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Assassinat de Rafik Hariri
Le complot,
la preuve par l'image
Amar Djerrad
Mardi 24 août 2010
Dans le
quotidien en ligne “Al-Intikad”, M. Yves Bonnet,
ex-patron de la DST française, s’interroge sur les motifs qui
pousseraient le Hezbollah à tuer Hariri, “pour se mettre la
société libanaise à dos ? Ou donner au monde un motif pour le
combattre ?”
L’assassinat de
Rafik Hariri n’a cessé de mettre le Liban dans une situation de
trouble latent. La mise en place d’un Tribunal spécial pour le
Liban, imposé au vu des conditions de l’époque afin de faire la
lumière sur cet assassinat, s’est avéré sujet à des injonctions
politiques visant à lui faire prendre une seule direction de
recherche. Celui d’impliquer soit la Syrie, soit des éléments
libanais choisis, mais jamais vers celui considéré comme le seul
ennemi régional bénéficiaire de cet assassinat.
En fait, Israël ne s’est jamais remis de l’humiliation qu’il a
subie après l’effondrement du mythe de l’invincibilité de son
armée, que lui a infligée la résistance en 2006.
Toutes les tentatives de rétablir ce mythe ont échoué.
L’impression de force qu’il affiche en menaçant l’Iran, la Syrie
et le Liban relève plus d’une réaction éperdue, surtout quand on
sait que le sionisme s’est embourbé dans une situation de “ni
guerre ni paix” suite aux nouvelles capacités de riposte des
pays de la région. Il ne lui restait d’issue que d’user de la
guerre subversive faite d’assassinats, de raids fictifs, de
projets de déstabilisation, à défaut de guerre directe.
La Syrie et le Hezbollah sont bien l’obstacle à son hégémonie et
le TSL l’opportunité d’opérer pour y fomenter des troubles.
Après un premier échec du TSL lorsqu’il fallait accuser la Syrie
et des officiers sur la base de faux témoignages, voilà que des
fuites dévoilent une autre tentative pour impliquer cette
fois-ci celui à l’origine de l’effondrement du mythe,
c’est-à-dire le Hezbollah, dans cet assassinat, et ce sur
la base d’enregistrements téléphoniques dont les réseaux se sont
avérés sous contrôle d’Israël suite au démantèlement de
l’important réseau d’espionnage au profit des sionistes.
Cette volonté de dévoyer, encore une fois, la vérité se remarque
dans les spéculations et bavardages des responsables et experts
Israéliens — que relaient les journaux Deir Spiegel et le Figaro
— bien avant la divulgation de l’acte d’accusation, avec
détails, si l’on en croit la 1re chaîne israélienne qui cite les
noms qui seront contenus dans cet acte. Le chef de l'armée
israélienne, Ashkenazi, prédit “des moments difficiles pour le
Hezbollah, lorsque le TSL émettra son acte d’inculpation”.
L’expert A. Granott se permet même cette digression :
“Actuellement, le Liban se trouve sur un baril de poudre qui va
exploser lorsque le Tribunal va pointer du doigt un responsable
du Hezbollah (…) le désignant de principal accusé dans la
liquidation de Hariri (…).” Dans le quotidien en ligne “Al-Intikad”,
M. Yves Bonnet, ex-patron de la DST française, s’interroge sur
les motifs qui pousseraient le Hezbollah à tuer Hariri, “pour se
mettre la société libanaise à dos ? Ou donner au monde un motif
pour le combattre ?” Il questionne sur les raisons pour
lesquelles la “piste israélienne” est exclue en assurant
qu’Israël “possède une longue expérience et une histoire ancrée
dans les assassinats politiques, et de plus, les Israéliens
possèdent certainement les capacités techniques et les
renseignements pour mener cette opération”. Il conseille enfin
de “reprendre l’interrogatoire (…) des faux témoins (…) et de
chercher la partie qui a un intérêt véritable dans l’assassinat
(…) dans les circonstances vécues par la région en 2005”.
Cette piste vient d’être inaugurée par le SG du Hezbollah lors
de la conférence de presse du 9 août dernier où il porte de
sérieux soupçons sur Israël en présentant des indices
compromettants.
Ses affirmations sont étayées par des séquences vidéo capturées
par des drones israéliens et des enregistrements d’aveux
d’agents collabos d’Israël. Les images prises par des drones
israéliens, au-dessus de Beyrouth, montrent, sous différents
angles, à des périodes différentes, les 2 trajets les plus
utilisés de Rafik Hariri. Elles détaillent l’itinéraire emprunté
avec ses routes, ses croisements, ses virages, le domicile de
Hariri, le palais ministériel du Sérail, la côte de Beyrouth,
jusqu’au lieu de son assassinat à la voiture piégée qui a coûté
aussi la vie à 22 autres personnes.
Des cercles en rouge signalent les points stratégiques choisis.
Il a révélé qu’un avion de type Awaks, conçu pour superviser et
contrôler des opérations militaires, a survolé le large des
côtes libanaises le jour même de son assassinat, alors que des
avions de combat israéliens ont survolé le lieu de l'assassinat
la veille, le jour et après son assassinat. Il signale aussi une
intense activité électronique israélienne durant cette période.
Il a aussi diffusé une séquence montrant des agents d'Israël
avouant leur rôle dans l'assassinat. Surtout celle d’un certain
Ahmed Nasrallah qui a été chargé d’envoyer de faux
renseignements à Rafik Hariri en faisant croire que le Hezbollah
projetait de l’assassiner. Le dernier indice révélé est la
présence d’un des agents exécutifs — celui qui a avoué son
lien dans l’assassinat de Ghaleb, Ghassan al-Jedd — la veille de
l’assassinat de Rafic Hariri sur le lieu du crime. On saisit dès
lors cette fougue sioniste à instrumentaliser un tribunal qui a
failli dans sa 1re enquête et cette détermination, dans cette
2re enquête, à incriminer la résistance sur d’autres faux
éléments. Le gouvernement libanais, de son côté, n’a pas manqué
de prendre des dispositions devant ces graves révélations en
demandant au Hezbollah la remise du dossier pour sa transmission
au tribunal chargé de l’enquête. D’une part, pour la vérité, et
d’autre part pour préserver une coalition difficilement
réalisée. Car beaucoup rejetterons une éventuelle implication du
Hezbollah après la ‘bourde’ avec la Syrie. Parallèlement, le
ministre de la Justice a été chargé du dossier des faux témoins
(qui ont fourvoyé la 1re enquête), car cette question est
primordiale ; elle doit permettre de remonter jusqu’aux
commanditaires. Le TSL — qui s’est basé dans sa précédente
enquête sur des témoins qui se sont avérés de ‘faux témoins’ —
se doit, naturellement, de les rappeler pour en savoir plus sur
les raisons de leur geste.
L’apparition de ces éléments nouveaux n’a pas manqué de presser
le procureur Bellemare à demander qu’on lui soumette les
éléments dévoilés. Ce qui l’obligera à revoir les
‘preuves’ se basant sur des enregistrements téléphoniques
sûrement pollués et vraisemblablement falsifiés. Une source
libanaise proche de l'enquête, citée par Al Sharq Al Awsat,
affirme déjà que le TSL prend “très au sérieux les documents ...
qui sont soumis à un contrôle très méticuleux… ”. Ce qui présume
le report de l’acte d’accusation “vers la première moitié de
novembre au plus tard”, selon la source.
Selon les premières réactions, on relève, d’après le journal Es
Safir, celle du PM libanais Saad Hariri qui déclare que le “TSL
doit prendre au sérieux les idées proposées”, car il s’agit
“d’informations et des documents qui ne peuvent être ignorés”.
Il exige d’interroger les Israéliens “si Israël s’y refuse,
alors il ne sera plus accusé mais condamné !” D’autres
acteurs politiques sont convaincus que le TSL est bien un
instrument au service d’une cause autre que la vérité sur un
assassinat.
À l’exemple de Souleiman Frangié qui affirme que le TSL est un
“tribunal israélo-américain”. On note aussi une étude allemande
financée par le ministère allemand des Affaires étrangères qui
relève des bavures et lacunes dans l’exécution de l’opération
d’assassinat de Rafik Hariri. Et de les présenter, en les
expliquant, comme preuves que le Hezbollah est hors de cause.
Du côté israélien, les médias sionistes qui suivaient la
conférence de presse, dans le but de ridiculiser les ‘preuves’
que le SG présenterait, étaient tellement abasourdis et
choqués de la puissance du Hezbollah à capter les images filmées
par leurs avions de reconnaissance que soudainement la
couverture médiatique fut complètement interrompue !
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Publié le 24 août 2010 avec l'aimable autorisation de
Liberté.
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