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Carnets du diplo
Iran :
négocier ou faire la guerre ?
Alain Gresh
Alors qu’est arrivé à échéance
l’ultimatum lancé à Téhéran par le Conseil de sécurité
pour suspendre son programme d’enrichissement d’uranium, les déclarations
belliqueuses d’une partie de l’administration américaine se
multiplient. Les
risques de guerre restent importants. En visite en Australie,
le vice-président Dick Cheney, a expliqué, dans un entretien au
journal Herald
Sun du 24 février, qu’il
n’y avait qu’une chose plus dangereuse qu’une confrontation
militaire avec l’Iran, et ce serait un Iran disposant de
l’arme atomique. Il a, à plusieurs reprises, répété que les
Etats-Unis n’excluaient aucune option.
Pourtant, la crédibilité des informations
fournies par les Etats-Unis à l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA) est sérieusement mise en cause par un article du Los
Angeles Time du 25 février, « U.N.
calls U.S. data on Iran’s nuclear aims unreliable »
(les Nations unies considèrent que les données américaines sur
le nucléraire iranien ne sont pas fiables), écrit par Bob Drogin
et Kim Murphy : « Des responsables de
l’AIEA ont affirmé que la CIA et les autres agences de
renseignement occidentales ont fourni des informations sensibles
à l’Agence au moins depuis 2002, quand le programme secret de
l’Iran a été dévoilé. Mais aucune de ces informations sur
des soi-disant sites secrets n’ont fourni des preuves claires
que la République islamique développé des armes illégales. »
Selon le titre d’un article du Monde,
« Ali
Akbar Velayati presse les Européens de "tempérer les
Etats-Unis" ». Cet homme, qui fut ministre des
affaires étrangères pendant dix-sept ans, et est depuis dix ans
le conseiller diplomatique du Guide de la révolution, Ali
Khamenei, explique à l’envoyée spéciale du quotidien,
Marie-Claude Descamps, que l’Iran est prêt à tout envisager, y
compris la suspension de son programme d’enrichissement :
« Nous avons déjà essayé
de suspendre l’enrichissement. On l’a fait pendant deux ans et
demi, et ça n’a rien réglé. Il y a aussi d’autres idées à
prendre en compte, comme celle de créer un consortium
international d’enrichissement d’uranium sur le sol iranien géré
par les Européens et avec toutes les garanties de contrôle de
l’AIEA. La France est tout à fait à même de former ce
consortium. Après tout, nous avons un passé de coopération et
de confiance avec la France qui voulait construire un réacteur
nucléaire à usage civil à Darakhoin près d’Ahwaz, dans les
années 1970. Nous-mêmes avons été et sommes encore
actionnaires d’Eurodif. Tout cela rend plus facile une reprise
des discussions sur ce projet avec la France, ce qui répondrait
aux inquiétudes de certains pays. Le moment est propice. »
Interrogé à propos de la position française et
du projet de voyage d’un émissaire français à Téhran, Ali
Akbar Velayati précise :
« C’est une très bonne idée.
Les intérêts communs de la France et de l’Iran font que ces
deux pays devraient se donner la main pour défendre le Liban. Des
consultations entre nous ne peuvent être que bénéfiques, au-delà
du Liban, pour tout le Moyen-Orient et le Golfe. A l’heure
actuelle, les Etats-Unis font cavalier seul au Moyen-Orient et cet
"unilatéralisme", dénoncé aussi par M. Poutine,
est mauvais. Mais force est de constater que l’Europe est
absente, elle ne joue plus aucun rôle au Moyen-Orient, je le déplore.
Une présence politique européenne dont la France serait le
moteur deviendrait un bon moyen de rééquilibrer la situation au
Moyen-Orient. »
Ces déclarations de Velayati confirment que différents
points de vue existent au sommet de l’Etat iranien. Les
critiques se multiplient en Iran à l’égard du président
Ahmadinejad, même si un consensus existe sur le droit du pays à
maîtriser l’énergie nucléaire. Il est évident qu’une
escalade militaire renforcerait, à l’intérieur, le camp le
plus extrémiste.
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