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500 millions de dollars contre le
Hezbollah
Alain Gresh
Alain Gresh
Mercredi 30 juin 2010 Jeffrey D. Feltman, assistant de la
secrétaire d’Etat américaine et responsable du bureau des
affaires du Proche-Orient, et Daniel Benjamin, coordinateur du
bureau de lutte contre le terrorisme, ont témoigné devant une
commission du Sénat le 8 juin 2010. Il s’agissait d’évaluer
la force du Hezbollah.
Concluant leur témoignage, ils ont déclaré :
« Les Etats-Unis continuent de prendre très au sérieux les
menaces que le Hezbollah fait peser sur les Etats-Unis, le
Liban, Israël et l’ensemble de la région. Nous avons déployé de
grands efforts diplomatiques, à travers la lutte antiterroriste
et une aide matérielle, pour réduire cette menace et cette
influence du Hezbollah dans la région et promouvoir la paix, la
stabilité et la prospérité à travers le Proche-Orient. »
L’ensemble du développement reprend les analyses de
l’administration précédente sur le Hezbollah, définissant
celle-ci comme une organisation terroriste responsable notamment
de
la guerre de l’été 2006. Elle est aussi « l’une des
milices les mieux armées et les plus dangereuses dans le
monde ».
Mais le plus intéressant, c’est la reconnaissance de l’aide
directe apportée par les Etats-Unis aux forces libanaises qui
luttent contre le Hezbollah.
« Les Etats-Unis fournissent une assistance et un appui à
tous ceux qui, au Liban, travaillent pour créer des alternatives
à l’extrémisme et réduire l’influence du Hezbollah dans la
jeunesse. (...) A travers l’USAID et la Middle East Partnership
Initiative (MEPI), nous avons contribué depuis 2006 à hauteur de
plus de 500 millions de dollars à cet effort. Cette assistance
substantielle représente l’une des facettes de notre soutien
inaltérable au peuple libanais et à l’instauration d’un Liban
fort, souverain, stable et démocratique. Depuis 2006, notre aide
totale au Liban a dépassé le milliard de dollars. Si nous
laissions tomber les millions de Libanais qui veulent un Etat
représentant les aspirations de tous les Libanais, nous
créerions les conditions par lesquelles le Hezbollah pourrait
remplir le vide et devenir encore plus fort. »
Que des pays étrangers s’ingèrent dans les affaires
libanaises, on s’en doutait. Le Liban est, depuis longtemps, un
champ d’affrontements de puissances régionales, de l’Iran à
Israël, de la Syrie à l’Arabie saoudite. Plus inhabituel est le
fait qu’une grande puissance reconnaisse ouvertement qu’elle
mène une action permanente contre l’une des principales forces
du pays, force qui participe, par ailleurs, au gouvernement. Ces
pratiques américaines rappellent les interventions des
Etats-Unis en France ou en Italie durant la guerre froide contre
les partis communistes.
Le Hezbollah, qui a rendu public
son nouveau programme le 1er décembre 2009, est la seule
force libanaise qui maintient une milice armée.
La déclaration américaine a soulevé un vif débat au Liban
quand elle a été connue, à partir du 22-24 juin. Le Hezbollah a
affirmé qu’il déposerait plainte contre les Etats-Unis devant
les tribunaux.
Dans le quotidien libanais Al-Safir du 29 juin, Nabil
Haitam affirme qu’une liste de 700 noms de personnes et
d’organisations ayant bénéficié de l’aide américaine circule, et
que certains ont reçu des sommes comprises entre 100 000 et
2 millions de dollars. Le journaliste s’interroge :
« Quelles clauses du code pénal ces groupes ou personnes
ont-ils violées ? Est-ce que contacter ou agir avec un Etat
étranger, et travailler avec cet Etat en échange d’argent à une
campagne visant l’une des composantes de la société libanaise –
une campagne qui pourrait avoir déstabilisé la société –, est
légal ? » (...)
Et Haitam se demande pourquoi Feltman a rendu cette
information publique, d’autant qu’elle risque d’embarrasser des
alliés des Etats-Unis au Liban. Selon lui, l’ambassade
américaine à Beyrouth a rassuré ses alliés en leur affirmant que
Feltman voulait simplement montrer au Congrès que les Etats-Unis
agissaient au Liban et qu’il n’est pas question qu’ils révèlent
des noms.
Autre son de cloche avec l’éditorial de Tariq Alhomayed,
rédacteur en chef du quotidien panarabe pro-saoudien Al-Sharq
Al-Awsat (23 juin) : « Hezbollah
wants transparency ? ». Il cite le député Nawaf Al-Moussaoui,
qui a déclaré que « si l’ambassade américaine veut être
transparente, alors qu’elle donne la liste des noms de ceux qui
ont reçu la plus grande partie de cet argent, dont il est dit
qu’il a aidé le peuple libanais ».
Alhomayed soulève la question du financement du Hezbollah,
que le secrétaire général de ce parti,
Hassan Nasrallah, qualifie « d’argent pur ».
« Comment cet argent arrive-t-il au Liban ? Qui le
reçoit ? Qui le distribue ? Combien a été dépensé pour les
médias et pour acheter des journalistes et des politiciens ?
Combien a été dépensé pour acheter des armes ? Combien a été
dépensé pour dédommager les victimes de la guerre de 2006, comme
le Hezbollah s’y était engagé ? »
Questions intéressantes venant d’un journal notoirement
financé par l’Arabie saoudite, qui a arrosé le Liban pour y
acheter journalistes et responsables politiques...
Et Alhomayed pose un autre problème :
« Si le Hezbollah veut la transparence, alors il devrait y
avoir la transparence sur tous les sujets. (...) Et le
Hezbollah doit faire ce qu’il demande aux Américains. » Le
journaliste demande que le Hezbollah fasse la lumière sur un
scandale financier lié à l’homme d’affaires Salah Ezzedine, dont
la faillite a provoqué la ruine de nombreux Libanais. Or, cet
homme d’affaires, selon le journaliste, avait de nombreuses
connexions avec des membres du Hezbollah.
Notons aussi qu’aux Etats-Unis, certains se prononcent pour
un dialogue avec le Hezbollah. Ainsi, William Crocker, ancien
ambassadeur en Irak entre 2007 et 2009 (nommé par le président
George W. Bush), s’est prononcé en ce sens devant le comité des
affaires étrangères du Sénat (« Former
US envoy favors talking to Lebanese resistance », The
Daily Star, 10 juin).
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Gresh
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