Opinion
Obama et les
médias fabriquent un prétexte
pour attaquer la Syrie
Bill
Van Auken
Photo: RIA
Novosti - © AFP/ Saul Loeb
Samedi 31 août 2013
Le gouvernement Obama a indiqué jeudi
qu'il avançait dans ses préparatifs de
guerre contre la Syrie, en dépit de
l'absence de toute autorisation légale
par les Nations unies, et même sans la
participation de ses alliés les plus
proches. Il le fait en dépit de
l'hostilité écrasante à ce projet des
masses du Moyen-Orient ainsi que des
Américains.
La course à la guerre contre la Syrie du
président Barack Obama est encore pire
que l'opération criminelle montée par le
gouvernement Bush contre l'Irak il y a
une dizaine d'années. Maintenant, même
la « coalition des volontaires » n'est
plus nécessaire, étant donné que le
parlement du plus proche allié de
Washington, la Grande-Bretagne, a voté
jeudi contre une action militaire. Le
président américain tente de vendre la
guerre au peuple américain d'une manière
qui montre qu'il n'y croit pas lui-même.
Dans un entretien accordé à la chaîne de
télévision PBS mercredi soir, Obama a
présenté son argumentaire incohérent
pour une attaque militaire américaine
contre la Syrie. Ses réponses, tout
comme les questions du journaliste,
soulignaient le fait que pour le
gouvernement des États-Unis et les
médias américains, il n'y a pas de
mensonge trop stupide ni de
contradiction trop voyante pour
fabriquer un prétexte pour la guerre.
L'attaque à l'arme chimique qui aurait
eu lieu dans la banlieue Est de Damas le
21 août est utilisée comme justification
pour une attaque américaine unilatérale
et illégale sans que le gouvernement ou
les médias ne présentent la moindre
preuve que cette attaque ait été menée
par le gouvernement de Bashar el-Assad.
Le fait qu'il soit très improbable que
ce gouvernement ait mené une telle
action le jour même où les inspecteurs
des Nations unies commençaient leur
travail à Damas, sur l'invitation d'Assad,
est passé sous silence. Les nombreuses
preuves que les soi-disant « rebelles »,
en fait des milices soutenues par les
États-Unis dans lesquelles les
formations islamistes liées à Al Qaïda
jouent le rôle principal, ont accès et
ont utilisé à plusieurs reprises des
armes chimiques, sont également
ignorées.
Dans l'entretien accordé à PBS, Obama a
présenté Washington comme un simple
témoin horrifié de la lutte violente qui
divise la Syrie depuis ces deux
dernières années, un témoin qui
soi-disant se contenterait de lancer des
appels diplomatiques et d'accorder une
aide humanitaire. C'est un mensonge
éhonté. La CIA a coordonné l'afflux
massif d'armes et de combattants
islamistes étrangers en Syrie,
déclenchant une guerre civile sectaire
sanglante dont le but est de réaliser un
changement de régime. Elle a armé et
entraîné des forces antigouvernementales
en Jordanie et les a renvoyées en Syrie
en leur donnant l'ordre très clair de
semer le chaos.
En dépit de cette intervention massive
et à peine déguisée, la guerre pour
obtenir un changement de régime a tourné
à la débâcle, en grande partie parce que
le peuple syrien est hostile tant à
l'intervention impérialiste qu'aux
tentatives de détruire une société
largement laïque et d'imposer un régime
islamiste par un massacre sectaire.
La ruée vers la guerre, où l'on voit les
États-Unis écarter l'enquête des
inspecteurs de l'ONU au prétexte que ce
serait une manoeuvre dilatoire alors
qu'ils l'avaient officiellement demandée
eux-mêmes, est déterminée par la vitesse
à laquelle la rébellion armée qu'ils ont
soutenue se désintègre.
Il n'est pas très difficile de
comprendre les motivations des prétendus
« rebelles » et de leurs maîtres, au
sein de l'appareil militaire et des
services de renseignement de Washington,
pour lancer une attaque de missiles puis
tenter d'en faire porter la
responsabilité au régime d'Assad.
Ayant manœuvré Obama pour lui faire
déclarer que les armes chimiques
constituaient une « ligne rouge, » ces
éléments peuvent maintenant forcer le
gouvernement à entreprendre une action
militaire dans le cadre d'une tentative
désespérée de sauver la face et de
garder leur crédibilité. Cela va se
faire avec le massacre sans raison
d'hommes, de femmes et d'enfants syriens
sous une pluie de missiles de croisière
Tomahawk et d'autres explosifs de haute
technologie.
Obama dans son entretien de mercredi a
décrit l'action militaire à venir comme
une opération « limitée, adaptée », un «
coup de semonce » contre le régime d'Assad.
Cependant, une fois qu'une telle
attaque, décrite par certaines sources
comme plusieurs jours de bombardement,
aura commencé, elle se développera
inévitablement en une guerre aux
conséquences incalculables.
Les justifications données par Obama
pour cette action sont à la fois
hypocrites et absurdes. Il affirme que
Washington défend « non seulement les
normes internationales, mais aussi les
intérêts particuliers fondamentaux des
États-Unis. » Il est toujours surprenant
de constater que les normes
internationales et les intérêts
nationaux ne coïncident que lorsqu'il
s'agit des États-Unis, qui sont les
seuls à revendiquer le droit de mener
des agressions militaires sur toute la
planète pour les défendre.
Les médias ne demandent jamais pourquoi
les États-Unis, qui ont massacré près
d'un quart de million de Japonais dans
les bombardements atomiques de Hiroshima
et de Nagasaki, seraient les garants
naturels des « normes internationales »
dans l'usage des armes. Plus récemment,
le Pentagone a utilisé de l'uranium
appauvri et du phosphore blanc en Irak
pour massacrer des milliers de gens et
laisser un héritage de malformations
congénitales aux générations à venir.
Des sources dans les services de
renseignements américains ont dit aux
médias que la preuve impliquant le
régime syrien dans l'attaque du 21 août
n'est « pas une preuve définitive » [no
slam dunk] - c'est-à-dire, qu'elle
est encore moins déterminante que celles
montées de toutes pièces pour la guerre
contre l'Irak telle qu'elle était
décrite à l'époque par le directeur de
la CIA d'alors, George Tenet. Et une
porte-parole du ministère des Affaires
étrangères a écarté toute discussion sur
la possibilité que cette attaque puisse
avoir été menée par un élément « isolé »
de l'armée syrienne, en disant qu'Assad
serait tout de même responsable en tant
que commandant en chef.
Curieusement, ce type de règles ne
s'applique pas aux opérations militaires
menées par Washington. Les crimes de
guerre commis par l'armée américaine,
d'Abu Ghraib aux multiples massacres en
Irak et en Afghanistan, ont entraîné la
punition uniquement des échelons les
plus bas de la hiérarchie, épargnant le
commandant en chef américain.
Obama a affirmé que les « intérêts
propres » des États-Unis sont liés à la
crainte que le « contrôle [du
gouvernement syrien] sur les armes
chimiques ne se détériore, » ce qui
risquerait de les voir « tomber entre
les mains de toutes sortes de gens » et
finir par être utilisées contre les
États-Unis eux-mêmes.
Pourtant Washington est dans une
alliance de fait avec précisément ces «
sortes de gens » (et en bombardant la
Syrie, ils les protégeront directement),
des forces islamistes liées à Al Qaïda,
qui, affirme Obama, représentent une
menace pour le peuple américain. Donc,
d'après le président américain, la
guerre est menée pour maintenir les
armes chimiques hors de portée des
bénéficiaires directs de l'intervention
américaine !
Et en lançant des attaques de missiles
contre le gouvernement et les forces
armées qui contrôlent l'essentiel des
armes chimiques que l'on pense exister
en Syrie, en détruisant leur chaîne de
commandement, les États-Unis vont de
toute évidence faciliter les efforts des
forces liées à Al Qaïda pour construire
leur propre arsenal chimique.
La réalité est que c'est la course à la
guerre de Washington est en train de
créer les conditions pour une attaque
terroriste contre la population
américaine qui pourrait dépasser
l'ampleur du 11 septembre 2001.
Cette nouvelle guerre qui s'appuie sur
des mensonges est préparée dans un
climat de crise politique et d'urgence à
Washington qui reflète les
contradictions internes intenses de
l'impérialisme américain. Si la cible
initiale des missiles de croisière
américains peut bien être Damas, les
objectifs stratégiques qui la
sous-tendent conduisent à un conflit qui
ne cesse de s'amplifier et menace
d'engloutir l'Iran, la Russie et la
planète toute entière.
(article original paru le 30 août 2013)
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Publié le 1er septembre 2013 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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