Syrie
Préparant une
escalade de la guerre en Syrie,
le Pentagone déploie des forces
spéciales en Jordanie
Bill Van Auken
Léon
Panetta
Samedi 13 octobre
2012
En préparation pour
une intervention américaine directe en
Syrie et une guerre plus vaste au
Moyen-Orient, le Pentagone a déployé
secrètement une équipe spéciale de 150
militaires en Jordanie.
Le secrétaire à la
Défense, Léon Panetta, a confirmé
mercredi l’existence de l’unité de
forces spéciales, qui avait d’abord été
rapportée par le New York Times.
S’adressant aux médias à la conclusion
d’une rencontre de deux jours réunissant
les ministres de la Défense de l’OTAN à
Bruxelles, Panetta a affirmé, « Nous
avons un groupe de soldats là-bas qui
aide à bâtir un quartier général et qui
s’assure que la relation entre les
États-Unis et la Jordanie soit forte
afin que nous puissions faire face à
toutes conséquences des développements
en Syrie ».
Panetta a dit que
les forces américaines en Jordanie
avaient aussi pour tâche de sécuriser
les armes chimiques et biologiques en
Syrie. Le président Barack Obama a
déclaré que l’usage de telles armes
serait un « point de non-retour » après
lequel les États-Unis opteraient pour
une intervention militaire directe en
Syrie.
En Syrie, tout
comme en Irak il y a une décennie, la
soi-disant menace « d’armes de
destructions massives » est utilisée
comme prétexte pour une guerre
d’agression américaine.
L’article du New
York Times révèle que « l’idée
d’établir une zone tampon entre la Syrie
et la Jordanie – laquelle serait imposée
par les forces jordaniennes du côté
syrien de la frontière – a été discutée
en conjonction avec la mise en place de
l’avant-poste militaire américain, situé
près de la frontière syrienne. » La
création d’une telle zone ne serait
possible qu’en coordination avec une
intervention américaine massive.
Selon l’article du
New York Times, « l’avant-poste
près d’Amman pourrait jouer un rôle plus
large si la politique américaine
changeait » et que Washington décidait
de déclencher une telle intervention.
Pendant ce temps,
l’armée jordanienne a nié
catégoriquement la présence américaine.
L’agence de nouvelles de l’État
jordanien, Petra, a cité un porte-parole
des forces armées du pays disant : « Les
rapports de nouvelles voulant que les
États-Unis aident la Jordanie a faire
face aux réfugiés syriens ou aux dangers
en lien avec les armes chimiques sont
faux. Les forces jordaniennes sont en
mesure de faire face à toutes menaces ».
Le porte-parole a
ajouté que toute présence militaire
étrangère servait « à mener un exercice
militaire de routine annuel » et « n’a
rien à voir avec quelconque conflit ou
développement régional ».
Le précédent
déploiement secret américain en Jordanie
remonte à mai dernier, lorsque le
Pentagone a envoyé des troupes
américaines au pays, y compris des
unités de forces spéciales, dans le but
de participer à des exercices militaires
conjoints. L’opération avait comme nom
de code Operation Eager Lion. Ensuite,
une centaine de membres de l'armée sont
restés sur place et ont été rejoints par
des douzaines d’autres qui ont été
amenés par avion. L’équipe spéciale,
selon le New York Times, est
dirigée par un « officier américain
sénior ».
Les quartiers
généraux de ces forces spéciales sont
situés dans une base militaire
jordanienne érigée dans une carrière
abandonnée, au nord de la capitale
Amman. Se trouvant à seulement 55 km de
la frontière syrienne, il s’agit du
contingent de l’armée américaine le plus
près des sites de la guerre civile
syrienne. Dans cette guerre, Washington
donne son soutien à toute une série de
milices islamistes et sectaires qui
mènent une campagne par procuration pour
renverser le président Bachar Al-Assad
et le remplacer par un régime plus
servile envers les États-Unis.
Ce déploiement
militaire en Jordanie suit le modèle
établi par la CIA à la base aérienne
américaine d'Incirlik en Turquie, où
l'agence a mis en place un poste de
commandement qui lui permet d'équiper
les armées de soi-disant rebelles
syriens en armes et en munitions qui
proviennent de la Turquie, de l'Arabie
saoudite, du Qatar et d'autres
monarchies sunnites du golfe Persique.
L'article du New
York Times semble indiquer que la
principale préoccupation du contingent
militaire américain en Jordanie a été de
gérer l'afflux de quelque 180.000
réfugiés de la Syrie voisine.
« Les membres des
forces spéciales américaines passent la
majeure partie de leur temps à effectuer
des tâches de logistique avec l'armée
jordanienne — par exemple, trouver le
moyen de déplier des tonnes de
nourriture, d'eau et de latrines à la
frontière, et former l'armée jordanienne
pour qu'elle puisse s'occuper des
réfugiés », selon le New York Times.
L'article ne tente
pas d'expliquer pourquoi l'armée des
États-Unis serait si apte à offrir de
l'aide aux réfugiés, elle qui a en
justement créé des millions au cours des
guerres américaines en Irak et en
Afghanistan.
La Jordanie a
traité si brutalement les réfugiés
provenant de la Syrie que des émeutes
ont éclaté. Des manifestations ont été
réprimées par des policiers lourdement
armés au camp de réfugiés de Zaatari
érigé en plein désert.
« Les responsables
américains au courant de l'opération »,
qui ont parlé au journal sans révéler
leur identité, tentent d'offrir un
prétexte humanitaire aux préparatifs
d'une nouvelle explosion du militarisme
américain dans la région.
Si Washington et le
Pentagone se préoccupent de l'arrivée de
réfugiés en Jordanie c'est parce que,
d'une part, ils pourraient les utiliser
comme prétexte à une intervention, et
aussi, ils pourraient venir intensifier
la crise politique de la monarchie
jordanienne, qui est à la tête d'un des
États clients américains les plus
serviles de la région.
Dans un rapport
publié la semaine dernière, le
Congressional Research Service (CRS), la
branche de recherche non partisane du
Congrès américain, a admis : « Le roi
Abdoullah II fait face à une opposition
de plus en plus confiante qui le
critique aujourd'hui ouvertement,
surtout dans le contexte où la Jordanie
continue d'avoir un taux de chômage et
de sous-emploi élevé, ainsi qu'un
important déficit financier. Les
manifestations de faible envergure sont
maintenant chose courante en Jordanie,
et pas seulement dans la capitale Amman,
mais aussi dans les régions tribales
rurales au sud, considérées précédemment
comme des bastions de soutien pour le
gouvernement. Même si les demandes
d'ordre économique demeurent les plus
importantes, la corruption dans les plus
hautes sphères de la société et les
assauts incessants sur les libertés
politiques sont aussi source
d'agitations. »
Le vendredi 5
octobre, des dizaines de milliers de
personnes ont manifesté à Amman. Les
protestataires scandaient : « Le peuple
veut que le régime s'en aille » et sur
des pancartes on pouvait lire : « À bas
les gouvernements non élus » et « Nous
préférons mourir plutôt que de vivre
humiliés. »
Pendant que croît
l'opposition interne au régime
jordanien, les États-Unis augmentent
l'aide dont dépend ce dernier. Selon le
rapport du CRS, durant la présente année
financière, Washington fournit 360
millions de dollars en soutien
économique et plus de 300 millions en
aide militaire. Depuis 1951, les
États-Unis ont consacré quelque 13,1
milliards de dollars pour soutenir la
monarchie hachémite au pays.
Les révélations sur
la base militaire secrète en Jordanie
indiquent une fois de plus combien les
préparatifs des États-Unis pour une
nouvelle guerre encore plus dévastatrice
au Moyen-Orient sont avancés.
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Publié le 14 octobre 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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