Opinion
Le gouvernement
français accusé de commanditer
l'assassinat du dirigeant libyen Kadhafi
Antoine Lerougetel
Jeudi 11 octobre
2012
D'anciens
dirigeants du Conseil national de
transition libyen (CNT) qui ont combattu
l'année dernière comme des
intermédiaires de l'OTAN dans la guerre
contre le régime du colonel Mouammar
Kadhafi en Libye ont accusé le président
français d'alors, Nicolas Sarkozy,
d'avoir commandité l'assassinat du
dirigeant libyen le 20 octobre 2011.
Dans un entretien
le 2 octobre sur le site Médiapart,
Rami El Obeidi, ancien coordinateur des
services de renseignement étranger du
CNT a affirmé que des « des agents
français ont directement exécuté
Kadhafi.» Il a dit que c'était en raison
des menaces que Kadhafi avait proférées,
un peu avant que la France ne lance la
guerre contre la Libye avec le soutien
de l'OTAN, de révéler les dons secrets
qu'il avait faits à Sarkozy en 2007 pour
financer la campagne présidentielle de
Sarkozy.
Obeidi a ajouté, «
La menace d’une révélation d’un
financement de Sarkozy en 2006-2007 a
été suffisamment prise au sérieux pour
que quiconque à l’Élysée veuille la mort
de Kadhafi très rapidement. »
Peu après que la
nouvelle eut fait surface, le 1er
octobre, le journaliste du Monde
Barbouch Rachid a noté sur un blog que
le porte-parole du ministère français
des Affaires étrangères du nouveau
gouvernement du Parti socialiste (PS)
avait refusé de confirmer ou d'infirmer
les allégations de Obeidi et les
reportages y afférant. Malgré cela, les
responsables et les médias français ont
en grande partie enterré l'affaire. Le 2
octobre, Le Parisien faisait
remarquer: «Ce weekend les responsables
français se sont abstenus de tout
commentaire sur ces révélations. »
Le 29 septembre, le
quotidien italien Corriere della Sera
confirmait les déclarations de Obeidi: «
Mahmoud Jibril, ancien premier ministre
du gouvernement de transition... a
relancé la version d'un complot ourdi
par un service secret étranger. 'C'était
un agent étranger infiltré dans la
brigade révolutionnaire qui a tué
Kadhafi' a-t-il dit sur une chaîne de la
télévision égyptienne le 27 septembre. »
Le quotidien cite
des diplomates occidentaux à Tripoli
disant que si un agent étranger était
impliqué, «ce ne ne pouvait être qu'un
Français. »
Le 1er octobre, Le
journal britannique Daily Mail a
parlé d'un agent étranger: « Il aurait
infiltré un groupe violent en train de
mutiler le dictateur libyen capturé et
lui aurait tiré une balle dans la tête.
»
Le journal ajoute,
« Dans un autre épisode sinistre de
l'histoire, un jeune homme de 22 ans qui
se trouvait dans le groupe qui attaquait
Kadhafi et qui, à plusieurs reprises, a
brandi son fusil et dit l'avoir tué, est
mort à Paris lundi dernier. » Des
reportages de presse ont identifié le
jeune homme comme étant Omran ben
Chaaban, un ancien combattant rebelle de
22 ans qui est décédé dans la nuit du
1er octobre. On le voyait sur plusieurs
photos et vidéos de l'assassinat de
Kadhafi.
Des informations
disponibles suggèrent qu'il avait des
liens avec l'Etat français et qu'il
pourrait être l'agent auquel Obeidi fait
référence. Des responsables français ont
recueilli Ben Chaaban après qu'il eut
été capturé et torturé par des partisans
de Kadhafi et reçu deux balles lors
d'une tentative d'évasion. Il a ensuite
été transféré dans un hôpital français
en septembre où il est décédé.
Obeidi a dit que
c'était le président syrien Bashar el-Assad
qui avait donné le numéro de téléphone
du téléphone satellite Iridum de Kadhafi
au service de renseignement français
ainsi qu'à l'armée française la première
semaine d'octobre, ce qui leur avait
permis de le localiser et de suivre ses
mouvements. Ensuite, « La Direction
générale de la sécurité extérieure
(DGSE) a procédé à l'exécution. »
Selon le quotidien
britannique Daily Telegraph,Obeidi a
ajouté: « En échange de cette
information, Assad a obtenu la promesse
d'une période de grâce de la part de la
France et de moins de pression politique
sur le régime, ce qui a effectivement
été le cas. »
Obeidi a ajouté
qu'un rapport de son service de
renseignement sur le rôle de la France
dans la mort de Kadhafi avait été
censuré, « parce que M. Sarkozy
contrôlait la politique du CNT aux côtés
de l’émir du Qatar. Je ne sais pas si ce
rapport existe encore. »
Ce n'est pas la
première fois que des allégations ont
émergé concernant une implication du
renseignement français dans l'assassinat
de Kadhafi. Le 26 octobre 2011, cinq
jours après le meurtre de Kadhafi,
l'hebdomadaire satirique Le
Canard Enchaîné, rapportait que le
mercredi 19 octobre en fin d'après-midi,
un colonel du Pentagone avait téléphoné
à un de ses contacts du service secret
français. L'Américain avait annoncé que
le dirigeant libyen, recherché par des
drones Predator américains, était piégé
dans un quartier de Syrte et qu'il était
maintenant impossible de le « manquer. »
Dans le reportage
du Le Canard Enchaîné, le responsable
américain a ajouté que si Kadhafi s'en
tirait, il deviendrait une «véritable
bombe atomique. »
Le Canard écrit
que la Maison Blanche avait dit, « Il
faut éviter de fournir à Kadhafi la
tribune internationale que
représenterait son éventuel procès. » Il
ajoute, « À l’Élysée, on savait depuis
la mi-octobre que Kadhafi et l’un de ses
fils s’étaient réfugiés à Syrte... Et
Sarkozy avait chargé le général Benoit
Puga, son chef d’état-major particulier,
de superviser la chasse à l’ancien
dictateur. ... À la DGSE comme à la DRM
on ne se gêne pas d’ailleurs pour
évoquer l’ «élimination physique »du
chef libyen. »
Le gouvernement
Sarkozy avait refusé à ce moment de
commenter et l'élite politique et les
médias en France avaient gardé le
silence. Le gouvernement Hollande
continue à étouffer l'affaire.
Néanmoins ces
révélations soulignent le caractère
criminel de l'exécution extra-judiciaire
de Kadhafi, qui avait entretenu des
relations étroites avec les chefs d'Etat
de toutes les grandes puissances de
l'OTAN avant la guerre en Libye, et plus
largement le caractère criminel de la
guerre elle-même. Cette guerre menée
cyniquement au nom de la « démocratie »
par les Forces spéciales de l'OTAN et
par des bombardements aériens intensifs
sur Tripoli et Syrte, a installé au
pouvoir un ramassis de milices
droitières et a culminé dans
l'assassinat de Kadhafi.
La couverture et
les commentaires médiatiques de la «
gauche » bourgeoise et ex-radicale ont
été minimes. Ces forces elle-mêmes sont
politiquement impliquées du fait de leur
soutien politique à la guerre. Le PS a
soutenu la guerre néo-coloniale de
Sarkozy en Libye en 2011, tout comme le
Nouveau Parti anticapitaliste, le Front
de gauche de Jean-Luc Mélenchon et les
Verts.
Seul l'ancien
ministre de la Défense de Sarkozy,
Gérard Longuet a présentement apporté ce
démenti défensif dans le Le Parisien:
«Kadhafi tué par un espion français?
C'est totalement farfelu! Absolument pas
crédible. Il n'en a jamais été question.
»
En fait, ces
allégations sont totalement crédibles,
notamment du fait du silence
assourdissant du gouvernement français
sur la question. Non seulement il était
largement reconnu que les Forces
spéciales françaises avaient une
présence et des contacts très importants
au sein de la Libye durant la guerre,
qui auraient pu perpétrer l'assassinat,
mais Kadhafi avait aussi des avoirs
financiers conséquents dans les banques
occidentales. Au début de la guerre, ces
banques ont gelé entre 100 et 160
milliards de dollars que Kadhafi y avait
investis.
Les responsables
libyens auraient eu toutes les occasions
d'envoyer une partie de cet argent pour
financer les élections présidentielles
françaises. Il y a eu maintes
révélations sur la manière dont les
partis conservateurs et ceux de la «
gauche » bourgeoise » ont été financés
par des dictateurs africains des
anciennes colonies françaises tel le
Gabon, dans le cadre du néo-colonialisme
« Françafrique. »
L'auteur
recommande aussi:
Le président gabonais Omar Bongo
(1935-2009)
Article original
publié le 10 octobre 2012
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Publié le 11 octobre 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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