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Etats-Unis et Iran

Les dangers de la crise du nucléaire
Bill et Kathleen Christison

Bill et Kathleen Christison, tous deux anciens analystes de la CIA, craignent que Bush ne mette à profit les derniers mois de son mandat pour attaquer l’Iran. Ils se livrent à une analyse détaillée des enjeux du dossier nucléaire iranien, et appellent de leurs voeux la création d’un instance sous l’égide de l’ONU chargée d’oeuvrer en faveur du désarmement et de coordonner l’action contre les crises. Mais dans l’immédiat, disent-ils, il faut manifester sans relâche contre la possibilité d’une intervention militaire.

Jour après jour, nous avons entendu des responsables israéliens, de portes paroles du lobby israélien aux Etats-Unis et des soutiens d’Israël au Congrès affirmer que l’Iran ne « devra » jamais se procurer l’arme nucléaire. Le 3 mars 2008, les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies ainsi que neuf des dix membres non permanents ont approuvé une nouvelle série de sanctions contre l’Iran. Le résultat du vote final de 14 à 0 avec une abstention (L’Indonésie, une nation musulmane), est une autre victoire à l’ONU pour les partenaires que sont Israël et les Etats Unis.

Le spectacle des cinq membres « permanents, » selon la hiérarchie surannée du Conseil de Sécurité - qui tous refusent d’éliminer leurs armes nucléaires - exerçant le « deux poids deux mesures » à l’encontre de l’Iran ne soulève que bien peu d’intérêt de la part des médias américains.

L’Iran, qui est une nation fière, située au cœur d’une région ou la règne la fierté, ne voit là qu’absurdité et discrimination à son égard alors que les nations voisines de l’Inde, du Pakistan et d’Israël ont mis au point leurs propres armes nucléaires sans en être empêchées par les Etats-Unis.

L’arme nucléaire israélienne lui est particulièrement difficile à admettre dans la mesure ou les Iraniens savent qu’Israël, qui est un ennemi mais également un bien petit pays, l’a acquise voila 40 ans, beaucoup plus tôt que l’Inde ou le Pakistan. La plupart des Iraniens savent aussi qu’Israël n’y est parvenu que grâce à l’aide d’institutions publiques et / ou privées des USA. Tout ceci n’est perçu que comme un nouvel exemple du favoritisme des États-Unis pour Israël et de leur agressivité envers l’Iran.

La crise actuelle ne concerne même pas la production réelle d’armes nucléaires par l’Iran, mais l’ « enrichissement » d’uranium naturel, consistant à obtenir un pourcentage plus élevé d’un isotope particulier de l’uranium, l’U-235, que l’on trouve dans la nature lorsque le minerai appelé « Uranium » est extrait. C’est cet enrichissement qui fournit le composant le plus difficile à obtenir de tous ceux utilisés dans la fabrication des armes nucléaires. À l’état naturel, le minerai brut contient également d’autres isotopes d’uranium, et contient généralement moins de 1% d’U-235. Lorsqu’il est concentré à environ 3% d’U-235, l’uranium est largement utilisé dans les modèles courants de réacteurs nucléaire destinés à la production d’électricité. Concentré à des niveaux beaucoup plus élevés -90% est le chiffre le plus souvent cité - le matériau devient de « qualité militaire » et peut être utilisé dans les armes nucléaires.

Le matériel utilisé dans ce processus d’enrichissement est non seulement compliqué à construire, à gérer et à entretenir, mais il exige également de grandes quantités d’énergie électrique pour fonctionner. Mais tout cela reste à la portée de nombreuses nations et, sans doute de plus en plus fréquemment, à des entités non nationales.

L’Iran aujourd’hui possède, a testé, et utilise tout le matériel nécessaire, et il dispose de la puissance électrique requise pour produire de l’uranium enrichi. Il fait valoir qu’il a déjà atteint un niveau d’enrichissement de l’ordre de quatre pour cent d’U-235, au début des tests. Il affirme également qu’il ne veut pas d’armes nucléaires et va utiliser l’uranium enrichi pour produire seulement de plus grandes quantités d’énergie électrique pour le pays dans une série de centrales nucléaires.

Mais si on choisit de considérer que l’Iran veut vraiment des armes nucléaires, intervient alors un autre élément dans cette équation, qui est la facilité avec laquelle le processus d’enrichissement peut être converti pour produire de l’uranium militaire.

Divers experts occidentaux estiment communément que si une nation ou un groupe est capable de franchir les difficultés rencontrées dans le passage d’un enrichissement de moins de 1% à 3 ou 4%, dans ce cas les problèmes techniques supplémentaires lors du passage de 3-4% à 90% d’enrichissement ne sont pas insurmontables.

La conception et la fabrication de l’engin explosif, puis du vecteur emportant l’arme, ne seraient pas une tâche simple, mais ne serait pas non plus terriblement difficile. Tenter de produire une estimation précise de la durée nécessaire pour l’ensemble du processus est en général inutile. Trop de variables entrent en ligne de compte. Toutes ces estimations dépendent fortement des types de vecteurs disponibles, du degré de précision sur la cible exigé, et du nombre ou de l’absence de systèmes redondants et de sécurité nécessaires pour prévenir un emploi non autorisé ou accidentel.

En ce qui concerne l’Iran, une estimation de trois ou quatre ans serait probablement correcte.

Bien que les Etats-Unis, suivis par d’autres nations, exigent que l’Iran cesse toute production d’uranium enrichi, le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP), qui est entré en vigueur en 1970, n’interdit à quiconque d’enrichir l’uranium à des fins pacifiques. L’Iran, comme cela a déjà été indiqué, affirme que qu’il ne fait pas autre chose et que n’existent aucune preuves du contraire.

Toutefois, les États-Unis comme la plupart des autres signataires du traité qui possèdent déjà des armes nucléaires, n’ont fait aucun effort sérieux pour tendre vers un désarmement général à l’échelle mondiale comme cela est prévu par le TNP. Le traité, bien sûr, ne définit pas de calendrier ou de délais pour cet objectif. Mais le fait que les grandes puissances qui ont signé le traité n’ont même pas encore commencé les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire depuis 38 ans fournit à l’Iran une bonne excuse, si il en a besoin d’une, pour abroger sa participation au traité. Et un beau jour, l’Iran pourrait le faire.

Le fait qu’Israël, l’Inde et le Pakistan, qui ont refusé de signer le traité dès le début, soient devenus des puissances nucléaires avérées, fournit aux dirigeants de Téhéran une excuse supplémentaire pour sortir du TNP s’ils le souhaitent.

Bien que certains partisans de l’établissement d’un empire américain s’expriment sur la nécessité de transformer le système mondial, le monde d’aujourd’hui est encore composé d’Etats juridiquement indépendants, où le nationalisme est la force dominante qui sous-tend les relations entre les États.

Dans un tel monde, il est logique de supposer que les dirigeants iraniens veuillent déjà obtenir en secret des armes nucléaires ou vont bientôt le faire. Ils n’accepteront pas indéfiniment que le petit état d’Israël bénéficie d’un droit à l’arme nucléaire supérieur à celui dont ils disposent. Pas plus qu’ils accepteront que les USA, bien plus forts, jouissent d’un droit supérieur en la matière. Sauf à être brutalement contraints de plier devant l’alliance entre Israël et les USA, aucun dirigeant iranien ne peut accepter de telles vues.

Il est fréquemment suggéré que la seule solution pour le problème du nucléaire au Moyen Orient réside dans la possibilité de négocier une zone dénucléarisée dans la région (incluant Israël), voire même éventuellement d’un monde dénucléarisé. Et ceux qui font de telles suggestions citent souvent des sondages ou des enquêtes montrant que la majorité des peuples dans le monde entier soutiennent ces idées.

Le drame, c’est que pour le moment la confiance ne règne tout simplement pas assez entre les gouvernements de la planète, ou même à l’échelle d’une région de celle-ci. Prenons l’exemple des seuls États-Unis, ou du partenariat américano-israélien. Il est inconcevable que le gouvernement actuel de l’un des partenaires soit en mesure ne serait-ce que de commencer les négociations sur l’élimination de ses armes nucléaires, quelles qu’en soient les avantages éventuels qui pourraient en découler. Il en est de même, à un degré variable, pour la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne, la France, l’Inde et le Pakistan.

Cependant, même en ce temps de méfiance, les Nations Unies devraient mettre en place une conférence permanente d’experts au niveau des ambassadeurs, portant sur les « Crises Globales et le Désarmement ». Une fois mise en place et active, le porte-parole de cette conférence pourrait attirer l’attention de l’opinion publique, au fil des jours, sur la relation existant entre les dépenses d’armement et les trois grandes crises auxquelles le monde fera face qui sont l’énergie, le climat et l’eau. Ces trois crises rendront de plus en plus nécessaire pour les peuples du monde de travailler ensemble pour les surmonter et pour réduire de façon drastique le gaspillage scandaleux des dépenses militaires d’un trop grand nombre de nations.

La tâche immédiate de cette Conférence devrait être de définir les points d’accord et de désaccord en ce qui concerne le désarmement ainsi que sur les trois autres questions, et ceci dans les différentes régions du monde.

La présidence devrait être confiée à un très haut responsable de l’ONU, et l’originalité de cette institution, née de sa permanence, devrait être signalée avec force à chaque intervention publique.

Il est probable que d’ici peu, des événements nouveaux et imprévus se dérouleront dans le domaine de ces trois crises, qui auront pour effet d’intensifier la prise de conscience - tout au moins chez quelques-uns - au sujet du gaspillage actuel des dépenses militaires.

De nouvelles et coûteuses difficultés apparaissant dans l’un des trois domaines pourraient même conduire en fort peu de temps à l’apparition d’une opposition mondiale manifestant son aversion pour de nouvelles dépenses d’armement nucléaire.

Personne ne peut prévoir quels seront les grands changements dans la vie quotidienne, qui seront provoqués par les trois crises, mais nous devons, du mieux que nous le pouvons, travailler au changement plutôt que de porter atteinte à l’harmonie entre les peuples du monde.

Nous devrions tous tenter d’utiliser les circonstances de ces crises afin d’encourager chacun à penser d’abord en tant que citoyens du monde, ensuite seulement en tant que citoyens d’une nation ou d’une région.

Mais rien de tout ceci ne porte sur le présent - ni sur la période des tout derniers mois de la présidence Bush. Dans la mesure où les Républicains et leurs imitateurs Démocrates au Congrès refusent de destituer Bush et Cheney, le danger d’une guerre contre l’Iran fomentée par les Etats-Unis et Israël demeure réel.

L’état actuel de suremploi des forces terrestres américaines, et la volonté probable de Bush de ramener les armes nucléaires tactiques au rang d’armes ordinaires, implique que la guerre ne serait pas terrestre, mais commencerait par de grandes attaques aériennes et par un usage immédiat des armes nucléaires.

Le résultat à plus long terme de cet emploi des armes nucléaires serait tout à fait désastreux, à la fois pour le monde et pour les Etats-Unis même si les résultats immédiats pourraient être considérés comme une victoire rapide et peu coûteuse pour les Etats-Unis.

Si cette apparente victoire militaire survenait avant l’élection présidentielle américaine de novembre 2008, elle garantirait sans doute une victoire électorale Républicaine. Compte tenu de l’intérêt que porte Bush à la place qu’il occupera dans l’histoire, un tel scénario pourrait facilement convenir à son instinct de joueur.

Les protestations, qui doivent être bruyantes et nombreuses, semblent être la seule arme dont nous disposions pour réduire le risque qu’un tel scénario n’advienne réellement. Faisons nous entendre, faisons le au niveau mondial, et faisons le tous les jours.

Martelons ce message par le biais de tous les moyens auxquels nous pouvons accéder, y compris la musique et la littérature. Répétons partout que les gens ordinaires, à travers le monde, NE VEULENT PAS QUE LES USA ET ISRAEL TUENT UNE SEULE PERSONNE EN IRAN, indépendamment de l’état du programme nucléaire militaire de l’Iran.

Bill Christison était un haut fonctionnaire de la CIA. Il a servi comme officier de la National Intelligence et en tant que directeur du Bureau Régional et de l’Analyse Politique de l’Agence.

Kathleen Christison est une ancienne analyste politique de la CIA et a travaillé sur les questions du Moyen-Orient pendant 35 ans. Elle est l’auteur de « Perceptions de Palestine » et de « La Blessure de la dépossession. »

 



Source : Alternatives International
http://alternatives-international.net/...


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