Opinion
L'administration
US manœuvre à l'ONU pour imposer un
mandat international illégitime à la
Syrie
Amin
Hoteit
Les
obsèques de 16 martyrs de l'armée et des
forces de l'ordre
Mardi 31 janvier
2012
Que peut attendre
l’administration US du Conseil de
Sécurité alors qu’elle en connaît toutes
les ficelles ?
La question se pose parce que toutes
les données disponibles indiquent
sans équivoques que le Conseil de
sécurité ne déléguera pas les
États-Unis pour mener la guerre
contre la Syrie comme il l’a fait
pour l’Afghanistan et, en aucune
manière, ne déléguera qui que ce
soit pour y intervenir
militairement, ou y imposer des
zones d’exclusion aérienne à
l’instar de ce qui s’est passé pour
l’Irak et la Libye, ou encore y
établir des zones tampons et des
couloirs humanitaires…
Ceci parce que la Russie, soutenue
par la Chine, a déclaré clairement
que son veto sera opposé à toute
résolution internationale qui
rééditerait les expériences du passé
; telle celle vécue récemment par la
Libye, qui a conduit ce pays à sa
destruction et vers l’inconnu, après
assassinat de plus de 130’000
personnes par l’OTAN, directement ou
indirectement. Cela à la faveur
d’une intervention censée installer
une zone d’exclusion aérienne, mais
qui a fini par outrepasser le mandat
du Conseil de sécurité pour aboutir
à une attaque aérienne écrasante
suivie de l’éradication du régime en
place.
L’administration US sait
parfaitement que les déclarations
des Russes ne sont pas de simples
manœuvres et que, du point de vue de
ces derniers, la question syrienne
ne saurait souffrir d’aucun faux
semblant, parce qu’elle est
directement liée aux intérêts mêmes
de la Russie et se trouve en
relation organique avec sa sécurité
nationale. Autrement dit, la Russie
ne peut se permettre de négocier ou
de se plier à des logiques d’échange
et de transactions. Malgré cela, les
États-Unis insistent et continuent
de frapper à la porte du Conseil de
sécurité en utilisant des
partenaires arabes et occidentaux,
avec l’espoir d’obtenir quelque
chose contre la Syrie.
En sciences stratégiques, il est un
principe accepté par tous :
« C’est à celui qui
possède le pouvoir ou l’opportunité,
de ne cesser de les mettre à profit
pour atteindre son objectif ».
En pratique, ceux qui possèdent cet
atout établissent leurs plans avec
l’idée que, si jamais un plan
échoue, un autre plan le remplacera,
aussi longtemps qu’ils n’ont pas
perdu leurs capacités. Ce qui nous
amène au comportement des États-Unis
et aux résultats observés suite aux
interventions occidentales en Syrie.
Or celle-ci résiste depuis près
d’une année et a fait capoter tous
les plans successifs conçus pour la
conduire à sa perte. Des plans qui
sont passés des soi-disant
« manifestations
pacifiques », aux tentatives de
« division de
l’armée », et aux manœuvres de
découpage de son territoire par des
zones échappant à l’autorité de
l’État dans le but de propager une
terreur à grande échelle, pour
finalement être obligé de
reconnaître l’existence d’une
opposition militaire organisée,
armée et financée par l’étranger !
Par sa résistance déterminée, la
Syrie a déjoué ces plans, l’un après
l’autre, mais les forces d’agression
n’ont pas perdu toutes leurs
capacités de nuisance. Elles
possèdent toujours l’appui des
médias, l’argent, les moyens de
pression économique, la possibilité
de recruter et d’armer des
mercenaires et des terroristes, et
elles jettent le tout dans leur
bataille animée par la vengeance.
Face à tout cela la Syrie résiste,
forte de l’intime conviction que son
peuple, son armée et son
gouvernement sont suffisamment armés
et immunisés contre la défaite. Elle
a décidé de rétablir la sécurité des
zones déstabilisées par les
terroristes et a commencé à le
faire, maintenant qu’une occasion
historique lui a été donnée par le
rapport des observateurs arabes qui
ont été témoins du terrorisme et des
crimes perpétrés contre l’État et
les citoyens. Des observateurs qui
ont certifié que des médias ennemis,
diffusant à partir de certains
satellites, sont fondamentalement
responsables d’attiser l’agression
et la subversion en Syrie.
Aujourd’hui, l’administration US
réalise qu’elle a perdu sur le
terrain syrien et qu’elle n’a plus
de cartes pour en modifier les
réalités militaires ou politiques.
En même temps, elle sait que
capituler devant la défaite est
impossible en cette année électorale
critique pour son chef qui se
prépare à la course présidentielle
pour renouveler son mandat. En
effet, la capitulation de
l’administration US serait
catastrophique pour les bénéfices
acquis suite à son déploiement tant
en Tunisie qu’en Egypte et en Libye
; elle aurait des conséquences
stratégiques désastreuses sur la
scène internationale car elle
rétablirait la Russie qui, avec ses
alliés, serait un adversaire
puissant du système occidental sous
leadership des USA.
Oui, l’administration US est
aujourd’hui face à un dilemme. Elle
ne peut pas s’en sortir par une
victoire en Syrie et, en même temps,
elle ne peut pas déclarer son échec.
C’est pour toutes ces raisons
qu’elle rechercherait actuellement
une solution honorable qui ne
compterait pas pour une défaite.
Elle consisterait à reporter le
dossier à un moment plus propice
pour rebattre les cartes et faire
pencher la balance à son avantage.
D’où, apparemment, ses tentatives
pour renouveler l’expérience
libanaise consécutive à la
résolution 1559 [1]
; résolution qui a mis le Liban sous
tutelle internationale et
surveillance d’un proviseur, dossier
indéfiniment ouvert sur la table du
Conseil de sécurité, autorisant son
ingérence quotidienne sous couvert
du mensonge de la légitimité
internationale ...
L’administration US veut donc pour
la Syrie une résolution semblable à
la résolution 1559 afin de lui
imposer un mandat international,
confisquer son droit d’élire son
président, confisquer son droit aux
relations internationales, en plus
de confisquer son droit de posséder
une puissance défensive. Elle espère
réussir dans cette entreprise
qu’elle pourra promouvoir comme une
opération réussie de soustraction de
la Syrie à l’axe de la résistance et
du refus, comme en 2005, lorsqu’elle
a soustrait le Liban à son
environnement et à ses relations
avec la Syrie pour en faire un pays
hostile.
En 2004, les USA avaient réussi à
faire adopter la résolution 1559 à
la majorité de 9 voix [minimum
requis pour l’adoption d’une
résolution au Conseil de sécurité]
dans un environnement stratégique
international qui leur était
favorable. À l’époque les USA
affichaient leur fierté pour avoir
occupé l’Irak, se vantaient d’être
en route pour contrôler complètement
l’Afghanistan, et avaient étendu
leur pouvoir sur les pays du Golfe.
Aucun des États membres ne pouvait
leur faire face et les contredire
pour n’importe quelles
considérations subjectives ou
internationales. Aujourd’hui tout a
changé, et le Conseil de sécurité
est soumis à un nouvel équilibre qui
empêche les USA de le contrôler, ce
qui signifie qu’adopter une
résolution à minima est désormais
presque impossible.
En outre, malgré l’adoption de la
résolution 1559, les USA n’ont pas
pu réussir à en faire grand chose
d’un point de vue effectif au Liban.
Le général Émile Lahoud est resté à
la présidence jusqu’à la dernière
minute de son mandat. La résistance
visée par la résolution 1559 est
toujours armée, et continue à
nourrir sa force qui a vaincu Israël
en 2006 ; elle n’accorde aucune
importance aux initiateurs de la
résolution et se moque des
comptes-rendus de son proviseur.
Quant au retrait de l’armée syrienne
du Liban, il n’a pas eu lieu en
application du 3ème décret de la
résolution ; mais a été le résultat
d’une décision stratégique majeure
prise par la direction syrienne
elle-même, dans l’intérêt de la
sécurité nationale de la Syrie,
suite aux nouvelles donnes
sécuritaires surgies sur la scène
libanaise.
Tout ce qui précède montre que
l’administration US a échoué malgré
ses pratiques meurtrières et
terroristes et qu’elle sera, cette
fois, impuissante au Conseil de
sécurité malgré son
instrumentalisation creuse de la
Ligue, de ceux qui se prétendent
arabes et qui se sont empressés de
suspendre la mission de leurs
observateurs en Syrie, pour empêcher
la divulgation de leurs témoignages
prouvant le caractère éminemment
terroriste de la soi-disant «
opposition syrienne
», et aussi pour faire pression sur
la Russie. Les circonstances ont
changé et le monde entre dans une
nouvelle ère de relations
internationales où les USA n’ont
plus l’exclusivité du leadership et
du pouvoir. Par ailleurs, la Russie
sait parfaitement qu’elle est visée
à travers la Syrie et qu’elle se
doit de se défendre.
Ce qui signifie que la Syrie ne
subira pas une nouvelle résolution
1559 et qu’elle ne sera pas acculée
à la soumission comme cela a été le
cas au Liban, car le nouvel
équilibre des forces peut la
protéger d’un tel malheur. Il n’en
demeure pas moins qu’elle doit
s’attaquer au fléau terroriste pour
l’éradiquer, ce qu’elle semble en
train de réaliser. Dès lors,
l’administration US ne pourra que se
plier devant l’évidence ; et ses
[alliés] Arabes et leur Ligue ne
pourront plus nuire, maintenant
qu’ils ont utilisé leur dernière
cartouche en ramenant le dossier
syrien devant un Conseil de sécurité
qui ne répondra pas à leurs
attentes.
Amin Hoteit
thawra.alwehda.gov.sy, 30
janvier 2012
Amin Hoteit est
libanais, analyste politique, expert
en stratégie militaire, et Général
de brigade à la retraite.
[1]
Texte officiel de la résolution 1559
adoptée par le Conseil de sécurité de
l’Onu à New York le 2 septembre 2004 par
9 voix et 6 abstentions :
http://globaladvocacy.com/resolution_onu_1559.html
Le
dossier Syrie
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