Opinion
Les
affirmations disant que la Syrie mène
une guerre chimique ont pour objectif de
provoquer une intervention occidentale
Bill Van Auken
© REUTERS/
Nour Fourat
Vendredi 23 août 2013
Les accusations non fondées selon
lesquelles le régime syrien du président
Bachar al-Assad a perpétré une attaque
aux armes chimiques près de Damas et qui
a tué un grand nombre de civils
présentent toutes les caractéristiques
d’une provocation montée de toutes
pièces visant à déclencher une
intervention occidentale.
Des adversaires du régime d’Assad
soutenus par l’occident ont fait état de
l’attaque, mercredi matin de bonne
heure, au moment même où une équipe
d’inspecteurs de l’ONU chargés
d’examiner l’utilisation d’armes
chimiques allaient commencer leur
travail. Ils avaient été autorisés, 72
heures plus tôt, par le gouvernement à
se rendre en Syrie,.
En effet, selon les sources de
l’opposition qui ont signalé les
attaques chimiques, celles-ci ont eu
lieu à l’est de Ghouta, dans la banlieue
est de Damas, à quelques kilomètres à
peine du lieu où se trouve le siège de
l’équipe des inspecteurs de l’ONU.
Les rapports contradictoires initiaux
concernant cette attaque supposée venir
du gouvernement établissaient le nombre
de victimes entre une vingtaine et
1.300.
Aucune des vastes couvertures
médiatiques de ces allégations non
vérifiées n’a expliqué pourquoi le
régime d'Assad aurait choisi un tel
moment pour déclencher des attaques
chimiques à grande échelle – sous le nez
des inspecteurs de l’ONU – ni quel motif
il aurait eu pour le faire dans une
situation où son armée a infligé une
série de défaites aux « rebelles » qui
sont soutenus par les Etats-Unis.
Néanmoins, les Etats-Unis et leurs
alliés de l’OTAN, principaux partisans
de la guerre sanglante en faveur d’un
changement de régime en Syrie, n’ont pas
perdu de temps pour publier des
condamnations et exiger une réunion
d’urgence du Conseil de sécurité de
l’ONU qui s’est tenue mercredi
après-midi à huis clos à New York.
La Maison Blanche a publié un communiqué
où elle déclarait être « profondément
préoccupée par les informations que des
centaines de civils syriens ont été tués
dans une attaque des forces
gouvernementales syriennes perpétrée en
recourant à des armes chimiques. » Avec
ses alliés à Londres et Paris, elle a
demandé à ce que la séance du Conseil de
sécurité et l’équipe de l’ONU se
trouvant sur le terrain en Syrie ouvrent
tous deux immédiatement une enquête sur
ces informations.
Les partisans d'une intervention
américaine directe dans la guerre civile
syrienne sont allés plus loin. Le
Washington Post s’est empressé de
publier un éditorial sur son site web
disant : « Si les allégations d’une
nouvelle attaque massive sont
confirmées, la faible mesure adoptée par
le président Obama en juin, à savoir la
livraison de petites armes aux forces
rebelles, s’est avérée totalement
inadaptée. »
Le journal conclut qu’Obama doit réagir
aux attaques chimiques présumées en «
ordonnant des représailles directes des
Etats-Unis contre les forces militaires
syriennes responsables et en adoptant un
plan visant à protéger les civils du sud
de la Syrie par une zone d’exclusion
aérienne. »
Le gouvernement syrien et son armée, qui
ont répété à maintes reprises qu'ils
n'utiliseraient pas d'armes chimiques
contre la population, ont démenti les
accusations faites par des organisations
soutenues par les Etats-Unis, tel que le
Centre d’opposition syrien.
Le ministère des Affaires étrangères
syrien a publié un communiqué soutenant
que la coopération entre Damas et
l’équipe d’inspecteurs de l’ONU «
n’avait pas plu aux terroristes et aux
pays les soutenant ce qui explique
pourquoi ils ont avancé de nouvelles
fausses allégations selon lesquelles les
forces armées ont utilisé du gaz toxique
dans l’arrière-pays de Damas. »
L’ambassadeur syrien à Moscou, Riyad
Haddad, a dit à l’agence d’information
russe ITAR-TASS que les accusations
étaient fausses et visaient à reproduire
le « scénario irakien, » c’est-à-dire
une intervention militaire directe des
Etats-Unis en Syrie.
« Nos forces armées n’ont jamais utilisé
d’armes chimiques et toutes les
concoctions montées de toutes pièces à
cet égard visent à désorienter les
observateurs internationaux et à faire
dévier leurs efforts pour atteindre les
objectifs fixés, » a dit Haddad.
« Ce n’est un secret pour personne que
toutes ces falsifications qui surgissent
de temps en temps au sujet du recours
aux armes chimiques ne sont rien d’autre
qu’une tentative de réitérer le scénario
utilisé par le passé concernant les
armes de destruction massive en Irak, »
a ajouté l’ambassadeur.
Le ministère russe des Affaires
étrangères a qualifié les accusations
d’une attaque gouvernementale aux armes
chimiques de « provocation préméditée. »
Citant des sources anonymes en Syrie, le
porte-parole du ministère russe des
Affaires étrangères, Aleksander
Lukashevich, a affirmé que l’attaque aux
armes chimiques à l'est de Damas était
l’œuvre des « rebelles » eux-mêmes qui
sont soutenus par les Etats-Unis.
« Une fusée de fabrication artisanale
avec une substance toxique qui n’a pas
encore été identifiée, et qui ressemble
aux roquettes utilisées par les
terroristes le 19 mars à Kahn al-Assal,
a été tirée tôt le matin du 21 août à
partir d’une position occupée par les
insurgés, » a-t-il dit.
L’attaque de mars dernier à Khan al-Assal,
près d’Alep, est l’un des incidents sur
lesquels l’équipe d’inspecteurs de l’ONU
est venu enquêter en Syrie. Le
gouvernement a affirmé que cette
attaque, qui avait tué 26 personnes dont
16 soldats du gouvernement, était
l’œuvre de milices armées soutenues par
l’Occident et combattant pour un
changement de régime.
Ces forces se sont publiquement vantées
d’avoir accès à des armes chimiques et
d’être prêtes à en faire usage. A la fin
de mai dernier, les médias turcs avaient
rapporté que des membres du Front Al
Nusra, milice affiliée à al Qaïda et qui
est le fer de lance de l’attaque contre
le gouvernement, avait été interpellés
et qu'ils étaient possession d'une
certaine quantité de gaz sarin.
Si l’on se demande à qui profite un tel
crime, il est clair que ce n’est pas au
régime d'Assad mais aux forces dirigées
par les islamistes et qui combattent
pour le renverser. Ces accusations de
crimes de guerre perpétrés par le
gouvernement syrien sont faites au
moment où ces forces sont confrontées à
une crise croissante et à une série de
défaites militaires.
Le coup d’Etat en Egypte a contraint le
Conseil national syrien à fuir ce pays
pour aller se réfugier en Turquie au
moment où la junte militaire égyptienne
retirait l’aide qui lui avait été
précédemment fournie par le président
islamiste déchu Mohamed Morsi.
Les forces d’Al Nusra, force combattante
dominante particulièrement dans le nord
de la Syrie, se sont retrouvées
elles-mêmes impliquées dans un violent
conflit armé contre les milices kurdes
qui s’opposent à l’empiètement des
combattants islamistes syriens sur leurs
villages. L’émergence des Kurdes en tant
qu’importante force combattante dans la
guerre civile syrienne et leur
revendication d’autonomie ainsi que le
flux de dizaines de milliers de réfugiés
kurdes fuyant les combats dans l’Irak
voisin, fait aussi réfléchir le
gouvernement en Turquie qui redoute les
retombées sur sa propre population
kurde.
La dernière vague d’indignation
internationale au sujet des armes
chimiques syriennes avait eu lieu en
juin dernier, après la défaite des
forces soutenues par l’Occident, dans la
ville stratégique de Qusayr, près de la
frontière libanaise, et qui avait coupé
une ligne d’approvisionnement clé des
milices anti-régime. C’est en réponse
directe à ces revers que le gouvernement
Obama avait publié ses conclusions
infondées selon lesquelles le
gouvernement Assad avait utilisé des
armes chimiques. Après avoir
précédemment déclaré que le recours à de
telles armes était « une ligne rouge »
qui conduirait à un changement de la
politique américaine en Syrie, le
gouvernement Obama avait annoncé que son
intention est de commencer à armer
directement les « rebelles ».
Alors que les récentes allégations ont,
comme on pouvait s’y attendre, entraîné
des appels à une intervention militaire
américaine directe, le commandement du
Pentagone ne semble guère enthousiaste
quant à une telle perspective.
L’Associated Press a fait état mercredi
d’un courrier adressé par le président
du Conseil des chefs d’état-major
interarmées américain, le général Marin
Dempsey, à un représentant démocrate du
Congrès qui préconise une telle
intervention, mettant en garde que ce
serait contre-productif vu que les
soi-disant rebelles ne serviraient pas
les intérêts américains s’ils
réussissaient à renverser Assad.
« J’estime que le côté que nous
choisissons doit être prêt à promouvoir
ses intérêts et les nôtres lorsque la
balance penchera en sa faveur.
Actuellement, ce n'est pas le cas, » a
écrit Dempsey au membre du Congrès Eliot
Engel de New York.
« Nous pouvons détruire la force
aérienne syrienne, » a dit le général. «
La perte de la force aérienne d’Assad
anéantirait sa capacité à attaquer les
forces d’opposition dans l’air mais elle
intensifierait aussi et engagerait
potentiellement davantage les Etats-Unis
dans ce conflit. En d’autres termes, ce
ne serait pas décisif sur le plan
militaire mais cela nous engagerait de
façon décisive dans le conflit. »
Le commandant américain conclut en
disant: « Le recours à la force
militaire américaine peut modifier
l’équilibre militaire mais il ne peut
pas résoudre les questions historiques
ethniques, religieuses et tribales
sous-jacentes qui sont en train
d’attiser ce conflit. »
Sur ce point le général n'est pas
honnête ; l’amer conflit sectaire en
Syrie n’est pas simplement le résultat
de questions « historiques sous-jacentes
», mais bien plutôt la conséquence
directe du conflit armé fomenté par
l’impérialisme américain et ses alliés
régionaux et de l'acheminement par leurs
soins de dizaines de milliers de
combattants islamistes étrangers dans le
pays. La crise à laquelle ces forces
sont actuellement confrontées n'a rien à
voir avec des armements inadéquats mais
plutôt avec l’hostilité grandissante de
la population à l’égard du bain de sang
sectaire qui est déchaîné en Syrie.
(Article original paru le 22 août 2013)
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Publié le 23 août 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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