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RIA Novosti
Medvedev à la conquête de l'Amérique
latine
Andreï Fediachine
Photo RIA Novosti
25 novembre 2008
Dmitri Medvedev a quitté le sommet de l'APEC, organisé les 22
et 23 novembre dans la capitale péruvienne, pour revenir ensuite
à Lima en visite officielle le 24 novembre. Pour le président
russe, la rencontre avec les leaders du forum de coopération
économique Asie-Pacifique s'est muée, tout naturellement, en sa
première tournée latino-américaine. Du 24 au 28 novembre, il
visitera le Pérou, le Brésil, le Venezuela et Cuba. Les voyages
dans ces pays seront pour lui plus importants que le forum de
l'APEC, car, aussi respectable que soit cette réunion, elle
n'est qu'un club de discussion. Ses membres ne sont pas liés par
des engagements ou statuts, ni même par la nécessité d'appliquer
les déclarations qu'ils approuvent par consensus: tout ce qui se
fait dans le cadre de l'APEC repose sur le principe du
volontariat.
Le forum actuel a suivi le récent sommet du G20 à Washington
et en a, bien entendu, pris le relais. La rencontre de Lima
avait ceci de particulier qu'elle a adopté deux déclarations au
lieu d'une. En supplément à la Déclaration politique de Lima,
les participants ont approuvé une déclaration économique
spéciale. Celle-ci comporte des engagements en 12 points. Tout
le monde a soutenu, en principe, les dispositions approuvées à
Washington il y a une semaine. Dix des 21 membres de l'APEC font
partie du G20, et ils ont donc tout simplement réaffirmé leur
approbation. Rappelons que l'APEC, créé en 1989, regroupe la
Russie (depuis 1999), l'Australie, Brunei, le Vietnam, Hong
Kong, l'Indonésie, le Canada, la Chine, la Malaisie, le Mexique,
la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Pérou,
Singapour, les Etats-Unis, la Thaïlande, Taïwan, les
Philippines, le Chili, la Corée du Sud et le Japon. En 2012, le
sommet de l'APEC devrait se tenir en Russie, dans l'île Rousski,
non loin de Vladivostok.
Les participants à la rencontre de Lima se sont engagés à
promouvoir la libéralisation du commerce, à intensifier le Round
de Doha des négociations commerciales au sein de l'OMC, à
augmenter le montant des versements au Fonds monétaire
international, à lutter contre la crise globale, à intensifier
la lutte contre le dernier des "nouveaux maux", à savoir la
piraterie maritime. Parmi les mesures concrètes, on peut citer
la décision de suspendre l'introduction de nouvelles normes
protectionnistes au cours des douze mois à venir. D'ailleurs,
les normes existantes sont déjà très nombreuses. En ce qui
concerne le Round de Doha, qui piétine depuis déjà sept ans,
lors de chaque sommet annuel, depuis 2003, l'APEC s'engage à le
promouvoir. Pour l'instant, ces engagements n'ont rien donné.
La Déclaration finale de Lima affirme que la crise actuelle
sera définitivement surmontée dans 18 mois. On dit que cette
formule a été introduite dans le document sur les instances du
président péruvien, Alan Garcia. Celui-ci se trouve dans une
situation relativement compliquée, liée à l'actuelle crise
économique. Les flambées des prix, l'inflation galopante, la
pauvreté, le mécontentement face à l'extravagance de Garcia ne
font que s'accroître dans le pays. Sa cote de popularité est
passée sous la barre des 19% critiques. Il a donc besoin
d'enregistrer des succès sur le front économique, et la fixation
des délais de règlement de la crise conviennent parfaitement.
Garcia souhaite être réélu au poste de président. Il appartient
au "parti" de centre-gauche des leaders latino-américains
contemporains, qui constituent la majorité en Amérique latine. A
l'exception de la Colombie, tous les Etats de la région ont des
présidents et premiers ministres de gauche, ou sympathisants de
la gauche. Mais quelles que soient ses options politiques, Alan
Garcia a réussi à se brouiller tant avec le fougueux Vénézuélien
Hugo Chavez qu'avec le président bolivien Evo Morales.
La Russie maintient, depuis la fin des années 1970, de très
bonnes relations avec le Pérou, quel que soit le dirigeant de ce
pays. Un grand nombre de Péruviens continuent de venir en Russie
pour y recevoir une formation; l'armée péruvienne utilise des
armements soviétiques et des hélicoptères russes. La coopération
militaire technique avec Lima sera poursuivie. La Russie est
tout prête à coopérer avec ce pays dans la prospection et la
mise en valeur de gisements pétroliers au Pérou.
En fait, l'odeur du pétrole et du gaz a accompagné la tournée
du président russe. Le Brésil n'a pas fait exception. Cet Etat,
qui fait partie du BRIC et qui est considéré comme un "continent
à part", ne peut pas laisser indifférente la Russie, d'autant
que Moscou est disposé à étendre les liens bilatéraux. Le
déplacement de Medvedev au quartier général de la plus grande
compagnie pétrolière publique du pays, Petrobras, sera l'un des
plus importants événements de sa visite, de même que ses
rencontres avec les dirigeants des entreprises publiques et
privées spécialisées dans l'énergie, l'industrie minière, le
secteur agroindustriel et la sphère bancaire. Gazprom inaugurera
l'année prochaine sa représentation au Brésil. Moscou et
Brasilia seraient prêts à élargir leur coopération dans le
domaine spatial et pourraient construire conjointement un
cosmodrome à proximité de l'équateur.
Le Venezuela, quant à lui, est "le premier parmi les égaux".
Moscou a établi une "coopération stratégique" avec Hugo Chavez.
Les deux pays créent une banque commune avec un capital de 4
milliards de dollars pour financer la construction de
raffineries de pétrole. La Russie est prête à aider le Venezuela
à créer des centrales nucléaires, Rusal a annoncé la
construction d'une usine d'aluminium, VAZ est prêt à y implanter
des usines automobiles. Depuis 2005, Caracas a signé avec Moscou
douze contrats sur les livraisons d'armes, allant des fusils
d'assaut Kalachnikov, des chars T-90 et des voitures de
transport blindées aux chasseurs Su et aux hélicoptères, pour un
montant total de 4 milliards de dollars. A présent, il souhaite
acheter des sous-marins et des navires russes. Dmitri Medvedev
et Hugo Chavez "inaugurent", le 25 novembre, les premiers
exercices navals russo-vénézuéliens de grande envergure qui
"taquineront" les Etats-Unis jusqu'au 30 novembre.
Cuba devait absolument figurer sur la liste medvédévienne des
pays à visiter. Les relations entre Moscou et La Havane semblent
connaître un essor. Les négociations à Cuba devraient aboutir à
une entente sur la prospection et la mise en valeur conjointes
de gisements pétroliers dans la partie cubaine du golfe du
Mexique. Un forage d'essai vient d'y être organisé.
Le voyage de Medvedev illustre bien l'évolution du processus
de désidéologisation des relations entre la Russie et l'Amérique
latine. Celles-ci étaient déjà marquées auparavant par un
puissant élément national-pragmatique (les Russes ont, en effet,
fait de la voiture soviétique Lada l'automobile la plus vendue
au Chili à l'époque de Pinochet). A présent, cet élément
national-pragmatique se renforce. On peut à cet égard remercier
George W. Bush.
Bush a lui aussi "désidéologisé" les relations avec
l'Amérique latine, mais en poussant cette désidéologisation a
fond. En huit ans de présidence de Bush, pratiquement tous les
pays situés au sud du canal de Panama, excepté peut-être le
Mexique, ont été quasiment délaissés. Ceux qui, à Washington,
cherchent à intimider les Américains en leur montrant que la
Russie "s'implante activement sur le continent, oublient que les
Etats-Unis ont longtemps soutenu toutes les dictatures
d'Amérique du Sud, avant de se mettre à négliger sa
"basse-cour". Or, les Latino-Américains ont invité eux-mêmes la
Russie à coopérer, et celle-ci n'a pas eu besoin de beaucoup
s'agiter pour cela. Mais il serait erroné de se laisser bercer
d'illusions quant au "créneau latino-américain" de la Russie.
Les Etats-Unis ne s'en retireront pas et y rétabliront leur
influence et leurs liens, qui se sont rétrécis comme une peau de
chagrin à l'époque de Bush. Le grand rétablissement pourrait se
produire pendant la présidence de Barack Obama, mais personne ne
saurait prédire à quelle date. En attendant, parmi les priorités
d'Obama on trouve la crise économique et les guerres en Irak et
en Afghanistan. Le retour des Etats-Unis dans sa "basse-cour"
risque de prendre un certain temps.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA
Novosti
Publié le 26 novembre 2008
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