Tribune
La Syrie, la
Russie et la France
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 19 décembre
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
"La Russie, qui est le principal
obstacle pour une intervention efficace
afin d'arrêter les combats et les
meurtres, est en train de perdre".
Ces propos absolument stupéfiants
sont ceux tenus par Bernard Kouchner,
l’ancien ministre des Affaires
Etrangères françaises, dans une
interview sur Europe 1 le 13
décembre dernier. Celui-ci rajoutera
dans l’interview qu’il aurait: "préféré
une intervention militaire" et que "les
français sont avec les anglais le moteur
politique pour le départ du dictateur
Assad".
Cette déclaration intervient alors
qu’une fois de plus le mainstream
médiatique a complètement occulté la
réalité pour tenter de faire porter à la
Russie une responsabilité qui n’est pas
la sienne. Les grands médias se sont en
effet jetés sur une annonce qui n’en
était pas une pour affirmer que la
Russie "lâchait
Bashar", "abandonnait
Bashar", "envisageait
la défaite de Bashar", "perdait
confiance", "envisageait une
victoire de l’opposition" quand elle
ne faisait pas simplement "marche
arrière". Les médias se basaient sur
une
déclaration faite par le
vice-ministre des Affaires étrangères
Mikhaïl Bogdanov aurait reconnu la
"possibilité d'une victoire de
l'opposition syrienne". Malheureusement
la seconde partie de la phrase a été
oubliée (volontairement sans doute) par
les correspondants du mainstream
médiatique et cette seconde partie
était: "… Si elle est soutenue de
l’extérieur", ce qui on en conviendra
change le sens de la phrase.
Ce n’est pas la première fois que la
Russie est prise à partie dans cette
guerre médiatique contre la Syrie et
c’est la seconde fois que Michael
Bogdanov est pris à partie par des
medias. En aout dernier, un journal
Algérien avait en effet affirmé que
celui-ci émettait des doutes sur
l’avenir du président Assad, ce qui
avait été
démenti de la même façon: le vice
ministre n’avait donné aucune interview.
Un mois plus tôt, c’est l’ambassadeur de
Russie en France Alexandre Orlov qui
s’était vu attribuer
une phrase totalement sortie de son
contexte et qui avait été démentie tant
par le ministère syrien de l’information
que par
l’ambassadeur lui même.
Il n’a pas fallu 24 heures pour que
le Ministère des affaires étrangères
russe clarifie la situation et
rappelle de nouveau les journalistes
à la réalité et aux faits: "nous
voudrions noter que monsieur Bogdanov
n'a fait dernièrement aucune déclaration
officielle ni donné d'interviews
spéciales aux journalistes". Pas de
chance donc pour les journalistes
français, qui se sont une énième fois
totalement trompés : la Russie ne compte
pas infléchir sa position sur la Syrie.
La position de la Russie reste ferme en
plus elle vient de recevoir
le soutien du Brésil, qui consolide
un regroupement diplomatique
Russie/Chine (BRIC) opposé a une
intervention militaire, et qui cette
fois ne devrait vraisemblablement pas
laisser se répéter le scenario Libyen.
Il est difficile d’imaginer les
futurs développements en Syrie. La
pression sur le régime Syrien n’a jamais
été aussi forte, pendant que le front
intérieur s’est inexorablement déplacé
vers le centre politique du pays, tout
en tournant de plus en plus à
l’affrontement anarchique entre
communautés. Pourtant, si la montée en
puissance des groupes Islamistes
radicaux et des mercenaires Djihadistes
étrangers est
évidente au sein de l’opposition, le
recours croissant au terrorisme prouve
sans nul doute leur impuissance face à
l'armée syrienne qui a remporté tous les
affrontements urbains d’Alep à Damas.
On peut quand même se demander ce qui
pourrait se passer si ces affiliés
d’Al-Qaïda venaient à bénéficier d’un
affaiblissement majeur, voire total du
pouvoir Syrien, et à s’emparer de sites
chimiques ou d’une quantité d’armes
importantes, que l’on pourrait retrouver
impliquées dans des actes terroristes
contre des pays européens. Les images
des islamistes du
Front Al Nosra en train de faire des
tests chimiques sur des animaux
après la prise d’un centre de recherche
(serait ce celui de
la base Souleimane?) devrait faire
réfléchir les commentateurs, analyses et
décideurs occidentaux. Que dire de
cette interview de leur commandant
qui présente ses recrues étrangères et
dit être prêt au Djihad contre les pays
de l’Ouest y compris et l’Amérique?
De nombreux radicaux islamistes qui
combattent en Syrie (et ont capturé la
journaliste Ukrainienne
Anhar Kotchneva qu’ils menacent
d’exécuter) viennent en outre
officiellement
d’appeler à "ce qu’aucun citoyen
russe, Ukrainien ou Iranien ne sorte
vivant de Syrie" et à des attaques
contre les ambassades de l’Ukraine et la
Russie. Une
déclaration de guerre contre la
Russie qui fait suite aux récents appels
hostiles de leaders Islamistes radicaux
contre la Russie, qui vont dans le sens
des
discours prononcés par les tenants
de cet Islam radical en Turquie, lors de
la visite de Vladimir Poutine le mois
dernier, ou encore de ceux des nombreux
islamistes étrangers qui combattent
en Syrie.
Dans ce contexte on peut se demander
si les propos de Bernard Kouchner ont
une quelconque utilité. Pour l’instant
l’Armée Syrienne empêche la situation de
virer à un chaos dont on peut se
demander ce qu’il pourrait amener dans
la région et même au delà. Si en Syrie
certains se battent pour le départ d’Assad,
d’autres se battent pour l’établissement
d’un émirat Islamique (sur le modèle des
Talibans comme expliqué
ici) et près de la moitie de la
population se bat simplement pour la
survie des minorités. Michael Bogdanov
ajoutait dans sa déclaration que "La
lutte va devenir de plus en plus intense
et la Syrie va perdre des dizaines –
peut-être des centaines – de milliers de
civils".
Alors que l’Onu parle elle
d’envoyer 10.000 hommes sur le
terrain, une chose semble aujourd’hui
certaine si la situation internationale
reste en l’état: cette guerre ne fait
peut être que commencer.
L’opinion exprimée dans cet
article ne coïncide pas forcement avec
la position de la rédaction, l'auteur
étant extérieur à RIA Novosti.
Alexandre Latsa
est
un journaliste français qui vit en
Russie et anime le site DISSONANCE,
destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
© 2012
RIA Novosti
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