Syrie
La CIA envoie des
cargaisons d'armes aux « rebelles »
syriens
Bill
Van Auken
Les rebelles syriens reçoivent des armes
achetées par la Turquie, l'Arabie
saoudite et le Qatar
(Photo AFP)
Lundi 25 juin 2012
Le New York
Times a indiqué jeudi que des agents
de la CIA ont été déployés en Turquie
pour organiser l'armement des prétendus
rebelles syriens qui cherchent à faire
tomber le gouvernement de Bashar el-Assad.
Ce reportage, qui
citait des informations données par des
responsables américains de haut rang
ainsi que par des officiers du
renseignement de pays arabes, affirme
que les agents de la CIA organisent une
opération de contrebande massive par
laquelle « des armes automatiques, des
roquettes, des munitions et certaines
armes anti-chars sont expédiées
principalement en passant par la
frontière turque grâce à un réseau
d'intermédiaires aux contours assez
flous, mais comprenant les Frères
musulmans syriens, et financé par le
Qatar, l'Arabie Saoudite et la Turquie.
»
La veille de la
publication de l'article du Times,
la porte-parole du ministère des
Affaires étrangères, Victoria Nuland,
avait réaffirmé la ligne officielle du
gouvernement d'Obama : « Nous avons dit
à plusieurs reprises que nous ne sommes
pas impliqués dans l'armement en Syrie.
» Puis elle a dit que l'ambassadeur
syrien aux Nations unies, Bashar
al-Jaafari, « était dans l'erreur »
lorsqu'il a accusé les grandes
puissances étrangères de soutenir « des
groupes terroristes armés » dans son
pays et d'essayer de faire dégénérer la
crise syrienne jusqu'à « l'explosion »
pour réaliser un « changement de régime.
»
L'article du
Times ne fait que confirmer de
précédents articles de presse et apporte
des détails supplémentaires qui
contribuent à révéler au grand jour
cette opération, à peine cachée, visant
à fomenter et armer une guerre civile
sectaire en Syrie.
Le mois dernier, le
Washington Post faisait savoir
que les prétendus rebelles avaient «
commencé à recevoir bien plus d'armes,
et de meilleure qualité, ces dernières
semaines, un effort financé par les
nations du golfe Persique et coordonné
par les États-Unis. » Le Post,
dans son article du 16 mai, déclarait
également que des agents américains
avaient « développé les contacts avec
les forces de l'opposition pour fournir
aux pays du Golfe une évaluation de la
crédibilité des rebelles et de leurs
infrastructures de commandement. »
Et la semaine
dernière, le Wall Street Journal
indiquait que « l'Agence de
renseignements centraux [CIA] et le
ministère des Affaires étrangères – en
collaboration avec l'Arabie saoudite, la
Turquie, le Qatar et d'autres alliés –
aident l'Armée syrienne libre
d'opposition à développer des voies
logistiques pour faire entrer du
ravitaillement en Syrie et lui donner
une formation aux moyens de
communication. »
Le résultat de
cette opération a été une
intensification très nette de la
violence armée en Syrie, avec un pic du
nombre de soldats syriens tués et
blessés ainsi qu'une prolifération des
attentats terroristes.
Les déclarations du
gouvernement d'Obama selon lesquelles il
n'arme pas les milices syriennes pour
faire tomber le gouvernement d'Assad ont
été entièrement démenties. Ses
affirmations s'appuient sur la fiction
qui voudrait que l'Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie, se chargent seuls
de l'armement pendant que les agents de
la CIA ne feraient que « surveiller »
les rebelles syriens pour s'assurer que
les armes ne tombent pas entre de
mauvaises mains. Aucun de ces pays ne
mènerait ce genre d'opération sans
l'accord de Washington.
L'article du
Times cite un responsable américain
de haut rang, dont le nom n'est pas
cité, qui aurait affirmé que la CIA
travaille à la frontière turco-syrienne
« pour aider à s'assurer que les armes
ne tombent pas entre les mains de
combattants alliés à Al Quaida ou à
d'autres groupes terroristes. »
De telles
affirmations sont absurdes. La réalité
c'est que l'opération montée par la CIA
contre la Syrie ressemble à s'y
méprendre à celle qu'elle avait menée
dans les années 1980 le long de la
frontière pakistano-afghane, lorsque
l'Arabie saoudite avait également fourni
l'essentiel des fonds pour acheter des
armes et qu'Al Quaida était née comme un
allié et un instrument, de la politique
impérialiste américaine.
Il y a des preuves
de plus en plus nettes que les éléments
islamistes en Syrie et dans les pays
arabes alentours sont la colonne
vertébrale de la rébellion soutenue par
les impérialistes et qui veut un
changement de régime en Syrie. L'Associated
Press a publié un long reportage
jeudi sur des jihadistes tunisiens
accourant vers la Syrie. Il indique que
des prêtres fondamentalistes islamistes
incitent les jeunes à s'embarquer pour
la Syrie pour faire tomber le régime «
infidèle ».
D'après un
reportage plus ancien publié dans le
quotidien allemand Frankfurter
Allgemeine Zeitung, « Au moins 3000
combattants » libyens sont entrés en
Syrie, la plupart par la Turquie.
D'autres forces semblables ont franchi
la frontière depuis l'Irak pour mener
une lutte sectaire de la même veine que
celle qui a entraîné un bain de sang
entre sunnites et chiites dans ce pays
sous l'occupation américaine.
La conséquence,
comme le rapporte l'AP, est que « les
attentats suicides du style Al Quaida
sont devenus de plus en plus courants en
Syrie, et les responsables occidentaux
disent qu'il ne fait pas de doute que
des extrémistes islamistes, certains
associés aux réseaux terroristes, ont
fait des incursions en Syrie avec le
développement de l'instabilité. »
D'un côté,
Washington et ses serviteurs dans la
région – l'Arabie Saoudite, le Qatar la
Turquie – dispensent avec largesse les
armes et les financements aux prétendus
rebelles, alors que de l'autre, les
grandes puissances cherchent à mettre le
régime syrien en quarantaine et à
épuiser ses ressources par des sanctions
de plus en plus sévères et la pression
internationale.
Tout en déversant
secrètement des armes dans le pays, les
responsables américains ont dénoncé la
Russie parce qu'elle maintient des liens
avec la Syrie, dernier allié de Moscou
au Moyen-Orient et site de sa seule base
navale en Méditerranée à Tartous. La
ministre des Affaires étrangères Hillary
Clinton a déchaîné une campagne de
propagande contre Moscou, l'accusant à
tort de fournir de nouveaux hélicoptères
d'attaque russes à la Syrie.
La Russie a répondu
qu'il n'y a pas de nouveaux
hélicoptères, mais qu'elle envoie en
fait d'anciens appareils que la Syrie
avait achetés il y a des dizaines
d'années et qui étaient en Russie pour
réparations. Le navire qui transportait
les hélicoptères rénovés, le MV-Alaed
immatriculé à Curaçao, a été contraint
de faire demi-tour vers le port russe de
Mourmansk jeudi après que le
gouvernement britannique a forcé une
compagnie d'assurance installée à
Londres à résilier son contrat sur
celui-ci. Les médias ont relaté que le
gouvernement britannique avait envisagé
d'utiliser la force armée pour aborder
ce navire.
Le ministre des
Affaires étrangères russe Sergei Lavrov
a dénoncé la manœuvre britannique comme
une tentative d'imposer des sanctions
unilatéralement contre d'autres pays. «
Les sanctions de l'UE ne sont pas du
droit international, » a-t-il dit,
jurant que la cargaison sera transbordée
sur un navire sous pavillon russe et
renvoyée vers la Syrie.
« C'est une pente
très dangereuse, » a déclaré Lavrov à la
chaîne de télévision Russia Today.
« Cela veut dire que n'importe qui –
n'importe quel pays ou n'importe quelle
entreprise – peut, sans avoir violé
aucune norme internationale, sans avoir
violé aucune résolution du Conseil de
sécurité de l'ONU, être soumis à
l'application extraterritoriale de
sanctions unilatéralement décidées par
quelqu'un d'autre. »
Ce qui était
peut-être plus inquiétant pour la
Grande-Bretagne et les autres grandes
puissances, c'est que le navire
contraint de faire demi-tour avait dans
sa cargaison, en plus des hélicoptères
datant de l'ère soviétique, ce qui a été
décrit comme étant un nouveau système
perfectionné de défense antiaérienne. Un
tel système pourrait se révéler un
obstacle à une tentative des États-Unis
et de l'OTAN de rééditer le genre de
campagne de bombardement utilisé pour
renverser Mouammar Kadhafi.
(Article original
paru le 22 juin 2012)
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Publié le 27 juin 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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