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Les blogs du Diplo
Un propagandiste
intéressé du régime tunisien
Alain Gresh

Alain Gresh
Vendredi 23 octobre 2009 Pauvre M. Ben Ali. Voici un homme au
pouvoir depuis plus de vingt ans, qui a tout fait pour le
développement de son pays, dont la femme s’associe activement à
la gestion économique et qui est incompris par les Occidentaux.
Le peuple tunisien unanime s’apprête à le réélire une quatrième
fois le 25 octobre et, malgré ce soutien interne unanime, il est
l’objet de campagnes de calomnies, de dénigrement. Heureusement,
il reste quelques courageux défenseurs de M. Ben Ali, qui, à
contre-courant, osent s’élever contre ces calomnies. Habitué des
plateaux de télévision français, se présentant comme un
démocrate, Antoine Sfeir, n’hésite pas. Il est déjà monté
au créneau à plusieurs reprises. Il le refait dans Le
Figaro du 23 octobre, « La
Tunisie, rempart contre la déferlante intégriste dans la région » :
(...) « La Tunisie a certainement un long chemin devant
elle, personne le conteste. Pourtant, force est de reconnaître
que le pays progresse régulièrement depuis l’arrivée au pouvoir
de Ben Ali. C’est un fait dont tous les organismes
internationaux font état dans leurs rapports. C’est cette
ouverture et cet assainissement progressifs de la vie publique
que je souhaite évoquer aujourd’hui, sans pour autant me voiler
la face sur les problèmes qu’il reste à résoudre.
(...)
La condition des femmes est également à mettre au crédit
du président sortant : avec 25 % de femmes au Parlement, la
Tunisie fait mieux que la France. Comme autrefois la Turquie,
qui avait accordé aux femmes le droit de vote dix ans avant la
France… Et tout le monde connaît le rôle actif des députés
tunisiens, hommes ou femmes !
En outre, la Tunisie a clairement choisi son camp dans la
lutte contre l’intégrisme religieux. Le régime est intransigeant
vis-à-vis de tout embryon de prosélytisme islamiste, mais mène
parallèlement à sa politique répressive une vaste campagne de
pédagogie, appuyée sur une pratique sereine et modérée de la
religion. C’est pour cette raison que le pays constitue
véritablement un rempart contre la déferlante intégriste dans la
région ; c’est pour cette raison également que la Tunisie est un
enjeu crucial, et une cible de choix pour l’islamisme et le
terrorisme. Si elle venait à tomber, il faudrait craindre à
nouveau pour l’Algérie, mais également le Maroc, la Libye et
peut-être même l’Égypte, tous menacés par un effet de dominos.
(...) Arrêtons-nous un moment de parler de la Tunisie pour
regarder les Tunisiens, qui, eux, agissent », écrit notre
courageux intellectuel. Il ne ménage pas sa peine et défend la
Tunisie partout où il peut.
Ainsi à Genève, au club de la presse où « la
Tunisie présente ses beaux atours » (sic !), écrit, sur le
site de La Tribune de Genève, Gorgui NDOYE dans son blog
Continent Premier, qui donne, paraît-il , « une autre
information sur l’Afrique ».
« Antoine Sfeir, le patron de la revue d’études et de
réflexion sur le monde arabe et musulman, l’auteur de
Tunisie, terre des paradoxes, paru en 2006 aux éditions de
l’Archipel, ouvrait le dernier Les Cahiers de l’orient,
la revue est consacrée au pays de Ben Ali sous le titre
“L’exception tunisienne”. Six grands textes aux titres
suggestifs ont l’ambition de présenter “les progrès (qui) ont
été accomplis sur la voie d’une démocratisation et d’un
assainissement de la vie publique” selon l’éditorial même de
Antoine Sfeir “Manger le raisin”. Ainsi peut-on lire : Un
rempart contre l’intégrisme, La Tunisie dans la cité, Patrimoine
archéologique et renouveau culturel, Des succès économiques
confirmés, Les instruments de solidarité.
Antoine Sfeir, déclare que Les Cahiers de l’Orient,
de l’hiver 2010, “cherche à montrer à quel point le peuple
tunisien occupe, de plus en plus, une place à part dans l’espace
arabe, et apparaît comme un exemple pour toute la région”. Un
exemple pour le monde arabe mais aussi pour l’Afrique. C’est du
moins, ce que croient certains journalistes africains. En
effet,quelques jours auparavant, des journalistes africains
co-auteurs du livre “La Tunisie émergente : une voie pour
l’Afrique ?”, publié aux Editions Médiane à Paris, présentaient
à Paris leur ouvrage de 262 pages, rassemblant dix-huit
contributions de journalistes et personnalités africaines de
diverses spécialités. »
Sfeir présentait son point de vue aux côtés de François
Béchet, auteur d’un autre livre d’apologie de M. Ben Alin (que
Sfeir a préfacé).
On comprend, dans ces conditions difficiles, que les livres
de Sfeir et de Béchet, que Les Cahiers de l’Orient,
soient massivement achetés par la Tunisie qui n’a d’ailleurs pas
le monopole de ces pratiques, plusieurs autres grands démocrates
africains finançant des livres à la gloire de leur très
démocratique république.
Ces livres et revues sont encensés sur tous les sites du
régime. Et les propos de Sfeir et consorts sont largement
repris, comme sur le site du journal La Presse, « La
classe moyenne au cœur du projet de société initié par le
Président Ben Ali » (23 octobre), qui loue le dernier numéro
de la revue de Sfeir, Les Cahiers de l’Orient, consacrée
à la Tunisie et qui écrit que « cette revue trimestrielle
d’études et de réflexion sur le monde arabe et musulman
souligne, dans son éditorial, l’osmose qui existe entre le
pouvoir et le peuple tunisien ».
Evidemment, il ne faut pas lésiner sur l’argent et les moyens
quand on doit combattre une propagande menée par tous les agents
de l’intégrisme en Europe, de tous ceux qui préféreraient voir
au pouvoir à Tunis un régime islamiste antidémocratique plutôt
que le grand démocrate que Ben Ali.
Voici quelques exemples de cette propagande hostile, qu’il
faut éviter à tout prix :
Nicolas Beau et Catherine Graciet, La régente de Carthage.
Main basse sur la Tunisie, La Découverte, un livre qui ose
mettre en cause Mme Ben Ali dans le système généralisé de
corruption de ce pays. L’ouvrage figure en tête des ventes des
meilleurs livres en France ce qui prouve le niveau de
désinformation en France — certaines mauvaises langues
prétendent que, comme à d’autres occasions, l’ambassade de
Tunisie à Paris a fait acheter des centaines d’exemplaires pour
« vider » les librairies de cette propagande néfaste.
Sur les soi-disant atteintes aux droits de la personne, en
dehors d’Amnesty
International et de Human Rights Watch, il existe un site
particulièrement nocif, celui du
Comité pour le
respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie
(CRLDHHT).
Il faut aussi dénoncer la journaliste du Monde,
Florence Beaugé, — justement refoulée de Tunisie le
21 octobre —, mais qui continue à publier : « En
Tunisie, une réussite économique mal partagée »
(23 octobre).
Enfin, Le Monde diplomatique lui-même participe à ces
campagnes de dénigrement : « Révolte
du “peuple des mines” en Tunisie », de Karine Gantin et
Omeyya Seddik, juillet 2008.
Heureusement, jusqu’à nouvel ordre, Le Monde et Le
Monde diplomatique, sont interdits d’entrée en Tunisie. Quel
citoyen tunisien, tout à son admiration inconditionnelle pour le
grand dirigeant, achèterait de telles feuilles ?
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