Opinion
L'OTAN travestit
la réalité en Libye
Armen Oganessian
Kirsan
Ilioumjinov et Mouammar Kadhafi - Photo:
RIA Novosti
Vendredi 17 juin
2011
"Avez-vous demandé l’autorisation de
l’OTAN pour vous rendre à Tripoli?", a
demandé à Kirsan Ilioumjinov un
journaliste occidental lors d’une
conférence de presse. Bien sûr, il était
possible de répondre: "Est-ce que vos
parents vous autorisaient à être
impolis?" Mais cela n’aurait pas été
diplomatique. "Le règlement du président
de la Fédération internationale des
échecs (FIDE) ne stipule pas qu’il est
nécessaire d’informer l’OTAN." Sans
préambule particulièrement recherché,
Ilioumjinov a déclaré: "Le gouvernement
libyen est prêt à négocier. Dès
maintenant il est prêt à s’assoir à la
table des négociations avec les
dirigeants de l’OTAN et avec ceux qui se
trouvent à Benghazi."
En ce qui concerne "l’autorisation" de
l’OTAN, la question est digne d’intérêt.
Sur le plan informationnel, aujourd’hui
la Libye est une terra incognita, elle
ne peut pas utiliser ses satellites, et
les médias libyens ne sont pas diffusés
à l’étranger, même dans les pays voisins
les plus proches. Ce vide a été comblé
par les rapports officiels et bravaches
des politiciens et des généraux de
l’OTAN. En ce qui concerne les
"reportages en direct" des médias
étrangers, il s’agit généralement d’un
texte adapté par les rédactions aux
images parvenant depuis les lieux des
événements. Et le sens des événements
est souvent altéré au point de ne plus
du tout correspondre à la réalité. En
d’autres termes, une machine de
propagande en a remplacé une autre.
D’autre part, en Libye toutes les
chaînes occidentales et russes
fonctionnent. Selon Ilioumjinov, les
Libyens rient lorsqu’ils entendent les
"salades" occidentales.
Dans une interview exclusive accordée à
l’envoyé spécial du magazine
Mejdounarodnaïa jizn (Vie
internationale), qui a accompagné le
président de la FIDE dans ce voyage, ce
dernier a déclaré: "J’ai traversé la
moitié du pays, j’ai vu des villes et
des villages qui, selon les médias
occidentaux, était "occupés par les
rebelles", et où, soi-disant, "des
combats violents avaient lieu." Et à ce
moment précis nous étions à ces
endroits! Et lorsqu’on revenait vers la
frontière tunisienne, les médias
occidentaux annonçaient que la ville de
Zaouïa était "occupée par les rebelles",
or nous l’avons traversée et il n’y
avait aucun combat!" Bien sûr, la
résolution de l’ONU n’avait pas du tout
prévu le blocus de l’information en
Libye. Qui plus est, la censure.
Le tableau objectif des événements en
Libye contredit foncièrement les
communiqués triomphants de l’OTAN.
Finalement, tout s’est réduit au fait
que l’OTAN pousse à agir ceux qu’on
appelle les rebelles, et ces derniers
répondent invariablement: "Bombardez
plus, bombardez encore!" En prenant
partie pour les rebelles, l’OTAN
provoque l’exacerbation de la guerre
civile et n’est absolument pas
intéressée par la paix civile tant que
Kadhafi n'est pas balayé de l’échiquier
politique.
Désormais, il est clair que les
priorités initiales de l’OTAN n’étaient
pas la paix et la sécurité de population
civile, mais seulement la réalisation
d'objectifs politiques. C’est la raison
pour laquelle il n’y aura aucune réponse
à la volonté de Kadhafi de commencer les
négociations immédiatement après la
cessation des raids aériens. Les alliés
ont besoin d’une guerre avec une fin
victorieuse.
Kirsan Ilioumjinov a vu les hôpitaux et
les immeubles en ruines. Et il a trouvé
en lui le courage d’exprimer sa
compassion à Kadhafi pour la mort de ses
petits-fils âgés de 2 ans, et de sa
petite-fille de 2 mois, qui avaient été
tués pendant un bombardement de la
capitale libyenne. D’ailleurs, il ne
faut pas oublier que l’opération
actuelle fait couler le sang des enfants
libyens, ce qui aurait dû attirer
l’attention de la Cour pénale
internationale. Ou une nouvelle fois on
mettra tout sur le dos de la résolution
des Nations Unies?
Lors de l’entretien avec Kirsan
Ilioumjinov, Kadhafi a fait allusion aux
dessous économiques de l’opération. 160
milliards de dollars, toutes les
réserves monétaires de la Libye ont été
gelées sur les comptes étrangers.
"J’ignore pourquoi tout le monde dit que
cet argent appartient à Kadhafi. Ce
n’est pas l’argent de Kadhafi, il
appartient à la Banque centrale
nationale, aux entreprises publiques, à
la population libyenne! Si ces 160
milliards sont nécessaires pour
renforcer l’euro, pour le règlement de
leurs problèmes, qu’ils le disent!"
On sait qu’à une époque la Libye a
abandonné l’élaboration d'armes de
destruction massive, nucléaires,
chimiques, bactériologiques, ainsi que
la fabrication de fusées-porteuses.
Kadhafi a déclaré à Ilioumjinov que les
fonds économisés ont été notamment
alloués à la construction des voies
ferrées, dont l’appel d’offres a été
remporté par la Russie. Puis Kadhafi a
ajouté: "Quel exemple l’OTAN montre
actuellement aux pays tels que la Corée
du Nord, l’Iran et autres? Que la force
appartient à celui qui possède des
armes? J’ai été contraint d’abandonner
la production de ces armements. Et
aujourd’hui, la Libye est bombardée.
S’avère-t-il que tel est le sort des
Etats petits et faibles?"
Selon Kirsan Ilioumjinov, Kadhafi
paraissait lucide, la rencontre ne s’est
pas tenue dans un bunker et son
interlocuteur n’avait pas l’air d’un
homme préoccupé par son propre sort.
Mais l’amertume de la perte de ses
proches était évidente: "Je sais que
j’ai été condamné à mort avec mes
proches et parents. Mais quel tort une
fillette avait-elle fait à l’OTAN?"
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction
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