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Carnets du diplo

Guerre civile silencieuse au Liban
Alain Gresh

Il est difficile, en une semaine, de se faire une idée exacte de ce qui se passe au Liban, encore moins de faire des prédictions sur l’avenir. Le climat de cette dernière semaine, comme je l’ai écrit, est plutôt à l’optimisme prudent. Les rencontres, les premières depuis très longtemps, entre Nabih Berri, le président de l’Assemblée nationale et Saad Hariri, le chef du Courant du futur, sont des signes de détente. Pourtant, le pays vit une guerre civile silencieuse, qui peut, à tout moment, déboucher sur des affrontements armés.

Depuis la fin de la guerre menée par l’armée israélienne (juillet-août 2006), la crise économique ne cesse de s’aggraver. La destruction des infrastructures du pays, l’arrêt du tourisme, la peur des investisseurs, ont contribué à la paralysie du pays. Le déclenchement, par l’opposition – notamment le Hezbollah et le Courant patriotique libre du général Michel Aoun –, d’un mouvement populaire pour obtenir la démission du gouvernement, l’occupation du centre ville par un village de tentes où campent des militants, les manifestations ont évidemment compliqué la situation économique.

Les tensions communautaires et politiques se sont aussi aggravées. On signale des heurts entre sunnites et chiites (notamment à Beyrouth), entre alaouites et sunnites (à Tripoli) ; et les militants du Courant patriotique et des Forces libanaises (qui ont un lourd contentieux remontant à la fin des années 1980 quand les deux groupes s’étaient opposés dans une guerre civile qui fit plusieurs milliers de victimes), se sont afffrontés, notamment dans la montagne chrétienne. La présence visible de l’armée dans les rues de la capitale est évidemment un signe.

Les événements régionaux ont évidemment de fortes répercussions au Liban. Si la résistance du Hezbollah à l’attaque israélienne de l’été lui a valu de fortes sympathies dans le monde arabe sunnite, l’attitude des groupes sunnites libanais a été différente (lire l’article de Bernard Rougier, « Islamismes sunnites et Hezbollah », Le Monde diplomatique, janvier 2007). De plus, l’exécution de Saddam Hussein, et surtout les conditions de celle-ci, ont suscité une indignation très forte dans le monde arabe qui s’est retourné contre « les chiites » en général : contre l’Iran, qui s’est félicitée sans nuance de la mort du dirigeant irakien, et aussi du Hezbollah dont la réaction a pourtant été plus mesurée. La grille de lecture « affrontement chiites-sunnites » tente de s’imposer. On a ainsi pu voir à Gaza, lors de la grande manifestation organisée par Mohamed Dahlan en soutien au Fath, le 12 janvier 2007, la foule dénoncer les « chiites » du Hamas ! La violence des affrontements et des liquidations réciproques entre milices sunnites et chiites en Irak pèse aussi très lourd.

Le fossé de méfiance entre la majorité et l’opposition libanaise s’est renforcée au cours des mois précédents, et il ne semble subsister aucun niveau de confiance. Rares sont les personnalités capables de se présenter comme « médiatrices », comme « au-dessus » de la mêlée. Chacun des deux camps prête à l’autre les pires des intensions. Les surenchères sont nombreuses. Deux dirigeants de la majorité se distinguent par leur extrémisme, Walid Joumblatt, le dirigeant du Parti socialiste progressiste, et surtout leader « féodal » de la communauté druze. Il a réussi à s’imposer aussi comme porte-parole des sunnites (ceux-ci étant très divisés et ne disposant pas d’une leadership affirmé, notamment depuis l’assassinat de Rafic Hariri). On peut affirmer que Walid Joumblatt, qui été récemment reçu par le président Bush, a multiplié les voyages à Washington et les déclarations incendiaires, n’a aucun intérêt à la détente : un compromis ferait perdre à son parti qui ne représente qu’une toute petite communauté, le rôle central qu’il a acquis récemment au Liban. L’autre jusqu’au-boutiste est Samir Geagea, le leader des Forces libanaises, une milice bien organisée, qui serait aussi marginalisée en cas d’accord.

Une des questions posées est de savoir pourquoi la crise n’a éclaté qu’en novembre 2006, avec la démission des ministres proches du Hezbollah et du mouvement Amal de Nabih Berri. Le Hezbollah accuse notamment le gouvernement de "complaisance" à l’égard de l’attaque israélienne. Certains commentateurs y voient la preuve que la campagne menée contre le gouvernement n’a rien à voir avec la guerre, mais reflèterait d’autres calculs téléguidés par l’Iran. D’autres y voient une erreur tactique : si le Hezbollah s’était engagé contre le gouvernement dès la fin de la guerre, il aurait été dans une bien meilleure position : il sortait du conflit auréolé de la victoire et disposait d’un soutien dans de nombreux secteurs de l’opinion.

Le rôle des médias, notamment des télévisions, est aussi important dans l’actuelle exacerbation des tensions. La plupart des télévisions sont directement dépendante d’une force politique et interprètent les faits à partir des positions de leur propriétaire. On peut aussi parler de médias de guerre civile. Joseph Samaha, récemment décédé, rédacteur en chef du quotidien Al-Akhbar, pourtant proche de l’opposition, rappelait que les affrontements mettaient aux prises des Libanais et mettait en garde contre ces dérives.

 


Source : Carnets du diplo
http://blog.mondediplo.net/...


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