Opinion
La guerre en Syrie
menace toute la région
d'un bain de sang sectaire
Alex
Lantier
Samedi 22 juin 2013
La stratégie de Washington au
Moyen-Orient est apparue très clairement
ces dernières semaines : son objectif
est d’exploiter les divisions sectaires,
notamment entre musulmans sunnites et
les chiites afin de restructurer le
Moyen-Orient conformément à ses
intérêts.
Dans le but de combattre le régime
alaouite chiite dirigé par le président
syrien Bachar al Assad, les États-Unis
ont mobilisé un assortiment de forces de
guérilla sunnites islamistes au sein
duquel les forces d’al-Qaïda jouent un
rôle majeur. Les États-Unis considèrent
à présent que l’incitation de tensions
religieuses dans la région est le
meilleur moyen de construire une base
plus large pour une politique
d’isolement et de ciblage de l’Iran, un
État à dominance chiite allié à des
régimes arabes dirigés par des chiites
en Syrie et en Irak ainsi qu’à la milice
chiite libanaise du Hezbollah.
Ces derniers mois on a vu:
* Le président islamiste d’Égypte,
Mohamed Morsi, rompre cette semaine
toutes les relations diplomatiques avec
la Syrie après que l’Égypte a accueilli
à Doha une réunion de 70 organisations
religieuses sunnites qui ont publié une
déclaration appelant à «mener toutes les
formes de djihad, celui de l’esprit, de
l’argent et des armes.»
* Le religieux qatari basé en Égypte,
Cheikh al Youssef al-Qaradawi, qui avait
participé à la réunion à Doha, avait
déjà publié un appel mondial aux
sunnites de mener une guerre sainte en
Syrie. «Chaque musulman préparé au
combat et capable de combattre doit se
rendre disponible… Comment 100 millions
de chiites pourraient-ils vaincre 1,7
milliard de sunnites ? C’est seulement
parce que les musulmans [sunnites] sont
faibles», avait-il précisé.
* En Turquie, Washington est en train
de soutenir le premier ministre Recep
Tayyip Erdogan alors qu’il s’est mis à
écraser brutalement les protestations
contre son gouvernement islamiste et son
appui pour la guerre en Syrie.
* En Arabie Saoudite où vivent des
dizaines de milliers de chiites
libanais, la monarchie projette
d’expulser les partisans du Hezbollah en
représailles au soutien que ce dernier
apporte à Assad.
Les implications abominables de la
politique de Washington ont même été
reconnues par l’ancien ambassadeur
américain en Yougoslavie, Peter
Galbraith, qui a remarqué : «Le prochain
génocide dans le monde aura lieu
vraisemblablement contre les Alaouites
en Syrie.»
Les deux importantes préoccupations
qui motivent la politique impérialiste
américaine sont : d’abord, faire
obstacle à la radicalisation des masses
et à l’unification des luttes
révolutionnaires de la classe ouvrière,
comme ce fut le cas en 2011 contre les
dictatures soutenues par les États-Unis
en Égypte et en Tunisie ; ensuite,
l’établissement par la force de leur
hégémonie incontestée sur cette région
stratégique riche en pétrole. Depuis
2011, les États-Unis sont entrés en
guerre, d’abord en Libye puis en Syrie.
Alors que des détachements de
l’opposition appuyés par les forces
spéciales de l’OTAN et des avions de
combat ont réussi à renverser le régime
libyen et à assassiner le colonel libyen
Mouammar Kadhafi, le gouvernement Assad
à Damas s’est avéré trop fort pour être
renversé par les milices islamistes.
Des masses de travailleurs ressentent
que l’incitation de tensions sectaires
aura des conséquences catastrophiques.
De récents sondages ont montré que 15
pour cent seulement des Américains sont
en faveur d’une aide pour le
renforcement de l’opposition syrienne et
28 pour cent seulement de Turcs appuient
la politique de guerre d’Erdogan. Un
sondage réalisé le mois dernier par le
Pew Research Center a trouvé que 80 pour
cent des Libanais étaient hostiles à un
armement de l’opposition syrienne par
les États-Unis – dont 66 pour cent de
sunnites libanais – tout comme 59 pour
cent d’Égyptiens et 60 pour cent de
Tunisiens.
La base de la stratégie
anti-impérialiste est de lutter pour
l’unification de la classe ouvrière dans
une lutte révolutionnaire commune contre
la guerre. Cette lutte, que les
soulèvements de 2011 en Égypte et en
Tunisie ont anticipée, ne peut avoir
lieu que sur la base d’une lutte
internationale pour le socialisme et
pour le pouvoir ouvrier, allant au-delà
de tous les clivages ethniques et
sectaires.
Contrairement à ce que disent les
médias dans leurs articles sur le
Moyen-Orient qu’ils décrivent comme
débordant de haines religieuses, il
existe une longue tradition de luttes
socialistes menées par sa classe
ouvrière. Après la Seconde Guerre
mondiale, il y a eu des Partis
communistes de masse dans tous les
principaux Etats de la région – en
Syrie, en Irak, en Iran, en Égypte et
au-delà. La tragédie a été que ces
partis étaient dominés par des
directions staliniennes qui ont noué des
alliances politiques
contre-révolutionnaires avec les
directions bourgeoises nationales du
Moyen-Orient, tel le régime syrien
baasiste d’Assad.
Ceci a mené, d’un pays à l’autre, à
la catastrophe Washington et ses alliés
impérialistes européens étant en mesure
de manipuler les tensions
ethno-sectaires et de promouvoir des
forces islamistes droitières, depuis les
Moudjahiddines sunnites dans la guerre
soviéto-afghane des années 1980, d’où
est issu al-Qaïda, jusqu’aux islamistes
liés à al-Qaïda dans les guerres
actuelles en Libye et en Syrie.
Dans la période actuelle
d’intensification de la crise politique
et économique, la possibilité se
présente à nouveau de construire de
nouvelles directions socialistes au sein
de la classe ouvrière.
La lutte du mouvement trotskyste
contre les trahisons du stalinisme se
poursuit dans la lutte du Comité
international de la Quatrième
Internationale (CIQI) contre la
politique réactionnaire pro-impérialiste
de la pseudo-gauche – des partis comme
l’International Socialist Organization
aux États-Unis, le Nouveau Parti
anticapitaliste en France, le Socialist
Workers Party en Grande-Bretagne, La
Gauche en Allemagne [Die Linke,
l’homologue allemand du Parti de Gauche
de Jean-Luc Mélenchon] et les
Socialistes révolutionnaires en Égypte.
Ils ont tous salué la mise en place des
régimes islamistes
contre-révolutionnaires en Égypte et en
Tunisie comme étant un pas en avant vers
la démocratie et les guerres
impérialistes en Libye et en Syrie comme
des «révolutions.»
Ils portent une responsabilité
directe pour le bain de sang sectaire
qui menace actuellement tout le
Moyen-Orient. C’est sur la base de la
lutte du CIQI contre la politique
pro-impérialiste de ces derniers qu’un
mouvement socialiste sera reconstruit au
Moyen-Orient.
(Article original paru le 21 juin
2013)
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Publié le 22 juin 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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