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La présidence mène une campagne contre le ministère des
Affaires étrangères »
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Ministre palestinien des Affaires étrangères,
appartenant au mouvement islamiste Hamas, Mahmoud
Al-Zahar explique les divergences avec le président
Abou-Mazen sur la conduite de l’action extérieure
palestinienne.
Gaza,
De notre correspondant —
Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous votre
action à la tête du ministère des Affaires étrangères après
avoir passé 7 mois à ce poste ?
Mahmoud Al-Zahar : Permettez-moi, tout
d’abord, d’exposer les difficultés que j’ai rencontrées.
Depuis le premier jour, j’ai été surpris par la nécessité de
trouver des fonds, bien que cette mission soit du ressort du président
Abou-Mazen. Et je pense que nous avons réussi à accomplir cette
mission. Deuxièmement, j’ai été surpris par des relations
arabo-palestiniennes que j’ai trouvées très négatives, en
particulier avec le Koweït, Bahreïn, la Libye et la Syrie. Fort
heureusement, nous avons réussi à négocier tant que faire se
peut ces désaccords. Mais, pour nous rendre compte, hélas, que
les relations avec certains autres pays arabes comme le Yémen et
le Soudan sont à peine tièdes. Ces relations ont été développées
au profit du peuple palestinien.
Nous avons dû également nous pencher sérieusement
sur une question d’ordre humanitaire qui concerne les
Palestiniens bloqués aux frontières iraqo-jordaniennes et nous
avons réussi à convaincre la Syrie de les accueillir. J’ai également
dû affronter une campagne féroce de la part de la présidence
contre le ministère des Affaires étrangères. En effet, un
message a été envoyé au secrétaire général de l’Onu annonçant
la suppression des prérogatives du ministre des Affaires étrangères.
Maintenant, Abou-Mazen a rattaché toutes les ambassades au Fonds
national et il n’y a aucun contact entre le ministère et les
ambassades. Mais si le gouvernement continue sur cette même voie,
j’ai d’autres solutions.
Ensuite, nous avons frappé aux portes d’un
monde tout à fait nouveau pour nous, qui est le monde islamique.
Par exemple, en Indonésie, nous avons rencontré le président,
le chef du gouvernement le ministre des Affaires étrangères, les
présidents des Conseils législatifs et tous les responsables,
autant du côté du gouvernement que de l’opposition.
A l’intérieur même du ministère, j’ai découvert
qu’il y avait un certain nombre d’employés victimes
d’injustices et j’ai réussi à leur rendre tous leurs droits.
De plus, j’ai dernièrement formé un comité chargé d’enquêter
sur les problèmes causés par l’application erronée de la loi
du corps diplomatique. Certains diplomates touchaient des rémunérations
plus importantes que leurs collègues travaillant dans le même
cadre professionnel.
— Le chef du département politique de l’OLP,
Farouq Kaddoumi, sensé diriger les affaires extérieures de la
Palestine, adopte une position positive envers le Hamas et son
gouvernement. Pourquoi ne coopérez-vous pas avec lui pour réduire
les divergences avec le président palestinien ?
— Farouq Qaddoumi n’adopte pas de position
positive, il se cherche toujours une place. C’est la raison pour
laquelle il est toujours en désaccord avec tout le monde. Avec
nous, avec Abou-Mazen. Son désir est d’être le n°1. Je
l’avais remarqué déjà depuis notre première rencontre au
Caire. Nous nous étions mis d’accord à faire du ministère des
Affaires étrangères un outil et d’établir une coordination
entre Abou-Mazen et lui par mon intermédiaire, car ils étaient
en désaccord. Mais quand il est allé en Malaisie et qu’il a eu
l’occasion de devenir co-président de la délégation
palestinienne à mes côtés, il s’est retourné contre moi pour
s’accaparer seul de la présidence de la délégation. Cette
position s’est ensuite renforcée lorsqu’il a reçu le message
envoyé par Abou-Mazen à Kofi Annan annonçant qu’il était le
ministre des Affaires étrangères de l’OLP, le représentant du
peuple palestinien à l’étranger. Donc, je ne peux me fier à
aucun accord avec lui.
— En ce qui concerne le point de passage de
Rafah aux frontières entre l’Egypte et la bande de Gaza, régulièrement
fermé par Israël, les médias ont dernièrement rapporté que
vous aviez dit que le Hamas a les moyens d’ouvrir ce passage et
d’éliminer les frontières avec l’Egypte. Est-ce vrai ?
— Permettez-moi avant tout d’assurer que je
n’ai jamais dit une chose pareille. J’étais en compagnie
d’un groupe d’hommes d’affaires et il y avait une
personnalité en étroite relation avec la sécurité préventive
qui a déformé ce que je disais à propos du point de passage de
Rafah et la possibilité de le transférer à Dounia Al-Watan.
C’est de là qu’est parti la rumeur selon laquelle je menaçais
d’ouvrir le point de passage de Rafah et d’annuler les frontières
avec l’Egypte.
La vérité est qu’en parlant avec les hommes
d’affaires des moyens d’encourager les investissements, j’ai
abordé la nécessité de garantir la sécurité ainsi que des
points de passage permettant d’être en contact continu et libre
avec l’Egypte et la Jordanie. A chaque homme d’affaires, il
faut garantir la sécurité et la possibilité d’exporter et de
vendre ses produits. Les points de passage constituent
l’obstacle principal. C’est pour cela que quand Israël ferme
les passages, il n’y a plus de frontières. Par exemple, lors du
retrait israélien de la bande de Gaza en septembre 2005, alors
qu’Israël avait fermé le passage de Rafah, les citoyens égyptiens
et palestiniens sont parvenus à traverser les frontières des
deux côtés, ce qui signifie qu’il n’y avait plus de frontières
et ce chaos constructif avait régné pendant une dizaine de
jours.
— Les pays qui ont promis de verser des
sommes à la Ligue arabe en faveur du peuple palestinien ont-ils
tenu leurs promesses ?
— Certains pays ne veulent pas verser les
sommes à la Ligue arabe et préfèrent nous les donner
directement. Cependant, je pense que les conjonctures s’améliorent.
L’Europe a réglé une grande partie des salaires des employés
des ministères de la Santé et de l’Enseignement.
— On dit que vous contrôlez la direction du
Hamas, car vous contrôlez le flux des fonds vers le mouvement.
Est-ce que cela a créé des problèmes entre les autres ministres
du gouvernement et vous ?
— C’est une guerre psychologique contre
moi. Je parle librement dans les réunions du gouvernement. Nous
avons une véritable démocratie. Tout le monde écoute et
discute. Quand j’entends une opinion qui me plaît, je prends
son parti. Nous n’avons pas de problèmes dans l’échange des
opinions. De toute façon, ces dires n’ont rien de nouveau .
Propos recueillis par
Achraf Aboul-Hol
Droits de reproduction et de
diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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