Opinion
Alep / Syrie :
Silence ! Toute vérité n'est pas bonne à
dire, surtout pas les crimes du Sultan
et l'intensification du terrorisme...
Amin
Hoteit
Photo: RIA
Novosti - © AFP/ SANA
Vendredi 25 janvier
2013
Rien ne sera donc épargné à la ville
d’Alep… Un proverbe local dit : « Ils
tuent, puis se recueillent derrière le
corbillard de celui qu’ils ont tué ! ».
Et c’est à cela que revient
indirectement, volontairement ou
involontairement, l’invitation adressée
à tous les établissements supérieurs de
France pour « une minute de silence en
solidarité avec l’Université d’Alep le
Mercredi 23 Janvier à 12h » [1]. Certes,
il est fort charitable de manifester sa
solidarité avec des étudiants qui,
malgré les menaces répétées de
terroristes obscurantistes, ont choisi
de se rendre à leurs examens. Encore
faudrait-il ne pas les tuer une deuxième
fois !
Vous paraissez, Messieurs et Mesdames
les recteurs et rectrices des académies,
très renseignés sur le bilan des
bombardements du 15 Janvier de
« l’université historique d’Alep » ;
laquelle, selon certains de vos
communiqués, serait « visée de longue
date par des forces du régime Al-Assad »,
alors que d’autres se contentent
d’exprimer leur « solidarité avec le
peuple syrien » sans toutefois
contredire vos accusations premières
[2]. Pourtant les rapports et articles
de presse dénonçant les véritables
assassins ne se comptent plus. Mais
pourquoi lire et se renseigner quand,
par définition, votre fonction est de
mettre en œuvre et de contrôler
l’ensemble de la politique académique
conformément aux directives du ministre
chargé de l’Éducation et de
l’Enseignement supérieur ?
Oui, Alep a désormais le triste
privilège de figurer aux premiers rangs
des « villes symboles » par leur
résistance, malgré les morts par
attentats individuels ou de masse,
malgré les
destructions de ses infrastructures
privées et publiques, malgré la
profanation de ses trésors
archéologiques… mais l’ennemi et les
assassins ne sont pas ceux que vous
désignez !
Oui, Alep carrefour des civilisations
depuis des millénaires, est
[devrions-nous dire : était ?] une ville
magnifique et a toujours été l’objet de
toutes les convoitises. Ses habitants
savent que même en cas de victoire, la
partie n’est que remise. Tel est leur
destin, comme nous le dit le Général
Amin Hoteit dans son article traduit
ci-dessous.
Oui, il est toujours possible de
traduire les articles et déclarations de
témoins légitimes et crédibles, mais
comment traduire l’infamie ? Comment
vous raconter l’horreur indicible, les
dépeçages des cadavres, les attentats
individuels et de masse, les têtes ou
membres tranchés de compatriotes
vivants, le nombre incalculable de
toutes sortes de viols ? Comment vous
dire le nombre d’avortements,
consécutifs à ces viols, communiqué par
un ami médecin hospitalier à Alep ?
Infamies que vous ne contribueriez pas à
couvrir si vous preniez la peine de vous
renseigner. Vous, dont la raison d’être
est d’éclairer les générations futures ;
non de contribuer à leur faire avaler,
toute crue, la propagande d’une guerre
médiatique, élément essentiel des
« guerres par procuration » qui plongent
des peuples et des peuples dans le
malheur et l’obscurantisme. Les
Universités n’ont pas été créées pour
cela !
Sachez quand même que
ces
terroristes, que le Quai d’Orsay
qualifie d’admirables
révolutionnaires », ont détruit plus de
2362 écoles syriennes, parfois sur la
tête de leurs élèves et enseignants.
Sachez que pendant que vous invitiez au
silence sur leurs véritables assassins,
20000 d’entre eux se sont engagés dans
les « Forces de défense spéciales » pour
défendre leur patrie, leur Armée, et
leurs autorités légitimes menées par un
Président devenu le symbole et le garant
de leur indépendance. Deux courtes
vidéos suffiront pour en témoigner [3]
[4]. Nul besoin de traduire, malgré les
experts [5], les éditorialistes [6], et
les nombreux orientalistes qui
persistent à vous induire en erreur sous
prétexte qu’ils sont arabophones. [NdT].
Crimes et illusions du sultan imaginaire
C’est avec le secret espoir d’accéder à
la charge grandiose de « Gouverneur de
l’une des futures provinces syriennes du
néo-empire étatsunien », en l’occurrence
la province d’Alep, que M. Erdogan s’est
jeté à corps perdu dans les rouages
du projet occidental visant la
destruction de l’État syrien, lequel
était supposé abandonner toute dignité
et sortir de « l’Axe de la résistance »
pour s’incliner devant celui de la
servitude et de la dépendance. C’est
pour la réussite de ce projet
essentiellement étatsunien que M.
Erdogan a échafaudé ses plans en « toute
amitié simulée » pour le peuple syrien,
après avoir reçu l’insigne honneur d’en
être le fer de lance oubliant qu’il
n’était, en réalité, qu’un exécutant
parmi tant d’autres ! Il n’a jamais
imaginé que l’agression échouerait, que
ses délires se dissiperaient aux vents,
et que ses rêves se briseraient aux
pieds des Syriens. Et, c’est habité par
cette illusion que depuis bientôt 22
mois il mène, pas à pas, « sa guerre »
contre le peuple syrien.
Au commencement, alors que les voies
diplomatiques entre Ankara et Damas
étaient largement ouvertes avec
le « respect supposé mutuel » entre les
deux capitales, il s’est contenté de
prodiguer les précieux conseils d’un
donneur d’ordre qui entend être obéi. En
bref, les autorités syriennes seraient
bien inspirées de « remettre le
pouvoir à ceux qui ont été choisis pour
les gouverner ; ces heureux élus étant
évidemment les Frères Musulmans » ! La
réponse ne s’est naturellement pas fait
attendre signifiant, poliment et
fermement, que le peuple syrien était
souverain en la matière et qu’à lui seul
revenait le droit de choisir ses
dirigeants, malgré l’obligeance de
n’importe quel ami ou allié ; la Syrie
refusant les diktats et ne retenant des
conseilleurs que ce qui ne nuisait pas à
sa souveraineté et à son indépendance.
Dès lors, poussé par la déception, la
vanité et la paranoïa, le prétendu « ami
et allié stratégique » s’est subitement
transformé en un ennemi menaçant de
toutes sortes de représailles qu’il n’a
pas tardé à mettre à exécution.
En effet, le « sultan imaginaire » s’est
empressé de déchainer ses médias contre
le soi-disant « vieil ami » qu’était la
Syrie et d’accorder son hospitalité
bienveillante aux syriens égarés qui
partageaient ses illusions et sa folie,
pour les réunir en un conseil qui la
dirigerait sous ses ordres et sous le
fallacieux vocable de « Conseil National
de Transition ». Puis, il s’est démené à
organiser congrès sur congrès pour de
prétendus « Amis de la Syrie », ou quel
que soit le nom qu’on puisse leur donner
aujourd’hui…
Surtout, et bien avant que les Syriens
ne soient obligés de fuir la catastrophe
que M. Erdogan avait si bien programmée,
il a fait dresser sur le sol turc les
fameux « camps pour réfugiés syriens »
destinés au ralliement de mercenaires
venus du monde entier, et
occasionnellement aux familles de
combattants syriens, dupés ou complices,
chargés de concrétiser ce dont il avait
rêvé… Des camps censés leur permettre
d’aller tranquillement guerroyer contre
leur patrie, mais qui se sont vite
transformés en havres de misère, de
viols et de toutes sortes d’agressions
contre leurs malheureuses familles.
Puis, le moment venu, et avec l’aide de
ses acolytes, il a réussi à transformer
la frontière syro-turque en « passoire
pour terroristes », bardés de tous les
moyens logistiques possibles et
imaginables pour perpétrer les crimes
les plus odieux contre la population
syrienne prétendument amie !
Et c’est justement sur Alep [1] et sa
région que ces bandes de faux
révolutionnaires, voleurs, violeurs et
assassins se sont particulièrement
acharnés. Sous la supervision de
« spécialistes du démontage » dépêchés
sur les lieux, ils ont démantelé la
majorité des usines de toute cette
région, avant de transférer le maximum
de machines et d’équipements vers la
Turquie et, évidemment, de saccager tout
ce qu’ils ne pouvaient emporter. C’est
ainsi que M. Erdogan, motivé par son
désir de mettre fin à toute concurrence
régionale et internationale entre les
exportations de la Turquie et celles
d’Alep - ville syrienne industrielle par
excellence - a porté son coup fatal à sa
vie économique et à sa population
détestée pour la simple raison qu’elle a
refusé de se plier à ses ordres, de se
laisser vendre, et de trahir !
Et maintenant, son égo démesuré
incomplètement satisfait des crimes
perpétrés sans relâche et son appétit
colonialiste inassouvi, malgré
l’annexion du « Sandjak d’Alexandrette »
au lendemain de la chute de l’Empire
ottoman, il voudrait redevenir le
« Sublime maître » de la Syrie par
l’intermédiaire de la nomination d’un
obscur
« Wali » [gouverneur des
provinces ottomanes du temps des
Sultans] qui continuerait à duper ceux
qu’il a réussi à piéger dans des camps
de malheur, dressés pour des raisons
prétendument humanistes et
humanitaires !
M. Erdogan persiste et signe, sa vanité
le rendant incapable de tenir compte des
nouvelles donnes sur le terrain syrien,
le terrain régional et le terrain
international. Il n’a pas encore accepté
l’idée que l’agression « otano-arabo-turco-sioniste »
n’a pas réussi à briser la résistance de
la Syrie et des Syriens. S’il avait un
minimum de bon sens, il cesserait ses
attaques meurtrières et, par conséquent,
cesserait de nuire à son parti et à son
peuple ; les antimissiles « Patriot »
qu’il a quémandés auprès de ses amis de
l’OTAN ne pouvant lui servir ni à
protéger sa personne, ni à soutenir son
agression contre la Syrie.
Car la Syrie, malgré tout ce qu’elle a
vécu depuis 22 longs mois, comme
horreurs, ravages et destructions, et en
dépit des assassinats, sanctions, et
souffrances imposées à son peuple, a
réussi à créer une situation qui ne
permet, ni ne permettra
à
M. Erdogan de concrétiser ses ambitions.
Le peuple syrien a pris la résolution
indépendante de placer sa confiance dans
son État et ses représentants qu’il a
lui-même élus, et qui ne pourront être
remplacés que par les voix des urnes,
lors des prochaines élections. La Syrie
gère sa bataille défensive en toute
confiance et refuse toute intervention
étrangère d’où qu’elle vienne, quoi
qu’en pense le fameux wali délégué par
M. Erdogan, tous les nostalgiques de la
« Sublime Porte » de l’Empire ottoman,
et les poseurs otanesques de « Patriot »
à ses frontières. Ceux qui, par
déraison, s’obstine à espérer le
contraire doivent comprendre qu’ils
courent après les chimères.
En effet, il n’est plus possible
d’envisager une intervention militaire
étrangère comme il n’est pas possible
d’envisager une solution pacifique, si
celui qui la propose espère toujours
obtenir la part du butin ayant motivé sa
coalition avec le camp des agresseurs.
Désormais la solution pacifique implique
de commencer par faire le tri entre les
Syriens et les non Syriens ; puis, le
tri entre les Syriens armés contre
l’État et ceux qui ne le sont pas ;
ensuite, par la sortie de tous les
combattants étrangers ; et enfin, par
l’arrêt du soutien armé et logistique de
tous ces mercenaires par les puissances
qui couvrent leurs crimes. Sinon, aucun
dialogue n’est possible et il est
évidemment déraisonnable de penser que
le « Droit du citoyen syrien » cède
devant quelques Syriens armés ou des
pays étrangers, y compris la Turquie. La
Syrie a gagné, et le vainqueur n’offre
pas de butin au vaincu !
D’ailleurs, la haute direction du camp
des agresseurs est parfaitement au fait
de la situation et a commencé à
pratiquer « la politique du délestage de
l’inutile », parce qu’elle sait que ce
qu’elle pourrait obtenir par les
négociations ne suffira pas pour
contenter et sauver la face de tous les
alliés. C’est pourquoi elle a encouragé
la France à s'impliquer au Mali, a
inspiré à la Grande-Bretagne de se
retirer discrètement, et a laissé à
l’Allemagne le choix de sa porte de
sortie. Reste le facteur essentiel
correspondant à
la
Turquie, facteur que les USA voudraient
épuiser un peu plus
pour qu’il lui reste totalement
inféodé ainsi qu’à l’OTAN, même si cela
devait se faire au détriment de la
dignité de son peuple, voire au prix de
son sang comme cela s’est produit
lorsqu’il s’est agi récemment de sa
relation avec Israël.
Par conséquent, M. Erdogan doit
comprendre, dans son propre intérêt,
qu’il est temps d’abandonner les pantins
qu’il héberge, bien qu’ils aient fermé
les yeux sur les vols, assassinats, et
destruction des infrastructures de leur
patrie, et qu’ils n’aient rien trouver à
redire devant l’atteinte à sa
souveraineté par la nomination d’un Wali
turc sur la région Nord de leur pays.
Ceux-là sont des traîtres aux yeux de
l’opinion publique syrienne et arabe et
n’ont pas leur place en Syrie !
Raisons de l’intensification des actes
terroristes
Toute personne qui observe avec
objectivité les affrontements qui se
déroulent actuellement sur la scène
syrienne ne peut ne pas constater que
les groupes terroristes et les
combattants armés qui rêvaient d’abattre
l’État syrien par le feu et le sang,
selon des opérations baptisées du nom de
toutes les intempéries ou séismes, n’ont
pas réussi à étendre leur autorité, du
moins dans le vrai sens de ce terme.
Bien qu’ils soient entrés,
sortis, puis revenus dans plusieurs
régions du pays, ils n’ont pas réussi à
garder leurs positions et sont même
devenus incapables d’en visiter de
nouvelles, pour pratiquer leur
terrorisme professionnel à tout va.
Aujourd’hui, nous voyons que l’Armée
arabe syrienne est passée à la contre-
attaque leur infligeant de lourdes
pertes, et que le peuple syrien
participe à sa propre défense à travers
des Comités populaires et des Forces
spéciales constituées par des
volontaires à travers tous le pays. Les
terroristes, se voyant acculés à
l’échec, redoublent de violence et
tendent à pratiquer un maximum de
massacres collectifs avec la mentalité
du joueur et l’énergie du désespoir.
Ceci pour quatre raisons :
1.
Relever le moral de leurs troupes.
2.
Maintenir la confiance et les aides de
leurs « souteneurs ».
3.
Se venger du peuple syrien qui les
aurait laissé tomber.
4.
Faire pression sur les parties
concernées par les négociations pour les
sauver, sans qu’ils en sortent
totalement perdants.
Autrement dit, ils sont engagés dans un
cul de sac. Leur pari consistant à
cibler les civils par des voitures
piégées, des attentats suicides, et des
bombardements à distance signent leur
incapacité militaire, tandis que leur
choix de jouer avec la vie et le sang
des Syriens, avec autant de sauvagerie,
les a démasqués et a poussé ceux qu’ils
avaient égarés à soutenir leur État et
leur Armée.
Assistons-nous aux signes avant-coureurs
de la victoire de la Syrie ? Ici, il
nous faut dire que le destin des Syriens
est de payer le prix cher pour leur
liberté et leur souveraineté, un prix
qui reste cependant moins élevé que le
prix payé par celui qui les perdrait
pour devenir l’esclave de l'étranger,
comme c'est le cas de beaucoup d’Arabes
et de Musulmans !
Dr. Amin Hoteit
24 /01/ 2013
D’après 2 articles originaux : Al-Tayyar
/ Cham Press
http://www.tayyar.org/Tayyar/News/PoliticalNews/ar-LB/amine-hoteit-hh-9562.htm
http://www.champress.net/index.php?q=ar/Article/view/13889
Article traduit de l’arabe par Mouna-Alno-Nakhal
pour Mondialisation.ca
Notes :
[1] Une minute de silence en solidarité
avec l'Université d'Alep - Mercredi 23
janvier à 12h
http://www.univ-paris-diderot.fr/sc/site.php?bc=accueil&np=pageActu&ref=4712
[2] Université d'Alep (Syrie) bombardée:
une minute de silence à l'université de
Rennes 2
http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Universite-d-Alep-Syrie-bombardee-une-minute-de-silence-a-l-universite-de-Rennes-2_40771-2156191-pere-bre_filDMA.Htm
[3] Minutes de silence et manifestations
des étudiants syriens de toutes les
universités de la patrie, pour affirmer
que le terrorisme ne pourra les empêcher
de poursuivre leur objectif d’apprendre
et de comprendre.
وقفات حداد نظمها طلاب سورية على امتداد
جامعات الوطن ليعلنوا ان الارهاب لن
يثنيهم عن متابعة رسالة العلم والمعرفة
http://www.youtube.com/watch?v=vzXlgvLUu30
[4]
German Journalist Manuel Ochsenreiter on
RT about Aleppo University bombing
http://www.youtube.com/watch?v=ZRsipX6kytc
[5] Alep assiégée, future «ville
symbole»? Par le colonel Jean-Louis
Dufour
http://www.leconomiste.com/article/897159-alep-assi-g-e-future-ville-symbole-par-le-colonel-jean-louis-dufour
[6] Le tweet de Jean-François Kahn -
Alep, ce carnage qui nous laisse froid
http://www.huffingtonpost.fr/2013/01/16/mali-carnage-conflit-tweet-kahn_n_2486185.html
Le Docteur Amin Hoteit est
libanais, analyste politique, expert en
stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
Le
dossier Syrie
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