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Opinion
LES ÉTATS D'ÂME DU JUGE GOLDSTONE
La seconde mort des 400 enfants martyrs de Gaza
Chems Eddine Chitour
Photo: PCHR
Jeudi 7 avril 2011
«La justice militaire est à la
justice ce que la musique militaire est à la musique.»
Clemenceau
Le 1er avril parait dans le Washington Post le mea-culpa du juge
Goldstone qui dit, qu’en substance, qu’il s’était trompé et
qu’Israël n’est pas coupable...Immédiatement, la machine
sioniste s’est mise en marche, Netanyahu enjoint les Nations
unies de déchirer le rapport Goldstone. En clair, il n’y a pas
eu 400 enfants morts dont les photos de martyrs sont toujours
aussi insoutenables. Devant l’énormité de l’information, on
aurait cru, un instant que c’était une farce traditionnelle que
l’Histoire a fixée à cette date. Il n’en n’est rien et de fait,
connaissant la puissance des lobbys israéliens, cela devait
arriver. Il faut s’étonner que cela ne se soit pas produit plus
tôt au vu de l’énorme pression qu’a dû subir le juge Goldstone
pourtant juif et sioniste.
Que dit Goldstone?
Les réserves de Richard Goldstone concernent essentiellement l’intentionalité
des crimes commis par Israël et donc l’existence de crimes de
guerre. «On en sait bien davantage aujourd’hui sur ce qui s’est
passé pendant la guerre de Ghaza que lorsque je présidais la
commission d’enquête», explique le magistrat dans le quotidien
américain Washington Post. Richard Goldstone regrette qu’à
l’époque de son enquête, «notre commission d’enquête n’ait pas
eu accès aux preuves sur les circonstances dans lesquelles nous
estimons que des civils ont été visés à Gaza». «Cela aurait
probablement modifié nos conclusions sur l’intentionnalité des
crimes et l’existence de crimes de guerre», ajoute-t-il. Le
rapport Goldstone, publié fin 2009, accusait Israël d’avoir usé
de la force de façon disproportionnée, d’avoir délibérément visé
des civils, d’avoir détruit des infrastructures civiles et
d’avoir utilisé des civils comme boucliers humains. Il accusait
aussi le Hamas d’avoir délibérément visé des civils avec des
roquettes. En trois semaines, 1400 Palestiniens avaient été
tués, dont des centaines de civils, ainsi que 13 Israéliens.(1).
Goldstone va plus loin, il diabolise le Hamas et l’accuse d’être
le commanditaire du merutre d’une famille israélienne, il y a un
mois «Si j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant, le
rapport Goldstone aurait été un autre document.» (...)... Avec
ces preuves, on ne peut plus dire qu’Israël est responsable de
crime de guerre.» Si Israël a fait enquêter «à un degré
significatif» sur les résultats de cette guerre,«le Hamas, qui
contrôle Ghaza depuis 2007, n’a rien fait» explique Goldstone.
Le juge critique également Conseil des droits de l’homme de
l’ONU qui critique Israël bien plus qu’il ne critique toutes les
autres nations réunies. «Quelque chose qui n’a pas été dit assez
fort, c’est que ces actes des terroristes du Hamas ont également
été condamnés par l’ONU», ajoute Goldstone, en ajoutant que son
rapport a «trouvé des preuves de crimes de guerre présumés et
peut-être des crimes contre l’humanité par le Hamas. Les
roquettes du Hamas ne visent-elles pas sans discrimination les
cibles civiles israéliennes?». Goldstone a également exhorté
l’ONU à condamner le massacre d’une famille juive dans le petit
village d’Itamar: «C’est un massacre inexcusable d’un couple
israélien et de 3 de leurs enfants pendant qu’ils dormaient. Un
massacre commis de sang-froid.» En conclusion: le juge en charge
du rapport se retire de son propre rapport. Le rapport Goldstone
est mort. Vive Goldstone!»(2)
La diabolisation du juge jusqu’à
son revirement
Pour rappel, depuis la parution du rapport Goldstone fin 2009,
les autorités occupantes israéliennes, qui avaient refusé de
collaborer avec l’enquête de l’ONU, se sont déchaînées contre le
juge sud-africain, accusé de faire le jeu du Hamas à Ghaza,
après les avoir accusées de viol des lois de la guerre et
portant atteinte au droit international. Les dirigeants
israéliens peuvent légitimement sabler le champagne, et trinquer
sur la tombe des 1400 martyrs palestiniens massacrés pendant
l’attaque «Plomb durci» contre la population de la bande de
Ghaza en décembre 2008 - janvier 2009. Le juge sud-africain à la
retraite Richard, Goldstone, a en effet fini par se rétracter.
D’origine juive, se déclarant lui-même sioniste, Goldstone se
pensait peut-être à l’abri d’accusations de partialité, voire
d’antisémitisme, de la part des dirigeants israéliens, lorsqu’il
rendit son rapport sur «Plomb durci» en septembre 2009. Il se
trompait. Forts de leur impunité -puisqu’aussi bien, le rapport
Goldstone n’a été suivi au niveau de l’ ONU et des puissances
qui dirigent cette institution d’aucune mesure de rétorsion et
encore moins de sanctions- les dirigeants israéliens et leurs
alliés dans les «communautés juives» du monde ont lancé fatwa
sur fatwa contre Goldstone, le bannissant de la tribu en tant
que «Juif traître». La pression alla jusqu’à s’exercer, avec
succès, à l’intérieur du cercle familial de Goldstone, lui
interdisant par exemple d’assister à la bar mitzvah (cérémonie
religieuse marquant le passage d’un garçon à l’âge adulte) de
l’un de ses propres petits-fils. Les menaces et calomnies de la
propagande israélienne sont donc aujourd’hui récompensées. Avec
«Plomb durci», Israël n’a fait finalement qu’exercer un droit
inaliénable à la légitime défense, y écrit en substance le vieux
juge à l’honneur perdu(...)(3).
De fait, la machine de guerre sioniste contre Goldstone pourtant
juif lui-même s’est mise en marche après la publication du
Rapport; Yossi Sarid de Ha’Aretz écrit: «Si le juge sud-africain
qui a accusé Tel-Aviv de crimes de guerre a jadis collaboré avec
le régime d’apartheid, l’Etat
hébreu en était le fidèle allié, rappelle le chef du parti de
gauche Meretz. Sous le titre ´´Tache noire´´, Yediot Aharonot a
publié le 7 mai un reportage de dix pages sur les sentences
prononcées par le juge sud-africain Richard Goldstone sous le
régime d’apartheid. Bien que le magistrat, d’origine juive, ait
pu se défendre dans les colonnes du quotidien israélien et qu’il
ait reçu l’appui de militants historiques de la lutte contre
l’apartheid, Danny Ayalon, le vice-ministre des Affaires
étrangères israélien, et Alan Dershowitz, célèbre avocat et
romancier américain, ont comparé la ligne de défense de
Goldstone à´´celle des officiers SS´´. Il suffit parfois de
pointer les faiblesses d’autrui pour attirer l’attention sur les
nôtres. (...) Même le ´´certificat de conformité´´ que lui
décernera ensuite le Congrès national africain (ANC) de Nelson
Mandela en le nommant à la Cour constitutionnelle [de 1994 à
2003] n’effacera jamais cette tache indélébile’.(4)
«Dès l’instant où quelqu’un a prêté main-forte à l’apartheid,
quitte à s’en détourner plus tard, il a contracté la lèpre.
(...) En assistant à la chute de Richard Goldstone, beaucoup de
gens en Israël ne cachent plus leur joie, estimant sans doute
que sa descente aux enfers entraînera avec elle celle de son
fameux rapport. (..) De même, nous serions bien inspirés de
veiller à ce que les vitres de notre maison ne volent pas en
éclats, car beaucoup d’entre nous risqueraient d’avoir des
écorchures. Je pense en particulier à ces magistrats israéliens
qui rendent leurs jugements revêtus de l’uniforme militaire.
Certes, nos cours martiales [dans les Territoires occupés] ne
prononcent pas de condamnations à mort, mais elles mettent fin à
des vies, et pas forcément dans le strict cadre du ´´respect de
la loi´´, comme Ilana Hammerman [écrivaine israélienne] en rend
souvent compte dans ses chroniques. ´´A l’époque, je ne faisais
qu’appliquer la loi´´, rétorque le grand Goldstone en guise de
défense.(4)
Goldstone n’est pas seul à décider
Des analystes, des observateurs et des juristes ont fortement
critiqué les récentes allégations de Goldstone, les qualifiant
d’une vraie atteinte aux normes juridiques et droit
international, ainsi qu’une violation à la justice, considérant
que ces allégations sont intervenues suite à de fortes pressions
du gouvernement de l’entité sioniste sur l’ONU et sur le juge
Goldstone lui-même en crainte de rendre justice aux victimes des
familles palestiniennes ghazaouites. A sa façon, l’intellectuel
israélien qui milite pour la justice à rendre à la Palestine,
essaie de se mettre dans la tête de Goldstone quand il a écrit
cet article du Washington Post le 1er avril et aurait dû écrire
à la place de: ´´ «If I had known then what I know now, the
Goldstone report would have been a different document.» «Si je
savais les choses que je sais maintenant, le document aurait été
différent´´ il aurait dû, en fait écrire sous la pression «If I
had known then that the report would turn me into a self-hating
Jew in the eyes of my beloved Israel and my own Jewish community
in South Africa, the Goldstone report would never have been
written at all.» Que l’on pourrait traduire par: ´´Si j’avais su
tous les problèmes que j’aurai avec Israël et avec ma communauté
de Juifs en Afrique du Sud, le Rapport Goldstone n’aurait pas du
tout été écrit.»(5)
Le juriste Gilles Devers analyse, pour sa part d’une façon fine
le Rapport Goldstone du point de vue du droit, de plus, il nous
apprend que les autres juges n’ont pas été consultés sur cette
volte-face. Enfin, il déclare qu’à côté du Rapport Goldstone, il
y a d’autres rapports tout aussi accablants pour Israël. Nous
lisons: «Le Goldstone du rapport Goldstone a un doute. Gardons
le calme, et replaçons ce rapport dans la réalité des faits, et
du droit. Plomb durci, c’est une opération de l’armée
israélienne qui a lourdement frappé la population qui vit à
Ghaza: 1500 morts en moins de quatre semaines. La première
guerre dans laquelle on dénombre plus d’enfants tués que de
combattants. Le monde entier a réagi: la puissance occupante -
Ghaza étant, comme toute la Palestine, un territoire occupé
depuis 1967 - agressait la population occupée, qu’elle avait en
toute illégalité soumise à un blocus.». (6) «L’opération
militaire israélienne sur Ghaza a pris fin le 18 janvier 2009.
Le 22 janvier 2009, le ministre de la Justice de Palestine
remettait au procureur près la Cour pénale internationale une
déclaration de compétence. La Palestine n’a pas ratifié le
traité de la CPI. Cette déclaration d’attribution de compétence
est fondée sur l’article 12.3 du statut. Deux mois après cette
déclaration, le Conseil des droits de l’homme, qui est une
commission permanente de l’Assemblée générale de l’ONU a désigné
une fact finding mission, à savoir une commission chargée, avant
toute procédure, de dire si des faits violant le droit
international ont été commis. C’est dans ce contexte qu’a été
désigné non Goldstone, mais la commission Goldstone: Richard
Goldstone, ancien juge à la Cour constitutionnelle d’Arique du
Sud, Christine Chinkin, professeur de droit international à la
«London School of Economics and Political Science», Hina Jilani,
de la Cour suprême du Pakistan, chargée de nombreuses missions
au sein de l’ONU et membre de la commission international
d’enquête sur le Darfour, le colonel Desmond Travers, un ancien
officier irlandais, membre de l’équipe de direction de
l’Institute for International Criminal Investigations. La
semaine dernière, Goldstone se lâche dans le Washington Post: il
dit en substance qu’il n’aurait pas écrit ce rapport accusant
Israël si celle-ci avait collaboré.»(6)
Le 4 avril Hina Jilani membre de la Commission a répliqué: «Absolutely
not; no process or acceptable procedure would invalidate the UN
Report; if it does happen, it would be seen as a ‘suspect move».
Aucune nouvelle information n’invalide le Rapport des Nations
unies»
«Depuis deux ans, les rapports se sont multipliés, et tous dans
le même sens. Entre autres, on peut citer: le rapport dirigé par
John Dugard. Celui d’Amnesty International ou de Human Rights
Watch. S’il a un doute, poursuit Gilles Devers sur les faits,
Goldstone doit réunir la commission (Un travail collectif de 4
personnes) et demander de manière argumentée au Conseil des
droits de l’homme d’être redésigné pour un complément de
mission. Mais une tribune solitaire de quelques dizaines de
lignes dans le Washington Post, ce n’est pas au niveau. (...)Que
Richard Goldstone publie une tribune pour contester les travaux
de la commission qu’il a présidée, sans en parler aux autres
membres de cette commission et sans aviser l’organisme qui a
mandaté cette commission, c’est curieux. Du point de vue du
droit, c’est un épiphénomène. Que le procureur près la CPI, qui
dispose de tous les éléments d’informations, qui est saisi par
une déclaration du ministre de la Justice de Palestine, dont la
compétence est reconnue par l’AG de l’ONU, reste plus de deux
ans sans prendre de décision, alors que son devoir statutaire
est de saisir la chambre préliminaire de la CPI, seule
compétente pour autoriser une enquête, est foncièrement
anormal».(6)
Les réactions
Dans une déclaration du 3 avril, le porte-parole du Hamas, Sami
Abu Zuhri, a mis en doute les regrets de Goldstone sur le
rapport, et il a fait remarquer qu’Israël avait refusé de
coopérer avec les enquêteurs des Nations unies «alors que dans
la bande de Ghaza, on les avait accueillis et facilité leur
travail». Le responsable du Hamas a noté aussi que Goldstone
n’avait pas une autorité exclusive sur le rapport, lequel
rapport est un document international et non sa «production
privée». Abu Zuhri d’ajouter: «Le rapport n’est pas la propriété
privée de Goldstone, il est cosigné par lui et aussi par un
groupe de juges internationaux.» «En outre, le rapport s’est
fondé sur des documents et des témoignages qui lui donnent
crédibilité et force.»(7) Israël réclame l’annulation du rapport
«J’appelle l’ONU à annuler immédiatement le rapport Goldstone.
Il faut jeter ce rapport dans les poubelles de l’Histoire», a
affirmé le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le Premier
ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré samedi que le
commentaire de Goldstone «confirmait ce que nous tous avons
toujours su...Je pense que nos soldats et notre armée se sont
comportés conformément aux règles internationales les plus
élevées.»(7) Que peut-on en conclure sinon qu’il y a toujours
deux standards? Le Rapport n’avait aucune chance d’être pris en
charge par la CPI. Cette annonce est une confirmation de la
puissance d’Israël capable de démolir un rapport pourtant validé
par l’ONU. La seconde mort des enfants martyrs de Ghaza est une
réalité. A quand la justice des hommes?
1.Richard Goldstone émet des réserves sur
son rapport sur l’opération militaire israélienne de 2008-2009 à
Ghaza
2.Jonathan-Simon Sellem: Goldstone fait son mea-culpa: Israël
n’est pas coupable de crime de guerre Ha’Aretz 2 avril 2011
3.Massacre de Ghaza: le juge Goldstone capitule, et déchire son
propre rapport dimanche 3 avril 2011 Paco Goldstone revient sur
son rapport CAPJPO-EuroPalestine 4 avril 2011
4.Yossi Sarid: Salir la réputation du juge GoldstoneHa’Aretz
20.05.2010
5.llan Pappe’s, «Goldstone’s shameful U-turn»,
http://electronicintifada.net
6.Gilles Devers: Palestine: Respecter les faits, et le droit 5
Avril 2011
http://www.middleeastmonitor.org.uk/resources/interviews/...
7.Hamas: Goldstone n’est pas propriétaire du rapport des Nations
unies
http://www.palestine-info.cc/fr/ Lundi 4 Avril 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
Publié le 8 avril 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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