Opinion
Obama et Al-Qaïda
Bill Van Auken
Mercredi 12
décembre 2012 Les
ministres des Affaires étrangères de
l'OTAN qui se sont réunis à Bruxelles
mardi 4 décembre ont approuvé la demande
de la Turquie de déployer des batteries
de missiles Patriot et des centaines de
soldats américains et d'autres
nationalités à la frontière entre ce
pays et la Syrie. Le déploiement
marquera le franchissement d'un seuil
dans la guerre voulue par les États-Unis
pour un changement de régime en Syrie,
ouvrant la voie, à la manière de ce qui
s'est passé en Libye l'an dernier, à une
intervention directe des États-Unis et
de l'OTAN.
La Turquie, qui a
joué un rôle de premier plan dans
l'approvisionnement d'armes, d'argent,
de combattants étrangers et d'aide
logistique aux prétendus "rebelles" qui
cherchent à faire tomber le gouvernement
du Président Bashar el-Assad, a justifié
sa demande en affirmant qu'elle est
menacée par la Syrie qui pourrait
utiliser des missiles sol-sol armés de
têtes chimiques.
Au cours d'une
campagne évidemment coordonnée,
l'affirmation sans preuve de la Turquie
de l'existence d'une menace aux armes
chimiques de la part de la Syrie a été
amplifiée par des allégations du
gouvernement américain et des principaux
médias américains. Le New York Times
et CNN ont cité de mystérieux «
renseignements » sur des mouvements
supposés d'armes chimiques en Syrie.
Cela a été mêlé à des menaces du
Président Barack Obama et de la ministre
des Affaires étrangères Hillary Clinton,
qui ont parlé d'une « ligne rouge » dont
la Syrie s'approcherait et qui
entraînerait une intervention militaire
américaine directe.
Si la population
américaine ressent une étrange
impression de déjà-vu, il y a à cela de
bonnes raisons. Pour la deuxième fois en
dix ans, Washington menace de lancer une
guerre au Moyen-Orient sans y avoir été
provoqué en s'appuyant sur des
«renseignements » douteux concernant «
des armes de destruction massive. »
Il y a cependant
une différence très significative entre
la manière dont cette histoire est
présentée par le gouvernement Obama et
la manière dont elle l'avait été par
George W. Bush. Les mensonges utilisés
pour justifier la guerre contre l'Irak
comprenaient des affirmations non
seulement sur des armes de destruction
massives irakiennes inexistantes, mais
aussi sur le risque supposé que ces
armes tombent entre les mains de
terroristes d'Al-Qaïda, entraînant de
nouvelles attaques de l'ampleur de celle
du 11 septembre. Le gouvernement d'Obama
ne fait aucune mention de ce genre de
menace.
Ce qui rend cela
aussi extraordinaire c'est qu'alors que
les allégations sur une présence
d'Al-Qaïda en Irak étaient complètement
fausses, il est devenu évident que des
groupes liés à Al-Qaïda et des
combattants étrangers jouent un rôle
décisif dans les événements en Syrie.
David Ignatius,
chroniqueur du Washington Post
sur les sujets de politique étrangère, a
écrit lundi que Jabhat al-Nusra, une
milice islamiste liée à Al-Qaïda,
dispose maintenant de 10 000 combattants
sur le terrain en Syrie et constitue «
le bras le plus agressif et le plus
auréolé de victoires des forces
rebelles. »
De même, David
Enders de McClatchy Newspapers,
dans un reportage depuis la Syrie, a
écrit que Jabhat al-Nusra « est devenu
essentiel pour les opérations sur le
front des rebelles qui se battent pour
faire tomber Assad. »
« Non seulement le
groupe conduit toujours des attaques
suicides qui ont tué des centaines de
gens, mais ils se sont révélés d'une
importance cruciale dans l'avancée
militaire des rebelles. » Enders
continue. « Bataille après bataille à
travers le pays, Nusra et des groupes
similaires se chargent des combats les
plus durs sur le front. »
Ces forces liées à
Al-Qaïda ont pris des bases militaires
syriennes ces dernières semaines,
exécutant des conscrits non armés qu'ils
avaient faits prisonniers. Le risque
qu'ils puissent avoir accès à des armes
chimiques est bien réel.
Si le gouvernement
d'Obama est silencieux sur ce point,
c'est parce que les forces d'Al-Qaïda en
Syrie servent d'intermédiaires aux
Américains dans la guerre pour un
changement de régime. Ils ont été armés
jusqu'aux dents par la CIA et les alliés
arabes de Washington, notamment le Qatar
et l'Arabie saoudite, et se sont lancés
dans une guerre civile brutale entre
sectes qui vise à détruire le pays et
créer les conditions nécessaires pour
que les États-Unis imposent un régime à
leur botte.
Plus largement,
Washington cherche à attiser les forces
islamistes sunnites dans toute la région
dans le cadre d'un conflit sectaire
visant à affaiblir l'influence de l'Iran
à majorité Chiite et à préparer une
guerre contre ce pays de 76 millions
d'habitants, riche en pétrole.
L'alliance entre
Washington et Al-Qaïda en Syrie était
préfigurée par une relation semblable
établie l'an dernier durant la guerre de
l'OTAN pour faire tomber le régime du
Colonel Mouammar Kadhafi en Libye, au
cours de laquelle des éléments du Groupe
islamique combattant en Libye, lié de
longue date à Al-Qaïda, ont servi de
fantassins à l'OTAN. Les islamistes
libyens sont devenu un éléments clef des
combattants étrangers opérant maintenant
en Syrie, pendant que de grandes
quantités d'armes prises dans les stocks
libyens ont été envoyée aux milices
liées à Al-Qaïda luttant contre le
régime d'Assad.
Cette dépendance
sur de telles forces n'est pas sans
risque d'un «contrecoup », cela a été
prouvé par l'assaut de septembre dernier
contre le consulat américain et une
installation secrète de la CIA à
Benghazi. Il ne fait aucun doute que
Washington perçoit une menace semblable
en Syrie, mais croit qu'il pourra
s'occuper des islamistes plus tard, une
fois qu'ils auront rempli leur mission :
saigner la Syrie et faire tomber Assad.
Les événements
syriens, comme la guerre en Libye avant
cela, ont servi à révéler au grand jour
la « guerre contre le terrorisme »
américaine comme étant un mensonge
éhonté.
L'impérialisme
américain est revenu à son point de
départ dans son soutien à Al-Qaïda,
l'organisation terroriste islamiste
qu'il avait initialement encouragée dans
les années 1980 pour faire tomber le
régime pro-soviétique en Afghanistan,
lorsque Ousama Ben Laden collaborait
intimement avec la CIA. Tout en
affirmant lutter contre le terrorisme,
Washington soutient une guerre
terroriste en Syrie, avec son lot
d'attentats suicides, de voitures
piégées explosant dans des quartiers
civils, et d'escadrons de la mort
sectaires.
Bien sûr, les
affirmations antérieures sur les guerres
d'Afghanistan et d'Irak censées éliminer
Al-Qaïda étaient elles-mêmes des
mensonges. En Afghanistan, l'armée
américaine et les responsables des
renseignements admettent facilement
qu'il n'y a pratiquement aucune présence
d'Al-Qaïda, et en Irak, l'impérialisme
américain est intervenu pour faire
tomber un régime laïc qui était un grand
ennemi des terroristes islamistes.
Les guerres dans
ces deux pays, tout comme l'intervention
militaire plus récente en Libye et en
Syrie, ont été menées pour établir
l'hégémonie américaine sur ces régions
de l'Asie centrale et du Golfe persique
d'une importance stratégique vitale et
contrôler leurs vastes ressources
énergétiques.
Aidée et soutenue
par des grands médias aux ordres,
l'élite dirigeante américaine a utilisé
la fiction que l'Amérique est engagée
dans une bataille sans fin contre les
terroristes afin d'accorder à Washington
et à son appareil militaire et du
renseignement, l'autorisation de mener
des agressions militaires à l'étranger
et un assaut frontal contre les droits
démocratiques à l'intérieur du pays.
Avec l'intervention
en Syrie, ce prétexte idéologique, qui
joue un rôle tellement crucial dans la
politique américaine depuis plus de dix
ans, est réduit en miettes.
(Article original
paru le 5 décembre 2012)
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Publié le 12 décembre 2012 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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