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CADTM
Au 46ème jour de
résistance populaire, la répression à l'encontre des opposants
au régime putschiste s'intensifie
Cécile Lamarque,
Jérome Duval, Sabine Masson
Photo COFADEH
Vendredi 14 août 2009
Au 46ème
jour de lutte du peuple hondurien contre le Coup d’Etat et le
gouvernement de facto, la Police et les Forces Armées ont une
nouvelle fois fait preuve d’une extrême brutalité et d’une
répression féroce à l’égard des manifestants. En dépit de la
répression de la nuit dernière, une nouvelle manifestation qui a
réuni des dizaines de milliers de personnes, pacifiques et
déterminées, est partie de l’Université pédagogique. Elle allait
se rendre au Palais présidentiel, mais à l’annonce de la loi
votée par le Congrès National visant à rendre le service
militaire obligatoire en cas de crise, les opposants au régime
putschiste ont décidé de marcher vers le Congrès.
Alors que
les manifestants avançaient vers le Congrès, le centre de la
ville s’est vu encerclé par des centaines de militaires et de
policiers en armes, empêchant la population de circuler
librement et d’exercer son droit à manifester. Les manifestants
ont alors subi de plein fouet la violence policière : gaz
lacrymogènes, coups aux manifestants pris de panique,
arrestations arbitraires, etc.
Suite à
cette provocation des forces putschistes se déroule une
confrontation devant le Congrès : la police lance des gaz contre
les manifestants démunis, qui répondent par des jets de pierres.
Après avoir gazé toute la place autour du congrès et le Parque
central, les policiers et militaires pourchassent les
manifestants qui essayent de fuir en se dispersant dans les
rues, frappent les personnes qu’ils arrêtent. Des femmes ont
subi des agressions sexuelles. A 14h30 devant le Congrès, alors
qu’une vingtaine de personnes ont déjà été arrêtées, nous sommes
témoins de l’arrestation d’une dizaine d’autres, dont nous avons
pu noter les identités afin de les communiquer aux associations
qui assurent le suivi juridique des personnes détenues, la
COFADEH (Comité des Familles de Détenus Disparus au Honduras |1|)
principalement. Les militaires et policiers s’en sont pris sans
distinction et sans motif aux hommes, femmes et enfants.
L’action collective sur la place devant l’édifice du Congrès a
permis d’éviter la détention d’un mineur de quatorze ans, tandis
que dans la cour du Congrès, on assistait impuissant à
l’arrestation d’une professeur, Mabel Carolina Lopez, violemment
maintenue au sol pendant près d’une demi heure par les
militaires. Les éléments des forces armées qui étaient devant le
Congrès élevaient leurs boucliers afin d’empêcher les
journalistes de filmer, de prendre des photos. On bloque le
passage à la délégation des droits humains, seule une procureur
de COFADEH est reçue. Peu après, certains détenus sont
apparemment transférés vers une caserne militaire tandis que
d’autres sont amenés dans les sous-sols de l’édifice du Congrès.
Un journaliste hondurien a également été agressé , les
militaires lui ont arraché sa caméra. La répression était
semblable voire plus cinglante en d’autres points du centre
ville, ainsi qu’a San Pedro Sula, principale ville du Nord du
pays.
Le régime
putschiste a notamment utilisé le ’Poste 21’ composé de
militaires des forces spéciales Cobra, forces tristement
célèbres pour les tortures qui y ont été perpétrées dans les
années 1980. Y ont été enfermées de façon tout à fait illégale
26 personnes, dont on apprend par le Front des Avocats contre le
Coup d’Etat qu’elles ont été torturées, frappées, humiliées.
Toujours détenues, le régime putchiste veut les inculper d’actes
terroristes !
En tant
que « Mission d’Observation », nous nous sommes rendus à
l’Hôpital Viera où se trouvait le député du parti Unificacion
Democratica (UD) Marvin Ponce, blessé par balles au pied, afin
de recueillir son témoignage. Impossible d’entrer dans
l’hôpital, le gardien avait reçu l’ordre de ne pas nous laisser
rentrer !
Dans un
même temps, l’Université pédagogique nationale Francisco Morazán
(UPNFM), le point de convergence de la résistance hondurienne, a
été transformée en forteresse militaire. Une quarantaine de
personnes qui étaient à l’intérieur – professeurs, étudiants,
syndicalistes, etc - ont été séquestrées plus de huit heures.
Ils et elles ont été forcés à se rassembler au centre du terrain
de basket, où les militaires les ont maintenus, l’arme pointée
en leur direction. Il s’agit d’une détention illégale, réalisée
par des forces militaires dans un lieu d’éducation supérieure
publique dont l’autonomie est garantie par la Constitution.
Nous nous
sommes rendus sur les lieux, accompagnés de deux avocates de la
COFADEH afin de pousser à la libération des personnes
détenues. Non sans mal, une journaliste de la Cofadeh parvient à
rentrer, un avocat du Front des Avocats contre le Coup d’Etat
était sur place. Le chef de police, Mr. Cerrato, déclare à la
presse que les personnes retenues à l’intérieur font l’objet
d’une enquête et doivent donner leur déclaration au sujet
d’explosifs que la police et l’armée auraient trouvés à
l’intérieur l’Université et attribuent aux opposants. Or, les
personnes séquestrées expliquent que ces prétendues « preuves »
sont du matériel utilisé par des infiltrés, des déchets de
balles et de bombes lacrymogènes tirées la veille par la police
contre l’Université.
Aujourd’hui 13 août, on reporte de nombreux blessés à l’Hôpital
Escuela, le Consejo Civico de Organizaciones Populares e
Indigenas de Honduras (COPINH) déclare que 5 personnes de
cette organisation sont portées disparues depuis hier. Les
chiffres concernant le nombre de détenus varient selon les
sources (police et ministère public). On craint que de
nombreuses personnes demeurent disparues.
Cette nouvelle démonstration de force de la part du gouvernement
illégitime de Roberto Michelleti et l’établissement d’un régime
autoritaire restreignant chaque jour davantage les libertés
fondamentales du peuple hondurien font ressurgir le spectre des
dictatures latino-américaines des années 1970-1980. Face à
l’escalade de violences et de répression, aux violations graves
des droits humains, civils et politiques, la solidarité des
citoyens et des mouvements sociaux est indispensable. Entre
autres revendications, le Front contre le coup d’Etat appelle à
faire pression sur les gouvernements du Nord afin qu’ils
bloquent tout soutien financier au régime de facto.
Notes
|1|
Comité de Familiares de Detenidos Desaparecidos en Honduras,
www.cofadeh.org
P.-S.
Jerome Duval et Cécile Lamarque
sont membres du Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers
monde (CADTM). Sabine Masson est chercheuse à l’Institut des
Hautes Etudes Internationales et du dévellopement à Genève. Tous
trois participent à la Mission internationale d’Observation et
d’Accompagnement des organisations sociales en lutte contre le
putsch au Honduras.
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