20 novembre 2008
Du contrôle public sur les
ressources naturelles à l’élaboration de Constitutions
progressistes, en passant par le développement des coopérations
régionales, l’Amérique latine est, depuis dix ans, la région du
monde ayant avancé le plus d’alternatives au modèle dominant.
Certaines
de ces images ont fait le tour du monde. 1er mai 2006 : le
premier président indien de l’histoire du continent, Evo
Morales, proclame le contrôle de l’Etat sur les hydrocarbures en
Bolivie. Six ans plus tôt, dans le même pays, des milliers
d’habitants de Cochabamba, s’opposent, avec succès, à la
privatisation de l’eau. En avril 2002, les Vénézuéliens
descendent dans la rue pour mettre fin au coup d’Etat de la
droite et des Etats-Unis contre Hugo Chavez.
Depuis dix ans, la pression des
mouvements sociaux et l’élection de gouvernements progressistes
ont fait de l’Amérique latine la région du monde où la remise en
cause du modèle dominant est certainement la plus avancée. Au
Venezuela, en Bolivie, et en Equateur, les gouvernements ont
rompu avec les logiques néolibérales, en reprenant le contrôle
public des richesses naturelles, en développant des programmes
sociaux en faveur des plus défavorisés, et en affirmant les
droits politiques des populations historiquement marginalisées.
Des orientations affirmées à travers l’élaboration de nouvelles
Constitutions. Si la Bolivie s’apprête à soumettre son projet
constitutionnel à référendum, l’Equateur, dirigé par Rafael
Correa, vient d’adopter la sienne.
Au niveau régional,
l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba), qui réunit
le Venezuela, la Bolivie, Cuba, et depuis peu le Honduras, a été
créée en 2004 sur le principe d’une coopération régionale basée
sur la complémentarité. Plusieurs milliers de médecins et
infirmiers cubains ont ainsi fourni des soins au Venezuela en
échange d’un accord pétrolier préférentiel. Le projet de Banque
du Sud, lancé par Hugo Chavez en 2006 comme une alternative à la
tutelle de la Banque mondiale et du FMI, réunit sept pays : la
Bolivie, l’Equateur, le Venezuela, le Brésil, l’Argentine, le
Paraguay et l’Uruguay. Des discussions sont également en cours
pour la création d’un tribunal qui recevrait les plaintes des
transnationales et des Etats, pour remplacer le CIRDI (tribunal
de la Banque mondiale), très favorable aux multinationales.
L’idée d’une monnaie commune est aussi avancée alors que
l’instabilité du dollar est une plaie pour les échanges
régionaux. En mai dernier, les dirigeants latino-américains se
sont dotés d’une structure politique, l’Union des nations
sud-américaines (UNASUR), pour régler leurs différends. C’est
dans ce cadre qu’ils ont récemment exprimé leur appui unanime au
président bolivien Evo Morales.
Aujourd’hui, tous sont d’accord
pour dénoncer la politique du deux poids-deux mesures de la
Banque mondiale et du FMI, mais leurs réponses divergent.
« C’est la région qui prend le plus
d’initiatives pour se singulariser de la politique dominante,
mais parler de rupture serait exagéré, car s’il y a une volonté
commune d’intégration, les avis divergent sur sa forme, entre un
centre gauche favorable à un modèle européen, dominé par
l’économique et le grand capital, et une gauche qui pousse pour
une architecture véritablement alternative », explique Eric
Toussaint, président du CADTM Belgique, et auteur de « Banque du
Sud et nouvelle crise internationale » |1.|.
Les désaccords autour de la Banque du Sud incarnent ces
dissensions. Le principe « un pays = une voix » inclus dans
l’acte fondateur est ainsi remis en cause par le Brésil. « Pourtant,
prévient Eric Toussaint, si ces pays ne vont pas
plus vite, ils perdront une occasion historique. S’ils
parvenaient à lancer rapidement la Banque du Sud, à créer un
organisme régional pour les plaintes commerciales, à prendre des
mesures de contrôle des capitaux, ils seraient un exemple pour
le reste de la planète ».
Charlotte Bozonnet -
L’Humanité dimanche
Note:
|1.|
CADTM-Syllepse, 2008