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COMMANDANTÉ CHE GUEVARA
Un combat, un homme, une légende
Pr Chems Eddine Chitour


Ernesto Che Guevara

8 octobre 2007

´´Il faut se durcir... mais sans jamais se départir de sa tendresse´´. Ernesto Che Guevara

Il y a quarante ans, c’étaient les années soixante...Au risque d’être traité de nostalgique, je vais raconter à ma manière cette époque bénie où nous étions les «acteurs de notre histoire.» Souvenons-nous: l’Algérie était à l’époque appelée «la patrie des révolutionnaires» de tous les continents. «Alger, dit-on, était la Mecque des révolutionnaires.» Il n’était pas rare de croiser dans les rues d’Alger des hommes de légende tels que Nelson Mandela, Jomo Kenyatta, Amilcar Cabral ainsi que tous ceux qui, dans le monde occidental, luttaient contre les dictatures à l’instar de Mario Suarez -qui deviendra président du Portugal- et de tous les Chiliens exilés après l’assassinat d’une autre Légende morte les armes à la main en septembre 1971: l’immense Salvador Allende. Souvenons-nous du Che à la cité universitaire d’Alger en train de nous parler des heures et des heures, jusqu’à l’aube, de la Révolution en roulant ses cigares. Oui, l’Algérie de l’époque, forte de l’aura de la Révolution à nulle autre égale, donnait au monde l’image d’une nation qui prenait en charge son destin. C’est un fait que nous autres étudiants, à l’époque, étions très politisés. 1967, c’était aussi un 5 juin, l’année de l’amertume pour les Algériens, le réveil fut brutal: une petite nation par le nombre venait de terrasser en «six jours» le monde arabe. Nous fûmes mobilisés, étudiants et étudiantes, pendant 45 jours pour apprendre à nous défendre. L’Algérie envoya sa fine fleur sur le Canal, en vain.
Cette année soixante-sept nous apporta une immense douleur: la mort de Che Guevara capturé et assassiné dans les maquis boliviens. Il mourut dignement, et nous savons, à travers son Journal, toutes les souffrances qu’il a endurées dans le maquis bolivien, luttant à la fois contre l’armée de Barrientos, la CIA et les traîtres.(1) Pourquoi tant d’engouement, voire de dévotion à l’icône du Che, notamment le fameux portrait de Che avec le béret et l’étoile rouge fait par Korda. Ce portrait, tiré à des millions d’exemplaires, symbolise aussi bien en Occident que dans les pays du Sud la résistance, le combat propre, l’abnégation. Son effigie de héros populaire a acquis, depuis une quarantaine d’années, l’aura d’une icône. Quelque 20 millions de personnes à travers le monde posséderaient un tee-shirt à l’image du «rebelle éternel».

«Dévoué à son utopie»

Les années soixante-dix virent s’installer progressivement la fin des illusions de millions de jeunes qui avaient cru changer le monde. C’était compter sans l’impérialisme américain et le goulag russe qui ne voulaient pas entendre parler de perturbateurs. On pense d’ailleurs que le Che a été lâché par Castro sur ordre des Soviétiques, en l’occurrence de Kossyguine qui venait de conclure avec Lyndon Johnson un pacte de «coexistence pacifique». On vit alors des combats sans issue, comme celui d’Allende.
Qui est vraiment Che Guevara? C’est lui qui, par la prise stratégique de la ville de Santa Clara, située dans le centre du pays, a fait sauter le dernier verrou et ouvert la voie de la victoire vers La Havane. Quoi qu’il en soit, le 1er janvier 1959, jour du triomphe de la Révolution cubaine, Che Guevara est célébré en héros. Il eut, comme tout révolutionnaire, sa part d’ombre, notamment quand il dirigeait la prison de la Cabanas à La Havane. Plusieurs exécutions eurent lieu. Témoin clef de cette période, le père Javier Arzuaga, aumônier de la prison de la Cabaña, aura mis près de cinq décennies à rompre le silence. Dans Cuba 1959, La Galera de la Muerte (Cuba 1959, Le couloir de la Mort), publié en 2006, celui qui recueillait les confessions des condamnés et les accompagnait dans leurs derniers instants, affirme que des dizaines d’entre eux étaient innocents. «Le Che était complètement dévoué à son utopie. La révolution exigeait qu’il tue, il tuait. Elle demandait qu’il mente, il mentait.»(2)
Argentin, né en 1928. Sa famille aurait au XVIIIe siècle, un ancêtre vice-roi de la Nouvelle-Espagne et un autre, émigrant irlandais. Ses parents, bohèmes, anticonformistes, appartiennent à la «gauche matée». Opposants au péronisme, ils militent avec les adversaires de l’hitlérisme. Ils seront fiers de la «carrière» de leur fils. A 2 ans, Ernesto subit sa première crise d’asthme, un mal dont il souffrira toute sa vie. Il dompte son corps et sa volonté, joue au football et au rugby. Etudiant en médecine à Buenos Aires, il accomplit sur un vélomoteur bricolé un long voyage de 4000 kilomètres vers les provinces du nord de l’Argentine. Il y découvre la misère. Beau garçon, sceptique, il va mûrir politiquement en admirant les exploits de Pancho Villa et de Zapata. Un jour de juillet 1955, il fait la connaissance de Fidel Castro. Entre eux, c’est l’entente à la vie...à la mort!
Combattant et médecin, le Che est nommé commandant par Fidel. La prise de Santa Clara, en décembre 1958, sonne le glas du régime. Les révolutionnaires entrent enfin dans La Havane. Le Che est responsable de l’épuration. Il devient l’ambassadeur itinérant du nouveau pouvoir. Sa silhouette martiale paraît familière et son mythe grandit. Il fonde une agence de presse, Prensa Latina, qui recrute des écrivains comme Carlos Fuentes ou Gabriel Garcia Marquez...Une tournée de deux mois dans cinq pays socialistes confirme son évolution: Cuba peut devenir une «vitrine» du socialisme en Amérique latine. La lecture de Fanon, un séjour à Alger, des divergences avec Fidel, tout cela pousse le rebelle insatisfait à tourner ses regards vers le continent africain. En décembre 1964, Che Guevara voyage à New York comme chef de la délégation cubaine à l’ONU où il prononce un discours enflammé contre la politique étrangère américaine, participe à une émission télé et rencontre des personnalités aussi différentes que le sénateur Eugene McCarthy, des compagnons de Malcolm X ou les Rockefeller. Le 17 décembre, il commence une tournée internationale de 3 mois au cours de laquelle il visite la Chine, l’Égypte, l’Algérie, le Ghana, la Guinée, le Mali, le Bénin, la République du Congo et la Tanzanie, avec des étapes en Irlande, Paris et Prague. À Pyongyang, il déclare que la Corée du Nord est un «modèle dont Cuba devrait s’inspirer»
Lors du fameux discours d’Alger, Che Guevara jeta un pavé dans la mare et les ondes de choc furent terribles. Il comprit qu’il n’y avait rien à attendre de l’Union soviétique. Ecoutons-le: «Cuba participe à cette Conférence d’abord pour faire entendre à elle seule la voix des peuples d’Amérique mais aussi en sa qualité de pays sous-développé qui, en même temps, construit le socialisme. La lutte contre l’impérialisme pour rompre les liens coloniaux et néo-coloniaux, qu’elle soit menée avec des armes politiques, des armes réelles ou avec les deux à la fois, n’est pas sans lien avec la lutte contre le retard et la misère; toutes deux sont des étapes sur une même route menant à la création d’une société nouvelle, à la fois riche et juste.(...) Il n’est pas de frontière dans cette lutte à mort. Nous ne pouvons rester indifférents devant ce qui se passe ailleurs dans le monde, car toute victoire d’un pays sur l’impérialisme est une victoire pour nous, de même que toute défaite d’une nation est une défaite pour nous. La pratique de l’internationalisme prolétarien n’est pas seulement un devoir pour les peuples qui luttent pour un avenir meilleur, c’est aussi une nécessité inéluctable...»(3).
«Le socialisme ne peut exister si ne s’opère dans les consciences une transformation qui provoque une nouvelle attitude fraternelle à l’égard de l’humanité aussi bien sur le plan individuel dans la société qui construit ou qui a construit le socialisme que sur le plan mondial vis-à-vis de tous les peuples qui souffrent de l’oppression impérialiste. Comment peut-on appeler ´´ bénéfice mutuel ´´ la vente à des prix de marché mondial de produits bruts qui coûtent aux pays sous-développés des efforts et des souffrances sans limites et l’achat à des prix de marché mondial de machines produites dans les grandes usines automatisées qui existent aujourd’hui? (...) Les pays socialistes ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l’Ouest. Il n’est pas pour nous d’autre définition du socialisme que l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme. Il est entendu que les pays socialistes doivent payer le développement des pays sous-développés.»(3)

Une aura planétaire

Deux semaines après son retour à Cuba, il disparaît littéralement de la vie publique. Son activité en 1965 est un grand mystère. Les causes de sa disparition sont toujours controversées et peuvent être attribuées à diverses raisons: on pourrait citer l’échec de l’industrialisation et surtout la pression des Soviétiques et d’une partie des responsables cubains sur Castro. En effet, ceux-ci désapprouvaient l’alignement économique et idéologique communiste pro-chinois du Che, surtout à une époque où se creusait le conflit sino-soviétique et où l’économie cubaine dépendait de plus en plus de l’Union soviétique. Guevara était considéré par beaucoup comme un avocat de la stratégie maoïste en Amérique du Sud. Ses détracteurs comparaient son plan d’industrialisation au grand bond en avant chinois. En avril 1965, avec quelques volontaires cubains, il rejoint les maquis de l’ancien Congo belge. Mis devant le fait accompli, les hommes de Mulele et de Kabila refusent l’aide qui leur est proposée. Le Che se tourne vers la Bolivie. Le terrain choisi, le Chaco, au paysage aride, lui est hostile. Les Indiens, dépendant de l’armée, dénoncent la guérilla. Régis Debray, venu en Bolivie comme «journaliste», est arrêté. Le piège se referme. Blessé, le Che est finalement exécuté. Mort, photographié, il ressemble au Christ de Mantegna. Castro, qui raconte que le visage de son ami ne cesse de hanter ses rêves, lui dresse un mausolée de paroles. (3) Il a fallu attendre cependant 30 ans pour que Cuba récupère les restes du Che.
En 2004, le président cubain, Fidel Castro, a lancé une vaste campagne humanitaire continentale portant le nom d’Opération Miracle: près de 600.000 personnes de 28 pays, y compris des citoyens étasuniens, ont retrouvé la vue grâce à l’altruisme des médecins cubains. L’élection d’Evo Morales à la présidence de la République de Bolivie en décembre 2005, et sa politique sociale a permis aux Boliviens d’accéder au programme humanitaire lancé par Cuba. Ironie de l’histoire: quarante ans après la mort du Che, parmi ceux-ci se trouve Mario Terán. Ironie de l’histoire, quarante ans après la mort du Che son exécuteur -le sergent Mario Terán qui a assassiné sur ordre de ses supérieurs, Che Guevara-, il a pu se faire opérer par des médecins cubains dans un hôpital offert par Cuba à la Bolivie d’Evo Morales. Il a lui-même raconté à la presse plus tard qu’il tremblait comme une feuille lorsqu’il s’est retrouvé face à cet homme qu’il a vu à ce moment-là «grand, très grand, immense». Le Che, blessé, assis sur un banc de la modeste école, le voyant hésitant et effrayé, a eu le courage qui manquait à son assassin: il a ouvert sa chemise kaki élimée, découvert sa poitrine et lui a crié: «Ne tremble plus et tire ici, car tu vas tuer un homme.»(5)
Certains pensent, à juste titre, que Le Saint-Just de la révolution cubaine dérangeait tout le monde, pas seulement le camp impérialiste, mais aussi son propre camp. Castro avait pris ombrage de la popularité de Guevara et commençait à le considérer comme une menace. Ce qui fut considéré comme suspect, c’est le fait que le Che n’ait jamais fait une annonce publique de ses intentions. Après la crise des missiles cubains et ce qu’il a pris comme une trahison de Khrouchtchev qui a donné son accord au retrait des missiles sans consulter Castro, Che Guevara est devenu sceptique quant au rôle de l’URSS. Comme révélé dans son dernier discours à Alger, il en est venu à la conclusion que l’hémisphère Nord, mené par les États-Unis dans l’Ouest et l’URSS dans l’Est, exploite l’hémisphère Sud. Il soutient le Vietnam du Nord dans la guerre du Vietnam et encourage les peuples des autres pays en voie de développement à prendre les armes et à créer «de nombreux Viêt Nam». Cependant, Guevara aussi bien que Castro sont partisans d’un «front antiimpérialiste uni» et tentent à plusieurs reprises de réconcilier l’Union soviétique et la Chine. Pressé par la spéculation internationale et les rumeurs quant au destin du Che, Fidel Castro déclare, le 16 juin 1965, que le peuple sera informé à propos du Che quand lui-même l’aura décidé. Le 3 octobre, Castro dévoile une lettre non datée, écrite par Guevara à son attention, dans laquelle il réaffirme sa solidarité avec la révolution cubaine mais déclare son intention de partir combattre à l’étranger pour la Révolution. Il annonce également sa démission de tous ses postes au gouvernement, au parti et dans l’armée. Il renonce aussi à la citoyenneté cubaine qui lui a été donnée. Castro révèlera peu après qu’il savait où Guevara était mais qu’il ne le dirait pas, ajoutant que son ancien compagnon d’armes était en bonne santé.(6).
A l’aube du quarantième anniversaire de sa disparition, malgré l’exécrable campagne médiatique occidentale destinée à ternir l’image d’un des plus grands révolutionnaires de l’histoire du XXe siècle, l’exemple du Che reste «grand, très grand, énorme» et continue de briller «intensément». Le combat de Che Guevara pour la liberté fut un combat pour l’honneur, un combat pour la dignité. L’aura du Che est intacte partout dans le monde. Au XIXe siècle, une sorte de sondage en Europe montra que les deux hommes les plus populaires, les plus prestigieux et dont le combat fut un exemple furent l’Emir Abdelkader et l’Imam Chamyl, héros de la Tchéchénie et que Tolstoï admira tant. Au XXe siècle, les deux personnalités qui marquèrent le XXe siècle furent aussi deux géants hors du commun le Mahatma Ghandi et Che Guevara. Dans cent ans on se souviendra avec émotion de la légende du Che.
Que reste-t-il du Che en Algérie si ce n’est un boulevard? Avons-nous démérité pour avoir cru en la nature humaine? Apparemment, oui: la victoire du capitalisme sauvage est totale, le raz-de-marée de la mondialisation a fait de l’homme une marchandise. Le sentiment, la dignité humaine sont des monnaies qui n’ont plus cours. Désormais, les hommes seront fichés, numérisés «adénisés» pour protéger le capitalisme intra-muros.

1.Che Guevara Journal de Bolivie.
F.Maspéro. 1968
2.Axel Gyldén:Guevara: Du sang sur l’étoile, L’Express du 27/09/2007
3.Che Guevara: Le discours d’Alger Séminaire économique de solidarité afroasiatique, les 22 et 27 février 1965 http://lesogres.org/article.php3?id_article=1443
4.Raphaël Sorin: ´´Che´´ Guevara: Le grand-père rouge de l’utopie L’Express du 15/05/1997
5.Courrier international. 3 oct. 2007 Héctor Arturo Granma Che vuelve a ganar otro combatehttp://www.granma.cubaweb.cu/2007/09/29/cubamundo/artic01.html Granma 29 septembre n° 269
6.Encyclopédie Wikipédia: Che Guevara.

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Source : L'Expression
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