Syrie
La Syrie, attaquée
de toutes part, résiste
Bernard Ripert, Damien Viguier, Fabrice
Delinde, Pascal Junot
Mardi 15 octobre 2013
Avocats
signataires en mars 2013 d’un appel
pour la paix en Syrie, nous avons
répondu positivement à l’invitation
qui s’en est suivie de la part notre
confrère, le bâtonnier de Damas
Skaif Nizar, et nous étions en Syrie
du 6 au 13 octobre.
Nous ne sommes allés qu’à Damas,
au centre-ville, avec une incursion
dans un quartier qui venait de subir
la chute d’une roquette (il semble)
faisant 11 (voire 21) morts. Mais la
veille de notre départ nous avons
été témoins d’un attentat à quelques
mètres de notre hôtel. Il y a donc
des explosions de temps en temps.
Les habitants de Damas luttent en
continuant de vivre comme si de rien
n’était, même si c’est difficile.
Nous avons rencontré des familles
en deuil, des militaires, des
blessés ; des écrivains, des
journalistes ; des confrères
(avocats) ; des associations et des
hommes politiques indépendants du
parti Baas, dont le vice-président
nous a d’ailleurs reçus ; nous avons
été reçus par le président du
parlement, par le Premier ministre,
par les ministres de la Justice et
de l’Information. Unanimes tous
déplorent la corruption de nos
gouvernants, qui trahissent l’âme de
la France. Ils distinguent toujours
néanmoins entre la partie corrompue
de notre classe politique et le
reste de la population française.
Ils disent et redisent que nombre de
leurs agresseurs viennent d’Europe,
et de France en particulier, et même
de Suisse, et que ce qui leur arrive
va nous arriver en retour.
La Syrie est depuis 1948 un pays
en guerre avec son voisin israélien.
Mais la situation actuelle a explosé
d’abord à cause du facteur
démographique : 60 % de la
population a moins de 25 ans. La
Syrie a cédé aux chant des sirènes
d’un certain libéralisme, s’est
rapprochée de l’Occident, décidant
même d’adopter son modèle économique
et institutionnel (multipartisme,
élections, intégration des rouages
institutionnels supra-étatiques
régionaux et mondiaux). Aux récoltes
locales, par exemple, ont été
préférés les produits importés. À
cela se sont ajoutées plusieurs
années difficiles pour
l’agriculture. Puis il y a eu la
crise financière de 2008. Bref, cela
s’est traduit par un accroissement
de la pauvreté dans les campagnes,
provoquant un exode rural imprévu,
allié à une montée (entretenue) du
mécontentement. Et le pire
obscurantisme, instillé depuis les
monarchies du Golfe, a pu
s’implanter parmi les
laissés-pour-compte des banlieues et
des campagnes.
Quelques manifestations
artificiellement organisées, des
provocations habilement orchestrées
(tirer, et sur la foule, et sur la
police) ont suffit pour mettre le
feu aux poudres. Les médias, Al-Jazeera
en tête, n’avaient plus qu’à inonder
les ondes de prédications
enflammées, et les services, qu’à
livrer armes et cadres, pour
transformer la Syrie en un enfer.
Sont alors entrés en Syrie, depuis
la Turquie et la Jordanie, en flots
incessants, aujourd’hui encore, de
jeunes décervelés et des repris de
justice auxquels on fournit, pour
ici-bas, des drogues (des substances
insensibilisantes à la douleur subie
ou causée), des armes, la
possibilité de tout détruire, de
piller et de commettre les pires
atrocités, et, pour l’au-delà, s’ils
trouvent la mort, la promesse d’un
jardin de délices.
C’est cette politique dont nos
médias sont les complices, parfois
complaisamment involontaire certes,
comme lorsqu’ils sont conduits par
les « rebelles » à visiter
des villages syriens, toujours les
mêmes, villages qui ne sont que le
théâtre de mises en scènes dignes de
Disney Land. Nos gouvernants sont
d’autant mieux informés de ce drame
qu’ils en sont les véritables
commanditaires. Ils ont besoin de
tenir les opinions publiques
occidentales en laisse pour leur
plan avoué et criminel de mise au
pas par le chaos, commencé par la
Yougoslavie, suivie de l’Irak, puis
de l’Afghanistan, et de la Lybie.
Ils avaient déjà prévu un sort
semblable pour l’Iran, et l’on voit
bien que ni la Russie (Tchétchénie),
ni la Chine (Xinjiang, sans parler
du Tibet, de la Corée du Nord, du
Japon, des Philippines, etc.), ni
même l’Inde ne sont plus à l’abri.
L’Amérique latine, qui a subit,
elle, ce sort, est en voie de
révolte et d’organisation contre ce
« désordre mondial ».
Cette guerre est une guerre
mondiale. Sur les ruines d’un ordre
juridique international fondé sur
l’idée de partage du monde entre une
pluralité d’États, souverains par
définition, dont tous étaient en
Europe, rien de viable ne s’est
encore construit. La Guerre froide
n’a été qu’un bras de fer entre deux
mondialismes identiques en leur
essence. L’hégémonie de l’un n’a pas
apporté la paix mondiale. En Syrie
se joue aujourd’hui la possibilité
d’un nouvel ordre juridique
international structuré par les
relations entre plusieurs grandes
puissances toutes également
souveraines sur des régions
délimitées du globe.
Il ne servait à rien de dénigrer
les frontières et les guerres sur
les champs de bataille, qui, pour
horribles qu’elles étaient, avaient
au moins le mérite de n’avoir lieu
qu’entre militaires porteurs
d’uniformes, si c’était pour les
remplacer par des opérations
criminelles dirigées aveuglément
contre les populations civiles
(femmes et enfants, vieillards,
blessés, malades, captifs) et
personnellement contre les
souverains légitimes et légaux des
pays qui résistent à l’idée d’une
domination mondiale.
Notre responsabilité est donc
maintenant de comprendre et
d’informer.
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