Opinion
Le professeur Cole
jubile à propos du meurtre de Kadhafi
Bill
Van Auken
Mardi 1er novembre 2011
La guerre Etats-Unis/OTAN contre la
Libye qui a duré huit mois et culminé
dans le siège barbare de la ville
méditerranéenne côtière de Syrte et le
lynchage abominable du dirigeant évincé
du pays, le colonel Mouammar Kadhafi,
avait été soutenue dès le début par un
bon nombre de partis politiques à
travers le monde, qui se disent de
« gauche » et par le milieu
socio-politique de la classe supérieure
qui constitue leur électorat clé.
Aux Etats-Unis, ce phénomène est lié
au soutien accordé par ces partis et par
ce milieu au gouvernement démocratique
du président Barack Obama, alors même
que celui-ci commet des agressions
partout dans le monde et adopte
l’assassinat comme principal instrument
politique.
Parmi les représentants les plus en
vue de cette tendance figure le
professeur d’histoire du Moyen-Orient de
l’université du Michigan, Juan Cole, qui
se fait passer pour un expert de la
Libye tout en promouvant sans aucun
discernement la guerre de propagande du
gouvernement Obama et de l’OTAN.
La réputation de Cole, qui se
qualifie lui-même de « gauche », découle
de son rôle de critique partiel à
l’égard des faux prétextes pour la
guerre contre l’Irak du gouvernement
Bush. Une fois celle-ci lancée, il avait
appuyé l’invasion américaine en la
décrivant comme « valant les
sacrifices » – qui ont réclamé à présent
la vie d’environ un million d’Irakiens –
faits pour débarrasser le monde de
Saddam Hussein.
De la même manière, Cole avait
déclaré dès le début de la guerre
actuelle que « si elle réussissait à
nous débarrasser du régime meurtrier de
Kadhafi en permettant aux Libyens
d’avoir une vie normale, elle vaudra
bien les sacrifices en vies et en
biens. » Il avait ajouté, « Si l’OTAN a
besoin de moi, je suis prêt. »
Ses discours et ses écrits sur
l’intervention libyenne ont été une
écoeurante opération de justification de
la guerre qui a été, sans nul doute,
fomentée par les Etats-Unis et les
autres grandes puissances, dans la
poursuite d’intérêts stratégiques et de
profit. En exploitant la situation créée
par les soulèvements en Tunisie et dans
l’Egypte voisines et en suscitant
délibérément des protestations en Libye
dans le but de créer les conditions d’un
changement de régime, les puissances
occidentales sont principalement
intervenues pour établir fermement leur
emprise sur les énormes
approvisionnements de pétrole et de gaz
du pays et pour refuser à leurs rivaux
en Russie et en Chine de s’y implanter.
Cole a nié avec persistance que
l’impérialisme américain et ses alliés
européens occidentaux étaient intervenus
en Libye pour d’autres motifs que les
simples droits humains, la protection
des civils et la promotion de la
démocratie.
Son dernier article intitulé « Le
Temple du peuple de Kadhafi, » démasque
Cole comme un personnage en train de
virer violemment et toujours plus
hardiment à droite.
Le thème étrange de son essai est une
comparaison faite entre le siège
sanglant de Syrte et le lynchage de
Kadhafi avec le suicide de masse commis
en 1978 au Guyana par des membres du
Temple du peuple dirigé par Jim Jones.
En quoi la résistance de Kadhafi à
une opération des Etats-Unis et de
l’OTAN en vue d’un changement de régime
correspond-elle à un suicide masse par
une secte religieuse ? Selon Cole,
résister à une défaite inévitable était
« suicidaire », était l'exercice de
« l’irrationalité » et du « fanatisme. »
« A plusieurs reprises, un exile à
l’étranger [sic] avait été offert à
Kadhafi, » écrit Cole, « mais il a filé
en douce dans sa ville natale de Syrte
pour un ultime combat suicidaire. »
Il rend les forces fidèles au
dirigeant libyen, décrites comme des
« sbires au regard vitreux »,
responsables de la destruction de Syrte
et ce, bien que la destruction de cette
ville de 120.000 habitants réduite en
cendres et le meurtre et la mutilation
d’un nombre incalculable de ses
habitants aient été l’œuvre d’une
campagne de bombardement continue de
l’OTAN, suivie du pilonnage de la ville
par les « rebelles » soutenus par
l’OTAN.
En fait, les Etats-Unis et l’OTAN ont
fait à Syrte précisément le genre de
siège qu’ils avaient affirmé vouloir
empêcher par leur intervention.
Quant au meurtre de Kadhafi, qui a
été révélé par de nombreuses vidéos de
téléphones portables sur Internet être
un lynchage, Cole l’exclut en avançant
d’autres explications selon lesquelles
le dirigeant libyen est mort « au
combat » ou a été tué en tentant de
s’échapper.
Cole rejette les nombreux rapports
sur les tensions existant entre les
différentes régions et les milices
armées qu’elles ont formées – ainsi que
les preuves que divers pouvoirs, tant
les Etats occidentaux que les Etats
arabes du Golfe, interviennent pour les
attiser – en insistant pour dire que la
guerre libyenne est une « victoire pour
la Quatrième Vague de démocratisation. »
En réponse à cet article, l’un de ses
lecteurs a écrit, « Je continue de voir
des rapports selon lesquels les rebelles
ont massacré des Libyens noirs et que
Tawergha [une ville au Sud de Misrata
qui a une population majoritairement
noire] a été rayée de la carte.
Pouvez-vous élaborer sur ces
questions ? »
La réponse de Cole est glaçante :
« Il y a très peu de Libyens noirs… Ce
n’est pas une question importante. »
En réalité, les Libyens noirs,
ajoutés aux plus de deux millions de
travailleurs noirs africains immigrés,
dont bon nombre vivaient en Libye depuis
des années, constituent à peu près un
tiers de la population. Dans son
enthousiasme sanguinaire pour la
victoire impérialiste, Cole est
totalement indifférent au fait que des
milliers de ces gens ont été assassinés,
torturés et emprisonnés à cause de la
couleur de leur peau.
La conclusion du professeur est
triomphaliste et contredit ses propres
affirmations que la seule raison de la
guerre libyenne était celle des droits
humains.
"Ceux disposant
de capital d’investissement et qui
ignorent la Libye en raison de telles
préoccupations excessives [de conflits
imminents] ne feront que rater une bonne
occasion, » écrit-il. « Le Conseil
national de transition a maintenant
besoin de notre soutien, et la nouvelle
Libye libérée se souviendra de qui
étaient ses amis en ces temps
incertains. Les taureaux sont lâchés en
Tripolitanie et dans la
Cyrénaïque. »
En d’autres termes, on peut faire
confiance à un régime qui vient au
pouvoir en qualité de client de
Washington et de l'OTAN pour obtenir des
accords pétroliers à des conditions bien
plus lucratives que sous le gouvernement
évincé de Gadhafi. On peut aussi compter
sur lui pour l'obtention de contrats
juteux pour la reconstruction de
l'infrastructure massivement détruite
par les bombardements de l'OTAN.
Ce qui mérite d’être souligné ici, et
qui est politiquement significatif,
c’est l’identification éhontée d'un
professeur d’université qui se décrit
lui-même comme étant de « gauche » avec
une opération impérialiste brutale, une
recolonisation et un meurtre.
Les écrits et les activités de Cole
sont emblématiques du mouvement vers la
droite opéré par une couche
d’universitaires qui ont été à la fois
profondément corrompus par le climat
politique aux Etats-Unis et en Europe
occidentale et leur propre ascension
sociale dans les classes moyennes
supérieures.
Il y a plus que des relents de
fascisme dans les écrits de Cole. C’est
quelqu’un qui est emballé par sa
capacité de s’insinuer dans les bonnes
grâces de ceux qui sont au pouvoir – en
vantant ses briefings des services
secrets et des militaires – de par sa
capacité à jouer un rôle, même si ce
n’est qu’indirectement, dans la
brutalité et les meurtres perpétrés par
l’impérialisme américain. Avec la Libye,
il croit évidemment se sentir dans son
élément.
Dans les conditions d’une crise
sociale qui s’aggrave, d’une
polarisation sociale grandissante et
d’une lutte des classes naissante en
Amérique et internationalement, une
telle évolution revêt une signification
historique profonde.
Durant les années 1920, dans
l’Allemagne de Weimar, il y avait eu un
grand nombre d’universitaires et
d’intellectuels allemands qui avaient
entamé une évolution vers la droite qui
se termina par leurs cris, dix ans plus
tard , de « Sieg Heil ! » Des individus
tels Martin Heidegger et Carl Schmitt
étaient en vue au sein de cette couche
qui trouvait aussi une attirance
malsaine pour la violence et les
meurtres nazis.
Avant qu’un régime autoritaire ne
puisse venir au pouvoir en Amérique,
l’élite dirigeante a besoin des services
d’universitaires et de lumpen-intellectuels
comme Cole pour contribuer à jeter les
bases idéologiques et à préparer
l’opinion publique à devenir les
défenseurs et les justificateurs des
crimes de l’Etat.
Le fait que Cole se prétende « homme
de gauche » devient de plus en plus
absurde. Parmi un nombre croissant de
gens qui sont au courant de son rôle, la
simple mention de son nom suscite des
sentiments de dégoût politique. Il y a,
pour le dire franchement, une odeur
désagréable qui accompagne sa réputation
intellectuelle.
Voir aussi:
La Libye, l’impérialisme et la
prosternation des intellectuels de «
gauche » :
Le cas du professeur Juan Cole
[16 avril 2011]
Lettre ouverte au professeur Juan Cole:
réponse à une diffamation
[20 août 2011]
Le professeur Cole « répond » au WSWS
sur la Libye: un aveu de faillite
intellectuelle et politique
23 août 2011]
(Article original paru le 25 octobre
2011)
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Publié le 1er novembre 2011 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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