciée».
«Pour Clotilde Reiss, l’Iran, c’est avant tout une histoire
de coeur.» «C’est sa deuxième maison», souffle une de
ses amies. Élevée en France par une nourrice d’origine persane,
au rythme des douces syllabes de la langue farsi, la jeune fille
s’intéresse très vite à ce pays qu’elle ambitionne de mieux
découvrir. (...) La jeune femme a aussi reconnu avoir écrit un
rapport sur le nucléaire il y a deux ans: «Dans le cadre d’un
stage au CEA, où mon père travaille comme expert, j’ai rédigé un
rapport sur les politiques en Iran en lien avec l’énergie
nucléaire (...) J’ai utilisé des articles et des informations
qu’on trouve sur Internet et il n’y avait rien de secret. «Son
père, Rémi Reiss, n’a pas souhaité réagir à ces déclarations.»(1)
Nous y voilà! Une fois de plus les Occidentaux devraient jouir
d’une impunité partout où ils sont. Ce tintamarre concernant
somme toute une affaire en pénal a mobilisé en France le ban et
l’arrière-ban. Comment «un minus», il faut entendre par
là un pays qui ose remettre en cause l’ordre établi ose-t-il
juger une Occidentale -à qui on impose un foulard - que l’on
présente comme une sainte? Les images de France2 zoomant sur le
foulard sont particulièrement symptomatiques d’un parti pris
honteux, jouant sur le refoulé du téléspectateur lambda qui juge
au premier degré dans un contexte de procès de la burqua. Mais
alors, pourquoi avoue-t-elle qu’elle a fait un rapport au CEA
sur le programme nucléaire iranien elle qui ne devrait s’occuper
que de farsi et de français. Malgré cela et, comme signe de «bonne
volonté», Téhéran a proposé que l’universitaire française
puisse bénéficier d’une mesure de liberté conditionnelle si elle
réside à l’ambassade de France d’ici à la fin de son procès.
De quoi s’agit-il? En fait, l’Occident n’a toujours pas pris la
mesure de la donne iranienne, obnubilé par le discours sioniste
sur la possession de la bombe. Souvenons-nous même du temps de
Bush, les experts de la CIA avaient montré que l’Iran n’avait
pas de programme nucléaire à usage militaire. Rien n’y fit, Bush
et après lui Obama tombent dans le même piège de la diversion
israélienne. Dans l’impunité la plus totale, personne ne demande
des comptes à Israël sur son arsenal atomique avec même des
sous-marins nucléaires fournis par l’Allemagne au nom de la
dette de la Shoah, qui narguent les Arabes en traversant le
canal de Suez. Quand Benyamin Netanyahu pose comme condition
d’arrêt de la colonisation, l’arrêt du programme civil nucléaire
d’enrichissement d’uranium de l’Iran, Mahmoud Ahmadinejad pose
comme condition, la dénucléarisation totale du Moyen-Orient,
notamment d’Israël. Ce jeu de ping-pong -procès d’opposants et
d’Occidentaux -cache en fait une partie de poker planétaire; le
monde se recompose en bloc et l’Iran veut en être contrairement
aux pays arabes qui ont perdu la partie s’ils continuent cet
à-plat-ventrisme envers l’Occident- Voilà 300 millions de tubes
digestifs qui instrumentalisent la religion, sacrifient aux «chahaouate»,
aux plaisirs de la vie, au farnienta, sans rien produire
scientifiquement et qui dorment sur 2/3 des réserves d’énergie
du monde qui n’arrêtent pas de faire subir des humiliations
multiformes à leurs peuples. L’Iran pays musulman veut échapper
à la spirale de la fatalité en se battant au quotidien pour
construire, produire, innover. Ce n’est pas demain qu’un pays
arabe sera capable d’envoyer dans l’espace, par ses propres
moyens, un satellite, technologie ô! combien pointue. Ce n’est
pas demain qu’un pays arabe construira ses avions, ses armes
bref lutter pour «exister» et non pas végéter au nom du
même Islam dont se réclament les monarques paresseux.
Naturellement, l’Occident fera tout pour déstabiliser l’Iran et
ce n’est pas fini; les ingérences sont continuelles de la part
des pays occidentaux. Ecoutons ce qu’en pense Alain Gresh grand
connaisseur du Moyen-Orient: «Et pourtant...Sans revenir sur
tout ce que les femmes iraniennes ont gagné depuis 1979
-notamment l’éradication de l’analphabétisme -, ni sur les
progrès faits dans le domaine de la lutte contre la pauvreté ou
de l’accès à l’eau et à l’électricité -concentrons-nous sur le
système présidentiel. L’Iran est le seul pays de la région (à
l’exception du Liban et de la Palestine et, bien sûr, d’Israël)
pour lequel nous ne savons pas à l’avance qui sera élu.»(2)
«La participation a été massive en Iran, comme le remarque
Reuters le 11 juin au soir. Tous les observateurs l’ont noté, la
campagne électorale présidentielle a été très animée, Les débats
télévisés entre les principaux candidats ont passionné les
téléspectateurs. (Le second débat, entre Mahmoud Ahmadinejad et
son principal concurrent, Hussein Moussavi, début juin, a été
suivi par plus de 40 millions de téléspectateurs. Comme le
rapporte le correspondant à Téhéran du Los Angeles Times, Borzou
Daragahi, le 4 juin, "Iranian president, rival spar in debate":
Ahmadinejad a décrit Moussavi comme appartenant à une cabale qui
comprend Hashemi Rafsandjani, un influent ayatollah et un ancien
président, et il a affirmé que Moussavi cherchait à le défaire
pour garantir des intérêts privés.»(2)
Concernant le nucléaire, Rasool Nafisi, sur le site de Radio
FreeEurope, «In Iran, The Election Is Being Televised»
(12 juin) écrit: «Malgré certains échanges très vifs durant
les débats, les candidats ont été attentifs à ne pas franchir
les ´´lignes rouges´´ du régime. Tous les candidats ont soutenu
le programme d’enrichissement d’uranium et aucun n’a utilisé
l’argument que poursuivre cette politique malgré les résolutions
de l’ONU et la politique de sanctions internationales ébranlait
les fondements de l’économie et de la société.. (...) Pour la
droite américaine et israélienne, comme le rappelle Helana
Cobban Ahmadinejad est le meilleur candidat! Par ailleurs, un
important dirigeant démocrate américain vient d’affirmer, dans
un entretien avec le Financial Times du 10 juin, ("US senator
opens Irans nuclear debate" par Daniel Dombey), que l’Iran avait
le droit d’enrichir son uranium et que l’argument en sens
contraire avancé par l’administration Bush était "ridiculous".»(2)
La doctrine occidentale se dessine
Si le nucléaire iranien devait se poursuivre quel que soit le
président élu, Ahmadinejad ou Moussavi, pourquoi alors cet
acharnement des pays occidentaux à vouloir déstabiliser l’Iran
quand bien même et selon toute vraisemblance les élections n’ont
pas été honnêtes et propres. Combien de fois l’Occident a fermé
les yeux pour les élections des potentats africains (le
président nigérien s’est intronisé à vie et El-Gueddafi est
toujours là depuis quarante ans sans que cela n’émeuve les
chantres des droits de l’homme pourvu qu’il laisse les
multinationales piller le pays. L’explication de cet acharnement
est peut-être à trouver dans le langage d’Ahmadinejad vis-à-vis
de la Shoah, de la nécessité d’en débattre mais aussi de sa
conviction qu’il faut abattre le sionisme pour arriver à un Etat
laïc où les juifs et les musulmans vivraient ensemble dans la
Palestine originelle comme le font les juifs d’Iran à l’ombre
des lois de la République islamique.
Selon Paul Joseph Watson, au début de son discours devant le
Council of Foreign Relations, prononcé le 15 juillet 2009, la
secrétaire d’Etat US, Hillary Clinton n’a fait que confirmer
tout haut et publiquement ce qu’un grand nombre d’opposants à la
domination mondiale des élites dénoncent depuis des années, tout
en étant accusés de «théorie de la conspiration», à
savoir la mainmise du CFR sur la politique des Administrations
US successives. Je suis ravie d’être ici dans ce nouveau QG.
(...) «Nous recevons beaucoup de conseils du Council, donc
cela veut dire que je n’aurai pas à aller loin pour qu’on me
dise ce que nous devons faire et comment nous devons envisager
le futur (...)...La question ce n’est pas si notre nation peut
ou doit diriger, mais comment elle doit diriger le XXIe siècle.
(...) Nous avons besoin d’un nouvel état d’esprit pour savoir
comment l’Amérique utilisera sa puissance pour protéger notre
nation, étendre une prospérité partagée, et aider d’autres
peuples dans plus d’endroits afin qu’ils puissent réaliser leur
potentiel, un don de Dieu.»(3)
On l’aura compris, l’objectif c’est de saper la souveraineté
nationale des nations par une ingérence directe reconnue voulue
et admise publiquement comme étant «la politique étrangère
américaine» pour le XXIe siècle. La «technique»,
s’adresser directement aux différentes composantes de la société
civile, les soutenir par des financements via des échanges
culturels, inter-entreprises, partenariats public, privé, des
contacts et financements directs avec des ONG, des aides au
développement technologique, bref, un programme américain, qui
existe déjà comme l’ont démontré les révolutions colorées, et
plus récemment les révolutions Twitter (Macédoine, Iran), mais
qui, jusqu’à présent, se matérialisait discrètement, voire
clandestinement. Avec Hillary Clinton et l’ Administration Obama
tout est fait au grand jour, sans complexe. L’interférence
américaine dans les affaires intérieures des autres pays pour en
détruire la souveraineté nationale, est devenue la priorité des
priorités, reflétant totalement la soumission au programme du
CFR/ Bilderberg et Cie. La gouvernance mondiale sous contrôle
américain se révèle au grand jour, les adeptes de la «théorie
de la conspiration» peuvent prendre leur retraite.(3)
S’agissant des pays arabes, là aussi pas d’équivoque: «...Et
nous savons que le progrès vers la paix ne peut être la
responsabilité des US - ou d’Israël - seuls. Mettre fin au
conflit nécessite une action de toutes les parties. Les
Palestiniens ont la responsabilité d’améliorer et d’étendre les
actions positives prises en matière de sécurité, d’agir avec
force contre toute incitation, et d’éviter toute action qui
diminuerait les chances de négociations sérieuses». «...Et
les Etats arabes ont une responsabilité pour prendre des mesures
pour améliorer les relations avec Israël, et pour préparer leurs
opinions publiques à adopter la paix et accepter Israël dans la
région. La proposition saoudienne, soutenue par plus de 20
nations, était un pas positif. Mais nous croyons qu’on a besoin
de plus que cela. Donc, nous demandons à ceux qui ont accepté
cette proposition de faire des pas significatifs maintenant.
Anouar el Sadate et le roi Hussein ont franchi des étapes
importantes, et leurs courage et vision ont mobilisé des
éléments pour la paix en Israël, et ont pavé le chemin pour des
accords durables.»(3)
Pour en revenir à l’Iran, depuis son installation,
l’Administration Obama n’a pas cessé de marteler sa volonté de
commencer des discussions directes avec l’Iran. Or, à ce jour,
aucun contact sérieux n’a été pris publiquement ou
clandestinement. Les seules actions clandestines américaines en
territoire iranien sont celles menées par la CIA via les groupes
terroristes du MEK, Jundallah et Kurdes iraniens, ainsi que via
des ONG majoritairement situées hors d’Iran mais ayant des
contacts à l’intérieur et soutenant des activistes iraniens des
droits de l’homme, des femmes etc. En fixant un ultimatum alors
même qu’aucune démarche sérieuse de négociation n’est entamée,
l’Administration Obama, Clinton en tête, ne cherche qu’une
chose: affirmer sur la place publique: nous avons tenté de
négocier mais cela n’a pas marché alors passons aux sanctions
voire à une attaque militaire. Nous sommes avertis: rien de
nouveau sous le soleil!
1.Delphine Minoui, Clotilde Reiss, une passionnée d’Iran Le
Figaro 10/08/2009
2.Alain Gresh: L’Iran tel que nous ne le connaissons-pas Le
Monde Diplomatique 13 juin 2009
3.Paul Joseph Watson-Discours d’Hillary Clinton: site
www.prisonplanet.com Pr Chems Eddine CHITOUR,
Ecole nationale polytechnique
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © L'Expression
Publié le 13 août 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
|