Opinion
L'Occident en
déclin :
La fuite en avant d'une 3e guerre
mondiale
Chems Eddine Chitour
Samedi 10 décembre
2011
«Je
crois que les institutions bancaires
sont plus dangereuses pour nos libertés
que des armées permanentes. Si le peuple
américain permet aux banques privées de
contrôler l'émission de leur monnaie,
d'abord par l'inflation, puis par la
déflation, les banques et les sociétés
priveront le peuple de toute propriété
jusqu'à ce que leurs enfants se
réveillent sans-abri sur le continent
que leurs pères avaient conquis.»
Thomas Jefferson, président des
Etats-Unis d'Amérique
Après l'implosion de l'empire
soviétique, ce fut comme on le sait, «la
fin de l'histoire» selon le mot de
Fukuyama avec une « pax americana » qui
paraissait durer mille ans. Le peuple
américain se voulant lui aussi, «peuple
élu» comme le martèle «la destinée
manifeste», c'est à lui d'éclairer le
monde au besoin par le napalm. (...)Dans
une conjoncture caractérisée par la
rareté des matières premières, 90% des
terres rares sont en Chine qui ne les
vend qu'avec parcimonie. La débâcle
financière des Etats-Unis et de l'Europe
a amené les Etats-Unis et l'Europe à ne
plus s'embarrasser de «principes», ils
prennent par la force aux pays faibles
leurs ressources comme c'est le cas de
Kadhafi crucifié par l'Occident qui ne
s'arrête pas de déstabiliser sous des
dehors de démocratie qui ne trompent
plus personne.
Pourquoi
le maillage mondial de la planète?
On sait que la marine américaine
sillonne les mers et accoste de temps à
autre pour montrer sa puissance comme au
bon vieux temps de la guerre froide et
tissant un réseau de plus en plus dense
de bases américaines en dehors du
territoire des Etats-Unis. En effet, la
plupart des sources de renseignements
sur cette question (notamment C.
Johnson, le Comité de surveillance de
l'Otan, l'International Network for the
Abolition of Foreign Military Bases,
etc.) révèlent que les Étatsuniens
possèdent ou occupent entre 700 et 800
bases militaires dans le monde. Un
document de 2002 permet de constater la
présence de militaires étatsuniens dans
156 pays, de leur présence sur des bases
étatsuniennes dans 63 pays, des bases
récemment construites (depuis le 11
septembre 2001) dans sept pays et un
total de 255.065 effectifs militaires.
Selon Gelman, en se basant sur les
données officielles du Pentagone de
2005, les USA possèderaient 737 bases à
l'étranger. (1)
Pour le professeur Jules Dufour,
l'emprise de la puissance militaire des
États-Unis dans le monde est
considérable et ne cesse d'augmenter.
Les Étatsuniens considèrent la surface
terrestre comme un terrain à conquérir,
à occuper et à exploiter. La division du
monde en unités de combat et de
commandement illustre fort bien cette
réalité. Dans ce contexte, il nous
semble que l'humanité se trouve ainsi
contrôlée, voire attachée à des chaînes
dont les maillons constituent les bases
militaires. Le processus de
redéploiement des installations
militaires est conduit sous la gouverne
de la force, de la violence armée, de
l'intervention à travers des accords de
«coopération» dont les velléités de
conquête sont sans cesse réaffirmées
dans le design des pratiques du commerce
et des échanges. Le développement
économique est assuré par la
militarisation ou le contrôle des
gouvernements et des sociétés et des
ressources immenses sont sacrifiées pour
permettre ce contrôle dans la plupart
des régions dotées de richesses
stratégiques pour consolider les bases
de l'Empire. (1)
On l'aura compris, cette mainmise sur
les matières premières de plus en plus
rares va susciter des tensions de plus
en plus vives. Cependant, la situation
n'est plus la même que celle qui
prévalait après la chute de l'empire
soviétique il y a vingt ans.
Souvenons-nous à l' époque, George Bush
père avait annoncé un nouvel ordre.
L'empire n'avait personne en face.
Hubert Védrine, ministre français des
Affaires étrangères, a pu parler d'hyperpuissance.
C'est dans ce cadre que l'on apprend que
les Chinois ne sont pas contents du sort
du Pakistan bombardé et qui a perdu 26
soldats. De plus, il voit d'un très
mauvais oeil la tentative d'encerclement
par le déploiement jusqu'à 2 500 marines
en Australie. Selon une dépêche de
l'AFP, le président chinois Hu Jintao a
appelé mardi 6 décembre à la marine de
se préparer pour le combat militaire, au
milieu de la montée des tensions
régionales sur les différends maritimes
et d'une campagne américaine de
s'affirmer comme une puissance du
Pacifique. S'adressant à la puissante
Commission militaire centrale, Hu a
déclaré: «Notre travail doit étroitement
encercler le thème principal de la
défense nationale et la construction
militaire.» L'agence de nouvelles
officielle Xinhua a cité le président
que de dire la marine chinoise devrait
«faire des préparatifs pour la guerre
prolongée». » (2)
« Le Premier ministre chinois Wen Jiabao
a averti le mois dernier contre
l'ingérence des «forces extérieures»
dans les différends territoriaux
régionaux, y compris ceux de la mer de
Chine méridionale. Alors qu'Hillary
Clinton est arrivée le 30 novembre au
Myanmar pour une visite de deux jours,
la Chine a d'ores et déjà pris les
devants. Le vice-président chinois Xi
Jinping a reçu lundi à Pékin le chef des
forces armées birmanes, Min Aug Hlaing,
et lui a rappelé combien la Chine
souhaite oeuvrer à un «partenariat
stratégique» avec le Myanmar, rapporte
le South China Morning Post. Le
quotidien de Hong Kong précise que
«l'intention du Myanmar est de
montrer qu'il ne laissera pas ses
relations avec la Chine se détériorer...
et qu'il cherche toujours à équilibrer
ses intérêts entre l'Orient et le camp
occidental». L'armée chinoise a effectué
de grandes manoeuvres militaires près du
Pakistan en réponse à l'installation des
troupes américaines dans la région. En
réponse à la montée de l'hostilité
occidentale envers l'Iran, le major
général Zhang Zhaozhong a remarqué que
«la Chine n'hésiterait pas à protéger
l'Iran même si cela doit déclencher une
troisième guerre mondiale», des
commentaires qui ont suscité beaucoup de
débats en Chine même. (...)
L'ambassadeur de la Chine à l'ONU a
prévenu le directeur de l'Aiea, Yukiya
Amano, de ne pas fabriquer de preuve
´´sans fondement´´ afin de justifier une
attaque sur l'Iran au nom d'arrêter son
programme nucléaire controversé.(2)
Du côté russe, la même inquiétude amène
là aussi à une mobilisation notamment
avec le déploiement du bouclier en
Europe. Le général russe Nikolaï Makarov
a déclaré la semaine dernière: «Je
n'exclus pas des conflits armés locaux
et régionaux en développement vers une
guerre à grande échelle, y compris en
utilisant des armes nucléaires.» Les
tensions mondiales entre l'Orient et
l'Occident ont explosé ces quinze
derniers jours quand l'ambassadeur de
Russie, Vladimir Titorenko et 2 de ses
adjoints en provenance de Syrie, ont été
brutalement agressés par les forces de
sécurité du Qatar soutenu par la CIA et
des agents du MI6 britannique. Ces
derniers ont tenté d'accéder à une
valise diplomatique contenant des
informations des services de
renseignement syriens à propos de
l'invasion de la Syrie et l'Iran par les
États-Unis. (...) Un journaliste
américain, Greg Hunter, explique
pourquoi «le monde est-il devenu hors de
contrôle?». Il révèle que la totalité de
l'économie occidentale s'effrite sous le
poids de plus de 100.000 milliards de $
de dette qu'ils ne sont pas en mesure de
rembourser: «Jamais dans l'histoire, le
monde n'a été aussi proche d'un chaos
financier total et la guerre nucléaire
dans le même temps.» (3)
Enfin, un bulletin du ministère de la
Défense publié par le Premier ministre
Poutine déclare aujourd'hui que le
président Medvedev ainsi que le
président Hu ont «validé un accord de
principe» sur le fait que la seule façon
d'arrêter l'agression de l'Occident
dirigée par les États-Unis se fera par
«action militaire directe et immédiate»
et que le dirigeant chinois a ordonné à
ses forces navales de se «préparer à la
guerre». (4)
Claude Jacqueline Herdhuin résume bien
cette tentation permanente de l'empire
en écrivant que la vraie guerre est
d'ordre financier: «Les États-Unis
veulent rester le chien de garde du
monde, peu importe si ce chien,
aujourd'hui galeux et aveugle, n'est
plus à la hauteur. Parfois, la sagesse
et l'intelligence veulent qu'on se
replie, mais l'Administration
étatsunienne, sous la houlette des
industries de la finance et militaire,
continue de prétendre dominer la
planète. Il suffit cependant d'un peu de
perspicacité et de bon sens pour
constater que cette puissance moribonde
ne fait plus trembler le monde.» (5)
La
coalition de la Chine et de la Russie
«Après avoir décapité et mis à genoux la
Libye, dans le but de fragiliser la
région et d'isoler l'Iran, force est de
constater que l'Occident est en très
mauvaise position. (...) Les pays
membres de l'Otan sont pris à la gorge.
Leur économie subit les conséquences
d'une crise savamment orchestrée par le
monde de la finance.... L'économie
américaine va mal, l'Europe «tient
encore le coup» sous la houlette
d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, mais
le chien de garde moribond ne s'avoue
pas vaincu et menace de mordre: (...)
L'intervention armée est certes
utilisée, mais la véritable guerre se
joue dans le monde de la finance. La
menace de Standard & Poor's en est la
preuve flagrante. Et les populations
sont les otages et les principales
victimes de cette guerre.(...) Après la
Libye, l'Otan a un oeil sur la Syrie.
Cela lui permettra d'isoler davantage
l'Iran. Mais la République islamique
d'Iran est une cible beaucoup plus
difficile. En s'attaquant à cette
dernière, l'Occident se mettra à dos les
pays de l'Organisation de coopération de
Shanghai (OCS), créée en 2001 par les
présidents de cinq pays eurasiatiques:
la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le
Kirghizistan, le Tadjikistan et
l'Ouzbékistan, auxquels s'est joint
l'Iran en 2005. L'OCS représente
clairement une volonté de ces pays de
s'unir face à l'Occident. Cela peut être
interprété comme un nouveau bloc de
l'Est. Et cela représente un avantage
indéniable: le retour à un équilibre
après la chute du bloc de l'Est qui a
permis une «dictature» mondiale des
États-Unis. (...) Une fois de plus, les
pays dominants appliquent deux poids,
deux mesures: Israël (soutenu par
Washington) a le droit de menacer l'Iran
avec son arme nucléaire, mais Téhéran
n'a pas le droit à cette arme sous
prétexte que cela serait une menace pour
la sécurité d'Israël et du monde dit
civilisé».(5)
Pour Bani Sadr, ancien président
iranien, l'Occident clame que le
programme atomique iranien pose problème
car il aurait une dimension militaire.
Mais vous savez que WikiLeaks a publié
des rapports secrets. Certains de ces
rapports concernent ce Monsieur Yukika
Amano, le Japonais qui dirige l'Aeia:
selon ces rapports, ce sont les
Américains qui l'ont soutenu pour
devenir directeur de l'Aiea et il s'est
engagé à agir dans le sens de la
stratégie des Etats-Unis. (...) (...) Ce
dont les responsables occidentaux ne
veulent pas parler c'est que la question
essentielle pour eux est de contrôler
l'ensemble de la région. M.Bush avait ce
projet d'amener la démocratie au Grand
Moyen-Orient. Ce Grand Moyen-Orient vise
en réalité à établir un contrôle par les
Etats-Unis de l'Afrique du Nord jusqu'au
Pakistan. (...) Ils sont intervenus en
Libye, ils ont détruit un pays pour
établir une démocratie, mais personne ne
voit cette démocratie. Ce qu'on voit est
une insécurité et une pauvreté plus
grandes. Ils cherchent, en réalité, à
détruire pour reconstruire, payant très
cher ensuite les compagnies occidentales
qui vont là-bas pour reconstruire.(...)
Je ne crois pas que les Etats-Unis aient
les moyens d'imposer leur hégémonie à la
Chine, ou même aux pays plus petits de
la région du Pacifique, ou encore, à
l'Inde. Parce qu'à mon avis, les
Etats-Unis ne sont plus une
superpuissance, ils sont en train de
devenir un pays comme un autre. » (6)
« Avec le Japon et les autres pays
asiatiques, ils sont plus importants
aujourd'hui que l'ensemble de
l'Occident. (...) Ce qu'ils cherchent,
par contre, c'est contrôler le pétrole
et le gaz. Ils pensent qu'en contrôlant
les deux centres que sont l'Asie
centrale et le Golfe persique, ils
pourront dialoguer d'égal à égal, voire
établir une supériorité marginale sur
l'Asie. Ce qu'ils veulent, c'est
contrôler le pétrole et le gaz. Leur
justification: après le départ des
Etats-Unis d'Irak, l'Iran deviendrait la
puissance hégémonique dans la région, en
raison de la fameuse ceinture verte du
chiisme [ndR] Changer le régime en
Syrie, rétablir un régime sunnite
signifie un Iran coupé du Liban».(6)
Concluant son interview, Bani Sadr
reprend les mêmes arguments que
l'ambassadeur Kishore Mahboubani: «Il y
a plusieurs grandes raisons à la crise
de l'Occident paniqué face à la
perspective d'une perte de son hégémonie
au profit des nouveaux centres de
puissance asiatiques ou euro-asiatiques,
tels que la Chine, l'Inde, d'abord la
baisse du niveau de vie des populations.
(...) Autre problème essentiel:
l'Occident a abandonné le contrôle de
son économie aux marchés financiers.
Selon des sources, aux Etats-Unis,
l'argent est beaucoup plus investi sur
les marchés financiers que dans
l'économie réelle sur un rapport de 1 à
7».(6)
Kishore Mahbubani, il décrit le déclin
occidental aussi par la perte de ses
propres valeurs. Pour lui, «le moment
est venu de restructurer l'ordre
mondial, l'Occident est dans
l'incapacité à maintenir, à respecter et
encore plus à renforcer les institutions
qu'il a créées. Et l'amoralité avec
laquelle il se comporte trop souvent
sape davantage les structures et
l'esprit de la gouvernance mondiale.
C'est cette incapacité à exercer
convenablement un leadership qui fait
que l'Occident est aujourd'hui davantage
le problème que la solution. «Les
civilisations, disait Arnold Toynbee, ne
sont pas assassinées, elles se
suicident.» L'empire américain subit-il
le même déclin que son prédécesseur
britannique?. (...) Les Etats-Unis
comprendront-ils cette leçon? Ou
chercheront-ils à maintenir une
domination globale par la seule
puissance politique et militaire,
engendrant ainsi toujours plus de
désordre, de conflits et de barbarie?» A
terme, on s'apercevra que les slogans
creux des droits qui sont ceux exclusifs
de l'homme blanc en Occident - encore
qu'il faille noter que même dans ces
sociétés la fracture est totale entre
les nantis et les pauvres - vont
s'effriter au fur et à mesure de la
disparition de la puissance matérielle.
«A Beastly Century», «un siècle bestial»
est le terme, utilisé par Margaret
Drabble, pour décrire le XXe siècle».
(7)
Si la guerre éclate, le premier
mouvement de l'Iran serait de fermer le
détroit d'Ormuz. 40% de pétrole du monde
y transite. Entre la guerre et les
sanctions, les prix du pétrole monteront
en flèche peut-être à 300 $ et
pousseront dans l'abîme une économie
occidentale au bord du gouffre. La
guerre nucléaire ne sera plus une vue de
l'esprit. Elle devient une option
sérieuse. On prête à Einstein cette
boutade: «Je ne sais pas ce qui se
passera après la troisième guerre
mondiale, mais je suis sûr que la
quatrième guerre se fera avec des
pierres, des arcs et des flèches.» Nous
sommes avertis.
1. Pr Jules Dufour
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=5314
2. Joseph Watson et Yi Han: L'armée
chinoise, programme de grosses
manoeuvres militaires près du Pakistan.
Mondialisation.ca, le 2 décembre 2011
3.
http://gold-up.blogspot.com/2011/12/la-chine-rejoint-la-russie-la-solution.html
4.http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gAez8SIMfjSbwOXzFSBLxNzlZrFg?docId=CNG.858b1c9b4e61e65eb7764010c93e843b.2a1
5. Claude Jacqueline Herdhuin: Les
Etats-Unis: le chien de garde du monde
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28101
8 12 2011
6.
www.solidariteetprogres.org/Abolhassan-Bani-Sadr-Non-a-une-guerre-contre-l-Iran_08363
7. C.E. Chitour
www.legrandsoir.info/Declin-de-sens-ou-declin-de-puissance-le-dilemme
(...)
Professeur Chems eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 11 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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