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CADTM
L'attitude complice
de la Belgique et de l'Union Européenne à l'égard de la
dictature au Honduras
Cécile Lamarque
Manuel Zelaya
Samedi 10 octobre 2009
Le 14 septembre dernier, la Commission des Droits de l’Homme de
l’ONU, par la voix de son président, le Belge Alex Van Meeuwen,
et sous la vindicte des pays réunis en son sein, a décidé
d’interdire l’accès à la séance de travail à l’ambassadeur du
Honduras Delmer Urbizola. En effet, ce diplomate fait allégeance
à la dictature de Roberto Micheletti, unanimement condamnée par
l’ensemble de la communauté internationale.
Tandis qu’à l’ONU le représentant belge sanctionne avec fermeté
le régime putschiste, la Belgique refuse toujours d’expulser de
son territoire l’ambassadeur hondurien Ramón Custodio, acquis au
régime putschiste et toujours en poste à Bruxelles. Pourtant,
Yves Leterme, Ministre belge des Affaires Étrangères, a reçu dès
juillet 2009 un courrier de son homologue du Honduras, Patricia
Rodas, restée fidèle au gouvernement constitutionnel de Manuel
Zelaya, signifiant la destitution de l’ambassadeur du fait de
son appartenance à la bande putschiste |1|.
Alors qu’il est clairement énoncé que cette personne ne
représente plus le gouvernement de droit du Honduras, aucune
disposition n’a été prise par le gouvernement belge.
Le 23 septembre, les députés Juliette Boulet (Ecolo), Wouter De
Vriendt (Groen !) et Benoit Hellin (Ecolo) ont alors adressé une
lettre au Ministre des Affaires étrangères concernant la
situation politique au Honduras et la position pour le moins
ambiguë de la Belgique, qui d’un côté condamne le coup d’État,
et de l’autre tolère la présence sur son territoire d’un
représentant du gouvernement putschiste |2|.
Relayée par une question orale le 29 septembre lors d’une séance
de la Commission des Affaires étrangères, le secrétaire d’État
Olivier Chastel, au nom du Ministre Yves Leterme, répondra à la
missive urgente que « le département des Affaires étrangères
n’a pas reçu de notification officielle par la voie diplomatique
à propos de la destitution de M. Ramón Custodio Espinoza et,
début septembre, une copie officieuse de la lettre de
Mme Patricia Rodas Barca, que vous mentionnez dans votre
question, a été envoyée indirectement au ministre des Affaires
étrangères. Cette lettre datait du 7 juillet 2009 et il apparaît
impossible pour le ministre des Affaires étrangères de prendre
une mesure radicale, comme l’expulsion d’un ambassadeur
accrédité, en se basant sur une copie d’une lettre officieuse » |3|.
Persister à abriter l’ambassadeur putschiste au motif que la
lettre est officieuse, alors qu’elle porte le sceau officiel du
gouvernement de Manuel Zelaya, reconnu comme étant le seul
gouvernement légal du Honduras, et la signature de sa Ministre
des Affaires Étrangères, est tout simplement irrecevable et
témoigne du soutien pernicieux de la Belgique à l’égard de la
dictature.
Pour rappel, le dimanche 28 juin 2009, le président Manuel
Zelaya, élu démocratiquement le 27 novembre 2005, a été
séquestré par l’armée du Honduras et expulsé de force vers le
Costa-Rica. Des secteurs réactionnaires de la société
(l’oligarchie, l’armée, l’Église, le pouvoir judiciaire et les
médias dominants) se sont installés au pouvoir pour tenter de
faire avorter le processus de réformes sociales. Depuis
maintenant plus de trois mois, la dictature tente d’anéantir la
résistance populaire qui ne fléchit pas. La police et les
militaires au service des putschistes répriment, emprisonnent,
torturent et assassinent les manifestants, censurent et
détruisent les installations des rares médias indépendants. Le
22 septembre, 36 ans après les stades du Chili sous Pinochet,
plusieurs centaines de personnes sont enfermées dans le stade
Chochy Sosa à Tegucigalpa. Malgré la répression, le Front
national de Résistance contre le Coup d’État et les forces
populaires poursuivent tous les jours avec détermination les
mobilisations pacifiques pour exiger le retour du président
Zelaya, le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la
poursuite des légitimes réformes sociales et politiques
entamées. Manuel Zelaya, qui a réussi à regagner le Honduras le
21 septembre, se trouve depuis lors en exil dans son propre
pays, au sein de l’ambassade du Brésil assiégée.
Depuis le jour du Coup d’État, les principaux médias
internationaux n’auront eu de cesse de dénigrer et criminaliser
Manuel Zelaya, prenant le parti des putschistes, et l’associant
pour nombre d’entre eux au président vénézuelien Hugo Chavez,
présenté comme un dirigeant populiste autoritaire. La Libre
Belgique ne déroge pas à cet alignement international de
l’information. Le 23 septembre, le quotidien belge titre « Zelaya
relance la crise » |4|.
Doit-on en conclure que « la crise » était une affaire
classée !? La répression n’a jamais cessé à l’égard de la
population hondurienne qui s’oppose à l’installation d’une
dictature criminelle. Celle-ci n’a guère ému les médias, trop
occupés à colporter des informations fallacieuses.
L’article publié dans La Libre Belgique déclare que le
président Zelaya « avait décidé (...) d’organiser un
référendum pour modifier la Constitution de 1986 |5|
afin (...) d’autoriser le chef d’État à se présenter à plusieurs
mandats ». Faux ! Le jour du coup d’État, Manuel Zelaya
avait organisé une consultation à caractère non contraignant
demandant aux Honduriens s’ils désiraient, ou non, la
convocation d’une Assemblée nationale constituante, après les
élections prévues le 29 novembre 2009 |6|.
Si cette consultation avait recueilli une majorité de "oui", le
président aurait soumis un décret à l’approbation du Congrès
pour que, le 29 novembre, les Honduriens se prononcent
formellement sur la convocation d’une Constituante, dans une
"quatrième urne" (les trois premières étant réservées
respectivement à l’élection du président, des députés et des
maires). Ce processus aurait représenté une réelle avancée
démocratique au Honduras. Contrairement à ce qu’avancent les
principaux médias, Manuel Zelaya ne cherchait pas, via cette
consultation populaire, à reconduire son mandat présidentiel
lors des prochaines élections puisque celles-ci se tiendront
dans le cadre de l’actuelle Constitution qui prévoit des mandats
présidentiels de quatre ans non renouvelables. Zelaya ne pouvait
donc pas être candidat à sa propre succession.
Ce ’pêché’ lui a valu, selon La Libre Belgique, « sa
destitution par le Parlement pour violations répétées de la
Constitution ». Or, quiconque se penche sur la Constitution
hondurienne pourra constater que le Parlement hondurien n’a pas
les facultés pour démettre le président, pas plus que Roberto
Micheletti, alors Président du Congrès, ne pouvait prétendre à
la présidence |7|,
tandis qu’il n’est pas prévu non plus par la Constitution qu’un
Président ou un citoyen hondurien soit expulsé manu militari
mais bien que « l’accusé » soit présenté devant la juridiction
compétente. En outre, le « criminel » supposé Manuel Zelaya n’a
commis aucune violation de la Constitution, la consultation se
tenant dans un cadre parfaitement légal |8|.
Passons outre les erreurs, approximations et autres inepties
proférées par les grands médias à l’endroit de Manuel Zelaya et
d’autres présidents progressistes d’Amérique latine, objet de
trop nombreuses calomnies. L’urgence est au retour d’un État de
droit au Honduras.
Alors qu’une mission de l’Organisation des Etats Américains
(OEA) se trouve actuellement au Honduras afin de négocier une
« sortie de crise » sur base des Accords de San José, il est
fondamental, comme le demandent les députés dans le courrier
adressé au Ministère des Affaires Étrangères belge, que la
Belgique et les autres pays membres de l’Union Européenne se
positionnent fermement en faveur de « la non-reconnaissance des
élections qui pourraient se dérouler en novembre, dans le cas du
non rétablissement sans conditions du Président
démocratiquement élu, M. Zelaya ».
Les négociations des Accords de San José, menées sous l’égide du
président costaricain Oscar Arias, n’avaient jusqu’alors pas
abouti face à l’intransigeance des putschistes, et en dépit des
dispositions pourtant entièrement favorables à ces derniers, à
savoir : le retour du président Zelaya mais avec des pouvoirs
réduits et partagés avec les putschistes dans le cadre d’un
gouvernement de "réconciliation et d’union nationale" en
attendant les prochaines élections présidentielles de novembre
2009 ; une amnistie générale pour les délits politiques en
relation avec le coup d’État ; l’interdiction de toute
consultation populaire appelant à une Assemblée constituante.
Ces conditions inacceptables ne résoudront en aucune façon la
situation tragique issue du Coup d’État, et ne sauraient
constituer un point de départ des négociations. Les seules
conditions acceptables sont le retour sans conditions du
président Manuel Zelaya ; des poursuites
judiciaires contre les auteurs matériels et intellectuels du
Coup d’État et des violations continues des droits
humains et des libertés fondamentales ; la poursuite du
processus d’Assemblée nationale Constituante, qui est
une exigence non négociable pour le Front Nationale de
résistance contre le Coup d’État.
Comment peut-on prétendre plaider pour le retour à l’ordre
constitutionnel et pour une « sortie de crise » en faisant fi
des puissantes revendications populaires, et en laissant siéger
au gouvernement et à la tête des plus importantes entreprises du
pays ceux-là même qui tuent, torturent et privent de liberté la
population hondurienne depuis plus de trois mois !? Nos chefs
d’États et représentants ne sont-ils pas conscients de
l’inconsistance de leurs réactions et prises de positions face à
l’urgence de la situation au Honduras, qui exige que soient
écartés au plus vite du pouvoir ces barbares réactionnaires ?
Le 22 septembre, Manuel Zelaya réitérait à l’antenne de Radio
Habana Cuba sa demande formulée à Washington de « prendre des
mesures concernant le commerce, parce que le Honduras dépend des
activités commerciales » avec les États-Unis et « cela mettrait
fin au coup d’État en moins de deux minutes » |9|.
Si le maintien de la dictature incombe en grande partie aux
États-Unis, l’Union Européenne ne peut être exempte de
critiques : outre son silence complice, sa responsabilité est en
effet clairement engagée du fait qu’elle n’a pas coupé les
facilités commerciales au gouvernement dictatorial, celles-ci
étant pourtant conditionnées « au respect des principes
démocratiques et des droits humains ».
On peut sérieusement douter des « vraies-fausses » pressions
exercées par l’Union Européenne et ses pays membres à l’égard de
la dictature au Honduras. Exigeons une attitude claire et ferme
de l’Union européenne !
Notes
|1|
La lettre de Patricia Rodas est disponible à cette adresse :
http://www.benoithellings.be/index.php?id=151
|2|
Lire ici le courrier des députés :
http://www.benoithellings.be/index.php?id=151
|3|
Voir l’intervention complète :
http://www.lachambre.be/doc/CCRI/html/52/ic642x.html
|4|
« Zelaya relance la crise », MFC, La Libre Belgique,
p.15, 23 septembre 2009.
|5|
La Constitution date non pas de 1986 mais de 1982.
|6|
La question était : « Êtes-vous d’accord qu’aux prochaines
élections générales de 2009, une 4e urne soit installée pour
permettre au peuple de se prononcer sur la convocation d’une
assemblée nationale constituante ? OUI ou NON ».
|7|
Conformément à l’article 242 de la Constitution, si le président
renonce à ses fonctions, ou en son absence, sa succession
revient au Vice-Président - à savoir Don Arístides Mejia,
actuellemnt en exil et qui n’était pas présent ni convié quand
les putschistes se sont répartis le pouvoir le 28 juin... En
l’absence du Vice-Président, le Président du Congrès doit
excercer simultanément à ses propres fonctions celles du Pouvoir
Exécutif, toujours en sa qualité de Président du Congrès.
|8|
Concernant les aspects légaux et les charges retenues contre le
président Manuel Zelaya, entre autres articles et rapports
traitant du sujet, se reporter par exemple au Rapport Final de
la Mission Internationale d’Observation des droits humains au
Honduras, Informe final : Gobierno de facto viola DDHH,
http://alainet.org/active/32385&lang=es
|9|
http://www.lefigaro.fr/international/2009/09/22/01003-20090922ARTFIG00442—.php
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