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Blog Monde diplo
Lobby juif pour la paix aux
Etats-Unis.
Alain Gresh
L’idée de la formation d’un lobby juif aux
Etats-Unis prend de la vitesse aux Etats-Unis, si l’on en croit
un article du Financial Times du 24 octobre, « Jewish
lobby for peace with Palestinians gathers pace in US ».
Selon le quotidien britannique, « George
Soros, le financier et le philantrope serait, selon des amis, prêt
à donner son appui à une nouvelle initiative pour une
alternative influente qui ferait du lobbying pour un engagement américain
et pour une solution négociée fondée sur deux Etats ».
Le journal rappelle que le débat sur les relations entre les
Etats-Unis et Israël a été relancé par l’étude deux spécialistes
des sciences politiques John Mearsheimer et Stephen Walt, que
j’ai longuement évoquée dans ce blog, « Débat
sur le rôle du lobby juif aux Etats-Unis ». Une lettre
de plus de 150 intellectuels, enseignants, anciens diplomates,
parmi lesquels de nombreux juifs, a dénoncé la campagne menée
par le lobby pro-israélien contre tous ceux qui ne partagent pas
ses vues, la comparant aux campagnes maccarthystes des années
1950. L’un des organisateurs de la lettre, le professeur Norman
Birnbaum (par ailleurs un vieux collaborateur du Monde
diplomatique) a déclaré au Financial Times
que le lobby pro-israélien avait « construit
un ghetto de Varsovie de l’esprit ». En conclusion
l’auteur de l’article, Guy Dinmore rappelle que, selon un récent
sondage, les Américains seraient très divisés sur le rôle du
lobby pro-israélien, 39% croyant qu’il a joué un rôle clef
dans le déclenchement de la guerre contre l’Irak, 40% étant
persuadés du contraire.
Mais ce lobby aura-t-il le courage d’aller à
l’encontre du puissant lobby pro-israélien représenté
notamment par le AmericanIsrael
Public Affairs Committee (AIPAC) ? Selon un blog tenu sur
le site du quotidien israélien Haaretz, « What
happens when U.S. Jews forward the peace process ? »
(Que se passe-t-il quand les juifs américains soutiennet le
processus de paix ?), neuf des personnes impliquées dans la
création de ce futur lobby ont fait la même réponse : « « Nous
ne nous opposons à l’AIPAC, mais nous voulons travailler à ses
côtés et faire avancer une cause que nous considérons comme
importante - encourager un rôle accru des Etats-Unis dans la
recherche d’une solution au conflit. » »
Toujours selon le journaliste de Haaretz, la
place de George Soros dans cette initiative est contestée car « certains
considèrent Soros comme un antisionniste et, dans le passé, il a
accusé Israël de provoquer de l’antisémitisme en Europe »
Le rôle du lobby et notamment de l’AIPAC
continue à faire débat dans les médias américains. Ainsi,
Justin Raimondo, chroniqueur du site Antiwar.com, publie le 23
octobre un texte intitulé : « The
Lobby, Unmasked The AIPAC spy scandal has many tentacles »
(Le lobby démasqué. Le scandale des espions de l’AIPAC a de
nombreuses ramifications)
« Le caractère exemplaire
d’Israël et son rôle clef comme un allié des Etats-Unis sont
au centre des principes de la politique étrangère des néoconservateurs,
et l’ont toujours été. Cela ne coïncide que de manière
tangentielle et par coïncidence avec la religion : la Sparte
du Proche-Orient représente tout l’esprit martial et le sens de
la "grandeur nationale" que les néoconservateurs
voudraient instiller ici aux Etats-Unis. Le soutien inconditionnel
d’Israël a toujours été au coeur de la stratégie
proche-orientale des néoconservateurs et ils ne s’en sont
jamais cachés. »
Mais, selon Justin Raimondo, qui cite Philip Weiss
du New York Observer : « Les
temps changent. Le prochain livre de Jimmy Carter va sortir, (...)
Walt et Mearsheimer publient un livre chez FSG. George Soros et le
Israel Policy Forum lancent un lobby pour contreblancer l’AIPAC,
peut-être pour être la gauche du gouvernement israélien.
C’est la perestroïka ! »
L’analogie avec la perestroïka n’est pas
exacte, affirme pourtant Raimondo. « Ce sont
les Soviets qui ont lancé la perestroïka, avec Gorbatchev
poussant pour une réforme venant du sommet, alors que les
partisans de ceux que Mearsheimer et Walt appellent "le
Lobby" (...) conscient qu’ils ne sont plus capables de
dicter les termes du débat, dénoncent et diffament leurs
adversaires comme des bigots. »
« Le scandale d’espionnage
de l’AIPAC, dans lequel des hauts responsables de
l’organisation, l’ancien pro-Israel “spark plug” (bougie
d’allumage, mais je n’ai pas trouvé une traduction correcte
AG) Steve Rosen, et l’analyste de politique étrangère
Keith Weissman ont été inculpés pour violation de l’Espionage
Act – est le signe que le courant s’inverse contre le Lobby.
Je serais surpris que l’AIPAC survive au procès de Rosen et
Weissman. Peut-être la coquille de l’organisation continuera à
exister, lorsqu’elle sera contrainte de se déclarer comme
l’agent d’une puissance étrangère, mais elle n’approchera
jamais plus l’efficacité qu’elle avait. Ce qui explique peut-être
pourquoi une nouvelle version plus "libérale" du lobby
est en voie de création. »
« En dépit des tentatives
brutales de cacher sous la bannière de "la liberté de
parole" ce qui apparaît comme un espionnage en faveur d’Israël,
il est clair selon les faits reprochés et reproduits
dans l’acte d’accusation et dans ce qu’ont écrit les médias,
que Rosen et Weissman rencontraient régulièrement des
responsables gouvernementaux et cherchaient à en obtenir des
documents classifiés qu’ils transmettaient au gouvernement israélien,
certains travaillant avec l’ambassade d’Israël à Washington »
(...)
« Nous apprenons aussi que
la membre de la Chambre Jane Harman (D-Calif.), un faucon démocrate
qui est la plus importante représentante de son parti à la
Comission du renseignement de la chambre, est sous investigation,
dans le cadre de l’enquête sur l’AIPAC. Un de ses assistants
a déjà été suspendu pour avoir transmis des informations du
rapport “National
Intelligence Estimate on Iraq” au New York Times (...). La
question toutefois posée par l’histoire Harman-AIPAC est :
à qui d’autre son bureau transmettait-il des informations et
dans quels buts ? »
« On peut répondre au moins
partiellement à la seconde partie de la question avec l’article
du Time Magazine sur l’enquête autour de Harman : on y
apprend que Nancy Pelosi, chef de la minorité démocrate à la
chambre, a lancé une campagne, avec l’appui de l’AIPAC et de
poids lourds pro-Israël comme Haim Saban pour tenter de maintenir
Harman à son poste. (...) . »
Selon Raimondo, le Lobby n’est donc pas
seulement un groupe qui tente de promouvoir Israël comme un allié
démocratique des Etats-Unis, « il
s’occupe aussi d’un autre service en faveur d’Israël,
l’espionnage ».
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