Opinion
Washington
découvre des terroristes en Syrie
Bill Van Auken
Section du
Jabhat an-Nusra à Damas (extrait d’une
vidéo du groupe)
Jeudi 13
décembre 2012 Mardi
dernier, le département d’Etat américain
a officiellement qualifié d'«
organisation terroriste étrangère »
l’une des principales milices luttant
pour le renversement du régime syrien de
Bachar al-Assad.
Le groupe connu
sous le nom de Jabhat al-Nosra, ou le
front al-Nosra, est considéré par
beaucoup comme étant la force de combat
la plus efficace dans la lutte sanglante
en Syrie. Il a dernièrement envahi au
moins trois bases militaires syriennes
et pris le contrôle du territoire situé
dans la partie orientale du pays.
Lors d’une
conférence téléphonique mardi avec des
membres choisis des médias, un haut
responsable anonyme du Département
d’Etat a justifié cette qualification en
accusant al-Nosra de « centaines
d’attaques, près de 600, dans les
principaux centre-villes de par la
Syrie, au cours desquelles
d’innombrables Syriens innocents ont été
blessés et tués. »
Plus tôt, la
porte-parole du Département d’Etat
américain, Victoria Nuland, avait dit
dans un communiqué : « Al-Nosra a
cherché à se présenter comme
l’opposition légitime syrienne alors
qu’il s’agit en fait d’une tentative
d’AQI (Al-Qaïda en Irak) de détourner
les luttes de la population syrienne
pour ses propres desseins nuisibles. »
Lorsqu’il s’agit de
détournement, Washington est passé
maître en la matière. Depuis le
déclenchement des protestations en Syrie
il y a deux ans, il a travaillé pour
détourner le mécontentement populaire et
attiser une guerre civile sectaire pour
essayer de provoquer un changement de
régime et mettre en place un
gouvernement fantoche. Ceci fait partie
d’une stratégie plus générale d’imposer
l’hégémonie américaine sur des régions
géo-stratégiquement vitales et riches en
pétrole dans le Golfe persique et l’Asie
centrale. La Syrie est un élément
central dans cette campagne
impérialiste, en grande partie en raison
de ses liens étroits avec l’Iran que
Washington a identifié comme étant le
principal obstacle à la mise en place de
son contrôle néocolonial.
La signification
officielle de la qualification d’al-Nosra
comme une organisation terroriste est
que tout citoyen américain lui
fournissant de l’aide serait passible de
poursuites criminelles. Il est très
improbable que des inculpations soient
toutefois jamais prononcées car les
seuls Américains impliqués dans de
telles activités sont les agents secrets
de l’Agence centrale du Renseignement
(CIA).
Selon de nombreux
rapports parus dans les médias
américains et européens, al-Nosra et les
milices djihadistes sunnites identiques
sont les groupes les mieux armés et les
mieux équipés pour défier le régime
syrien. Tandis que l’armement et
l’approvisionnement viendraient en
grande partie du Qatar et d’Arabie
saoudite, les plus proches alliés de
Washington dans la région, la CIA a mis
en place au début de l’année en Turquie
un centre de commandement et de contrôle
dans le but de coordonner la répartition
de ces armes et de ce matériel aux «
rebelles » syriens.
Après la guerre
menée l’année dernière par les
Etats-Unis et l’OTAN pour le
renversement du régime de Mouammar
Kadhafi, d’autres armes et des
combattants étrangers ont afflué dans le
pays en provenance de la Libye. Comme en
Syrie, l’essentiel des combats y a été
effectué par des éléments djihadistes
qui étaient issus du Groupe islamique
combattant en Libye lié à al-Qaïda.
Comme on le sait,
grâce à une brouille manifeste entre des
responsables américains et une section
de ces combattants islamistes en Libye,
et qui a coûté la vie à l’ambassadeur
américain et à trois autres, la CIA
avait établi un quartier général secret
non négligeable dans la ville portuaire
de Benghazi à l’Est du pays. Il ne fait
pas de doute qu’une fonction clé de cet
avant-poste était de coordonner le flot
d’armes et de combattants vers la Syrie.
Les Etats-Unis ont
été directement impliqués dans le
soutien et l’armement d’éléments d’al-Qaïda
alors même qu’ils rejetaient comme étant
une « diversion » les accusations du
gouvernement syrien affirmant faire
l’objet d’attaques par le groupe
terroriste international. La
qualification par le Département d’Etat
revient à être une auto accusation
accablante. Washington, selon son propre
aveu, est une fois de plus démasqué
comme étant le plus important
commanditaire d’Etat du terrorisme.
En quoi cette
qualification cynique sert-elle les
intérêts américains ? Le moment choisi
est de la plus haute importance. Le rôle
joué par al-Nosra en Syrie a été durant
des mois largement couvert par les
médias et, selon des sources
gouvernementales, la secrétaire d’Etat,
Hillary Clinton, et ses assistants
avaient décidé de cette qualification il
y a un mois.
L’annonce,
cependant, a eu lieu un jour à peine
avant la convocation à Marrakech, au
Maroc, de la conférence des « Amis de la
Syrie ». La France, la Turquie et les
monarchies du Golfe ont déjà reconnu la
Coalition nationale des forces de
l’opposition et de la révolution comme
le « seul représentant légitime » du
peuple syrien et le président Obama lors
d’un entretien télévisé mardi a dit que
les Etats-Unis feraient de même. L’on
s’attend à ce que Washington fasse une
annonce officielle lors de la rencontre
à Marrakech, au Maroc.
Rien n’indique
cependant que la coalition soit
effectivement cela. Elle a été
raccommodée tant bien que mal le mois
dernier dans un hôtel de luxe à Doha
sous la direction du Département d’Etat
américain et de l’ambassadeur de
Washington en Syrie, Robert Ford. Son
chef, Ahmed Moaz al-Khatib, a été promu
par Washington et les médias occidentaux
comme étant la réincarnation de Gandhi,
et décrit comme un « modéré » et un «
unificateur. »
En réalité,
Al-Khatib partage les vue des Frères
musulmans syriens et est réputé pour
lancer des accusations sectaires
incendiaires contre des sectes non
sunnites. Son principal attrait de
dirigeant semble être sa longue et
étroite association avec la compagnie
pétrolière Shell.
En se distançant
d’al-Nosra avant la conférence,
Washington tente de créer les conditions
optimales pour intervenir plus
directement dans l’armement des «
rebelles » sous le prétexte d’aider
uniquement les soi-disant milices «
séculaires » et « démocratiques »
placées sous la direction de la
Coalition qui bénéficiera probablement
du statut de gouvernement transitionnel.
La qualification
sert un autre dessein, celui de fournir
un prétexte à une intervention
américaine directe. Les accusations non
fondées de Washington que le régime est
en train de planifier l’utilisation
d’armes chimiques contre la population
syrienne ont été suivies de communiqués
exprimant la préoccupation d’Omaba, de
Clinton et d’autres que de telles armes
pourraient tomber entre les mains de
forces liées à al-Qaïda. Le Pentagone a
déclaré que pour sécuriser de telles
armes, le déploiement de 75.000 soldats
serait nécessaire en Syrie.
La guerre en Irak a
été lancée sous le prétexte du danger
imminent que des « armes de destruction
massive » ne tombent entre les mains d’al-Qaïda.
Ce même prétexte est actuellement
préparé pour justifier une intervention
militaire directe en Syrie.
Ce qui ressort des
événements en Syrie et de l’ensemble du
bilan du militarisme américain dans la
région au cours de cette dernière
décennie est que tous les régimes ciblés
par Washington pour être renversés ont
été des régimes laïcs et hostiles à
al-Qaïda. L’effet d’une intervention
américaine a été d’accroître
considérablement l’influence d’al-Qaïda
en Irak, en Libye et en Syrie. Dans ces
deux derniers pays, les Etats-Unis ont
utilisé cette organisation islamiste
pour servir de force intermédiaire dans
des guerres visant un changement de
régime.
Les développements
survenus d’abord en Libye et maintenant
en Syrie ont mis à nu l’escroquerie de
la soi-disant « guerre contre le
terrorisme » initialement promue par
George Bush puis par Barack Obama. Il
est impossible de comprendre la
politique américaine au Moyen-Orient si
on ne reconnaît pas que l’impérialisme
américain est allié à al-Qaïda. Après
avoir aidé à fonder l’organisation
durant la guerre soutenue par les
Etats-Unis contre le régime
pro-soviétique en Afghanistan dans les
années 1980, il l’a utilisée, depuis les
attentats terroristes du 11 septembre,
comme bête noire pour justifier le
militarisme à l’étranger et les attaques
radicales contre les droits
démocratiques et les principes
constitutionnels sur le plan intérieur.
(Article original
paru le 12 décembre 2012)
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Publié le 13 décembre 2012 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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