Opinion
Le nouveau statut
de la Palestine à l'ONU :
Un non événement pour les Palestiniens
toujours occupés
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Samedi 1er décembre
2012
«Nous devons
apprendre à vivre ensemble comme des
frères, sinon nous allons mourir tous
ensemble comme des idiots.»
Martin Luther King
Ça y est, le jour de gloire est arrivé!
La Palestine est reconnue comme Etat
observateur non membre permanent de
l'ONU. Pour Mahmoud Abbas, l'ONU doit
délivrer «le certificat de naissance de
la Palestine». Il a demandé à la
communauté internationale d'appeler
Israël à stopper les agressions et à en
finir avec l'occupation. De son côté,
l'ambassadeur israélien à l'ONU, Ron
Prosor a estimé que la paix ne pourrait
se négocier qu'entre les deux parties,
pas à l'ONU. Le vote de cette
résolution, qui fait de l'Autorité
palestinienne un «Etat observateur non
membre», a été acquis à une majorité de
138 voix pour 9 contre et 41
abstentions. Cela n'a pas été facile. Il
y eut une pression énorme sur Abou Mazen.
Pour Abdel Bari Atwan Directeur du
quotidien nationaliste Al-Quds al-Arabi
de Londres «l'opposition de la
Grande-Bretagne, de l'Amérique et de
l'Allemagne [ Berlin va s'abstenir de
voter] à la demande des Palestiniens
d'accéder au statut d'Etat observateur
aux Nations unies révèle l'immoralité et
l'inhumanité de leur politique, voire
l'hostilité qu'ils vouent aux Arabes et
aux musulmans. Ces pays ont toujours
promis aux Palestiniens qu'à travers le
dialogue, la non-violence et le respect
des traités internationaux, ils
obtiendraient un vrai Etat indépendant.
Et voilà qu'aujourd'hui, ils refusent de
reconnaître un Etat qui sera tout juste
symbolique. (...) Pire est la position
du gouvernement britannique, dont le
ministre des Affaires étrangères William
Hague a déclaré devant le Parlement
qu'il pourrait soutenir la demande à
condition que les Palestiniens
retourneront à la table des négociations
sans conditions préalables et
garantissent de ne pas saisir la Cour
pénale internationale pour poursuivre
les criminels de guerre israéliens.
Hague, qui a adhéré au lobby
pro-israélien (l'Association des amis
d'Israël) à l'âge de seize ans, offre
ainsi le pire exemple de l'hypocrisie et
du deux poids, deux mesures. La
Grande-Bretagne, qui a puissamment
contribué à offrir la Palestine aux
juifs, devrait avoir mauvaise conscience
pour sa faute historique, présenter des
excuses aux Palestiniens et leur offrir
des compensations financières et
morales, à l'instar d'autres pays qui
ont reconnu leurs crimes coloniaux».(1)
Reconnaître la Palestine comme Etat non
membre de l'ONU sur les territoires
occupés en 1967 (re)déterminera le
statut de ces terres par la légitimité
internationale. Dans toutes les
négociations futures, les Palestiniens
parleront d'Etat sous occupation et non
de territoires contestés, comme veut le
faire croire Israël. L'identité de ces
territoires sera définitivement
désignée.
Israël son
admission à l'ONU le 11 mai 1949 et son
mépris des résolutions
Les conditions de l'admission nous sont
rappelées: «Ayant reçu le rapport du
Conseil de sécurité relatif à la demande
d'admission d'Israël à l'Organisation
des Nations unies. Notant que, de l'avis
du Conseil de sécurité, Israël est un
Etat pacifique, capable de remplir les
obligations de la Charte et disposé à le
faire, Prenant acte, en outre, de la
déclaration par laquelle l'Etat d'Israël
«accepte sans réserve aucune les
obligations découlant de la Charte des
Nations unies et s'engage à les observer
du jour où il deviendra Membre des
Nations unies», Décide qu'Israël est un
Etat pacifique qui accepte les
obligations de la Charte, qui est
capable de remplir lesdites obligations
et disposé à le faire; Décide d'admettre
Israël à l'Organisation des Nations
unies.»(2)
Voilà pour l'Etat «pacifique» qui ignore
une quarantaine de résolutions des
Nations unies soutenues par les pays
occidentaux. Citons sans être exhaustif
toutes les résolutions votées par le
Conseil de sécurité et l'Assemblée des
Nations unies. Aucune de ces résolutions
n'a été appliquée. Il a fallu d'une
seule résolution arrachée par la France,
la 1703, pour que quelques mois après,
El Gueddafi soit lynché et que le chaos
s'installe durablement en Libye loin des
puits de pétrole qui eux se portent
bien... 29 novembre 1947: l'Assemblée
générale de l'ONU adopte la résolution
181 qui partage la Palestine en un État
juif et un État arabe et place Jérusalem
et les Lieux Saints «sous régime
international». Exil des Arabes de
Palestine. Printemps 1948: Résolution
181 de l'Assemblée générale de l'ONU (29
novembre 1947): plan de partage de la
Palestine. Résolution 194 de l'Assemblée
générale de l'ONU (11 décembre 1948):
droit inaliénable au retour des
Palestiniens. Résolution 237 du Conseil
de sécurité de l'ONU (14 juin 1967):
retour des réfugiés palestiniens.
Résolution 242 du Conseil de sécurité de
l'ONU (22 novembre 1967): illégalité de
l'occupation des territoires envahis
lors de la guerre de 1967. Résolution
2649 de l'Assemblée générale de l'ONU
(30 novembre 1970): légitimité de la
lutte des peuples assujettis pour
recouvrer leurs droits par tous les
moyens. Résolution 3236 de l'Assemblée
générale de l'ONU (22 novembre 1974):
droits inaliénables du peuple
palestinien. Résolution 3240/B de
l'Assemblée générale de l'ONU (2
décembre 1977): journée de solidarité
avec le peuple palestinien. Résolution
446 du Conseil de sécurité de l'ONU (22
mars 1979): illégalité des colonies de
peuplement dans les Territoires occupés.
Résolution 478 du Conseil de sécurité de
l'ONU (20 août 1980): illégalité de
l'annexion de Jérusalem. Résolution
46/86 de l'Assemblée générale de l'ONU
(16 décembre 1991): retrait de la
qualification du sionisme. Résolution
1397 du Conseil de sécurité (13 mars
2002): appel à la création d'un État
palestinien. Résolution ES-10/15 de
l'Assemblée générale de l'ONU (20
juillet 2004): illégalité du Mur
construit dans les Territoires occupés.
La création de l'État palestinien, aux
termes des Accords d'Oslo, aurait dû
intervenir en décembre 1998 selon
l'accord de septembre 1993 de
Washington.»(3)
Jean-Claude Lefort, président de
l'association France-Palestine
Solidarité s'inscrit en faux contre la
propagande occidentale. Il remet en
quelques dates les choses au point: le
29 novembre 1947, écrit-il, il y a 65
ans jour pour jour, l'Assemblée générale
de l'ONU adoptait la résolution 181,
recommandant le plan de partage de la
Palestine historique en deux États, l'un
qui allait devenir Israël (55% de la
terre lui étant donnés), l'autre
attribué aux «arabes», ainsi qu'on
désignait alors les Palestiniens. Mais
celle-ci, notons-le, fut prise sans la
moindre consultation de la population
«autochtone» car, contrairement à la
formule de propagande indéfiniment
répétée: «La Palestine [n'était] pas une
terre sans peuple pour un peuple sans
terre.» Le 14 mai 1948, l'État d'Israël
était proclamé par Ben Gourion. Depuis
plusieurs mois s'était déjà enclenchés
des combats provoquant des massacres qui
allaient déboucher sur la «Nakba», la
«catastrophe», entraînant le «départ»
forcé de quelque 800.000
Palestiniens».(4)
«(...) Pourtant, dès 1988, la partie
palestinienne décidait de proposer, de
manière unilatérale, un compromis
véritablement historique. Elle renonçait
en effet aux frontières de 1947 et
déclarait sa volonté de construire son
État palestinien, avec Jérusalem-Est
comme capitale, sur seulement 22% de la
Palestine historique au lieu des 44%
initiaux. (...) Jamais l'occupation
israélienne n'a atteint une telle
ampleur. Les Territoires palestiniens
sont aujourd'hui une somme de petits
îlots, de Gaza à Djénine, sans liens
entre eux ni souveraineté terrestre,
maritime ou aérienne. Le vote du 29
novembre met les dirigeants israéliens
absolument hors d'eux, car ils sont
devant ce qu'ils refusent depuis
toujours: l'application du droit
international. Sur le terrain cela ne
changera pas la vie des Palestiniens: la
création d'un État palestinien souverain
dans les frontières d'avant 1967, avec
Jérusalem-Est pour capitale, n'est pas
le problème. C'est la solution. Pour
tous!» (4)
Les
conséquences de cette reconnaissance
Deux types de conséquences sont à
prévoir l'une pour les Palestiniens,
l'autre pour Israël. On sait qu'Israël
et les États-Unis ont brandi la menace
de sanctions en cas de vote positif. Le
Congrès pourrait ainsi refuser de verser
200 millions de dollars d'aide promis
aux Palestiniens. Israël pourrait
bloquer les taxes qu'il perçoit pour le
compte de l'Autorité palestinienne,
réduire le nombre de permis de travail
pour les Palestiniens, voire abroger les
accords de paix d'Oslo de 1993.En
compensation, la Ligue arabe a promis
aux Palestiniens un «filet de sécurité»
de 100 millions de dollars par mois.
Est-ce que cette reconnaissance mettrait
fin aussi à l'impunité lors des
expéditions punitives comme Gaza 2008 et
Gaza 2012? Le statut d'Etat observateur
non membre pourrait aussi ouvrir la voie
à des accusations de crimes de guerre
contre l'Etat hébreu, devant la Cour
pénale internationale (CPI). Le
Royaume-Uni historiquement responsable
de tous les malheurs palestiniens depuis
1917 s'est défaussé sur les Nations
unies ouvrant la porte à la partition de
la Palestine en 1947 et refuse de voter
pour. Il estimait en effet que le statut
d'Etat non membre permanent allait
ouvrir une véritable guérilla pénale
entre Israël et les Palestiniens en
dotant ces derniers de la capacité de
saisir la Cour pénale internationale
(CPI), compliquant encore plus toute
perspective de négociations. Cette
éventualité avait été examinée dans le
rapport de l'International Crisis Group
consacré à la première initiative
onusienne du président de l'Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas, devant le
Conseil de sécurité des Nations unies,
en septembre 2011. L'ICG avait estimé
qu'une reconnaissance par la simple
Assemblée générale ouvrirait cette
option. Le 3 avril de cette année, un
avis du procureur de la Cour pénale
internationale est allé dans ce sens.
Saisi par l'Autorité palestinienne en
janvier 2009, après l'opération «Plomb
durci» à Gaza pour «identifier,
poursuivre et juger les auteurs et leurs
complices d'actes commis sur le
territoire de la Palestine à partir du
1er juillet 2002» (date de la création
de la Cour), il avait en effet estimé
que la question préalable qui se posait
à lui était de savoir si la Palestine
pouvait ou non être considérée comme un
Etat. Il ajoutait: «le Bureau n'exclut
pas la possibilité d'examiner à l'avenir
les allégations de crimes commis en
Palestine si les organes compétents de
l'ONU, voire l'Assemblée des États
parties, élucident le point de droit en
cause.»(5)
Un exemple
de mépris des lois internationales ; Le
Mur de l’apartheid
S'agissant de la clôture (mur de la
honte), la Cour pénale internationale
saisie par l'Assemblée des Nations unies
avait rendu un arrêt en forme de voeu
pieux. Nous lisons: La Cour relève à cet
égard les affirmations de la Palestine
et d'autres participants selon
lesquelles la construction du mur est
«une tentative d'annexion du territoire
qui constitue une transgression du droit
international» (...) Elle relève aussi
que, pour sa part, Israël expose que le
mur a pour seul objet de permettre de
lutter efficacement contre le terrorisme
en provenance de Cisjordanie et qu'il a
déclaré à plusieurs reprises que
l'édification de la barrière a un
caractère temporaire. S'agissant du
principe du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes, la Cour
observe que l'existence d'un «peuple
palestinien» ne saurait plus faire débat
et qu'elle a été reconnue par Israël, au
même titre que les «droits légitimes» de
ce peuple. De l'avis de la Cour, parmi
ces droits figure le droit à
l'autodétermination, comme l'Assemblée
générale l'a d'ailleurs reconnu à
plusieurs occasions.»(6)
«La Cour observe que le tracé du mur tel
qu'il a été fixé par le Gouvernement
israélien incorpore dans la «zone
fermée» (la partie de la Cisjordanie
comprise entre la Ligne verte et le mur)
environ 80% des colons installés dans le
territoire palestinien occupé et qu'il a
été fixé de manière à inclure dans la
zone la plus grande partie des colonies
de peuplement installées par Israël dans
le territoire palestinien occupé (y
compris Jérusalem-Est). La Cour conclut
que les colonies de peuplement l'ont été
en méconnaissance du droit
international. Tout en prenant acte de
l'assurance donnée par Israël que la
construction du mur n'équivaut pas à une
annexion et que le mur est de nature
temporaire, la Cour estime que la
construction du mur et le régime qui lui
est associé créent sur le terrain un
«fait accompli» qui pourrait fort bien
devenir permanent, auquel cas, et
nonobstant la description officielle
qu'Israël donne du mur, la construction
de celui-ci équivaudrait à une annexion
de facto. L'édification du mur et le
régime qui lui est associé, sont
contraires au droit international.
Israël est dans l'obligation de mettre
un terme aux violations du droit
international dont il est l'auteur; il
est tenu de cesser immédiatement les
travaux d'édification du mur qu'il est
en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris
à l'intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est.» Nous sommes en 2008, le
mur est pratiquement terminé»(6)
Mahmoud Abbas promet de ne pas saisir la
CPI ,mais alors quelle est sa marge de
manœuvre en face du bulldozer israélien
?
La réalité
a évolué: naissance prochaine de deux
Etats palestiniens?
Il nous faut d'abord souligner que
fidèle à sa politique du fait accompli,
et ayant une idée d’avance sur le reste
du monde, Israël annonce la construction
de 3000 logements qui s’ajoutent aux
1150 logements annoncés le jour de la
trève avec le Hamas il y a dix jours.
C’est donc au total un politique
murement réfléchie, il n’y a pas de coup
de tête. Les plans de construction sont
toujours prêts, ils sont mis en œuvre à
chaque fois que la conjoncture s’y
prête; En clair la colonisation est un
processus dynamique et même les
moratoires sont mis à profit pour
préparer d’autres plans qui sont
annoncés à la fin des moratoires…
Cette éclaircie serait-elle de courte
durée? A en croire la volte face du
Hamas qui veut faire cavalier seul.
Hamas est en train de jouer une
partition composée par le Qatar, la
dimension pécuniaire l'emportant sur les
principes. Fida Dakroub nous en parle:
«Plusieurs indices nous entraînent à
conclure ici que le Hamas se dirige vers
un nouvel «Oslo», qui mènerait à une
reconnaissance d'Israël. Au niveau des
relations avec Israël, une telle fatwa
faciliterait, dans un futur proche, la
déclaration de Gaza comme un territoire
«indépendant», non pas d'Israël, mais
plutôt indépendant de la Cisjordanie.
(...) En plus, cette fatwa confirmerait,
avant toute chose, la frontière de la
«Palestine» et l'officialiserait! Non
pas de la Palestine de 1948, ni celle de
1967, ni même celle de 1992, mais bien
plutôt, une sorte de miniature d'une
certaine Palestine quelconque et
microscopique, qui s'étendrait tout au
long de la côte méditerranéenne, du nord
jusqu'au sud de la bande de Gaza!
Secundo, au niveau intra-palestinien,
une telle fatwa prohibe toute action
militaire contre Israël, ce qui
imposerait, par conséquent, le Hamas
comme la seule autorité militaire,
politique, civile et religieuse à Ghaza,
qui tiendrait seule la résolution de
faire la guerre ou d'établir la paix
avec Israël. Pourtant, cette «ascension»
du Hamas au rang des dieux,
officialiserait et
institutionnaliserait, non seulement son
pouvoir à Ghaza, mais aussi la division
palestinienne et accélérerait la
création de deux «entités» isolées et
séparées l'une de l'autre par le
territoire israélien: l'émirat du Hamas
à Gaza et le comté de l'OLP en
Cisjordanie.»(7)
Dans tous les cas, plus rien ne sera
comme avant. Même si l’initiative de
Mahmoud Abbas qui est dos au mur, est à
non point douter un coup de pied dans
l’eau voire un non évènement, on peut «
rêver » que la paix revienne enfin sur
cette terre meurtrie et que la solution
à deux Etats sur 22% de la Palestine
originelle puisse voir le jour...un jour
peut être dans cinq ans, cela fera alors
un siècle qu’un certain Balfour ministre
du Foreign Office de sa gracieuse
majesté redonna la Terre de Palestine
aux Juifs pour la seconde fois après
Dieu, sans se soucier des indigènes
enracinés là, depuis la nuit des temps.
1. Abdel Bari Atwan: honte à Obama,
Cameron et Merkel: Al-Quds Al-Arabi 29
11 2012
2.
www.mleray.info/article-quand-israel-etait-admis-a-l-onu-le-11-mai-1949-112950129.html
3.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/164296-la-tragedie-palestinienne-continue.html
4. Jean-Claude Lefort Président de
l'AFPS
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/722565-la-palestine-reconnue-a-l-onu-ce-n-est-pas-un-probleme-mais-la-solution.html
5.
http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/11/29/la-palestine-a-lonu-et-larme-de-la-justice-internationale/
6.http://www.icj-cij.org/docket/files/131/1676.pdf
7. Fida Dakroub Global Research,
novembre 28, 2012
http://www.mondialisation.ca/le-grand-chemin-vers-jerusalem-le-hamas-trahit-liran-et-la-syrie/5313286 Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 1er décembre 2012 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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