Opinion
Après la victoire,
on achève la Libye !
Akil
Cheikh Hussein
Mardi 6 septembre
2011
Si
nous considérons la prise de décision et
les préparatifs de la guerre comme
faisant partie de la guerre, aucun
humain (en dehors du cercle invisible
des décideurs) ne sait quand la guerre a
commencé. C'est ce que trahit la
rapidité avec laquelle le Conseil de
sécurité a voté sa résolution 1973. Le
trahit également la rapidité avec
laquelle les forces de l'Alliance ont
commencé à bombarder la Lybie
presqu'immédiatement après le vote de la
résolution.
Aucun
humain (les décideurs compris) ne sait
quand cette guerre sera finie.
L'attestent les déclarations des
responsables occidentaux au sujet du
sang qui continuera de couler en Libye
et au sujet de leur intention de
poursuivre les opérations militaires
tant que subsisteront les menaces de
Kadhafi visant les civils.
En
fait, la menace que représente, ou que
représenterait Kadhafi, reste
conditionnée par le besoin qu'ont les
alliés de faire chanter le Conseil
National de Transition (CNT) dans le but
de le contraindre à faire le maximum de
concessions face aux dictats des
Occidentaux. Ceux-ci le faisaient même
lorsque les rapports de force n'étaient
pas favorables au CNT.
Malgré
les célébrations de la victoire, Kadhafi
possède toujours des points de forces.
Des villes comme Sirte, Bani Walid et
Sabha ne sont pas encore "libérées". Il
peut compter encore sur certaines tribus
ainsi que sur des cellules dormantes. Il
dispose encore de capacités militaires
et, peut-être, d'une influence à
l'intérieur du CNT. Tout cela peut
l'aider à mettre en application ses
menaces appelant à lancer une guerre
d'usure pour libérer la Lybie et chasser
les colonialistes et ceux qu'il appelle
les "rats".
Kadhafi
peut aussi, et cela dépend de
l'évolution de la situation dans les
pays voisins, surtout en Algérie (le
président français lui a promis
dernièrement un sort semblable à celui
de la Lybie), compter sur le soutien de
voisins qui regardent d'un mauvais œil
le retour en Afrique du Nord, par la
porte libyenne, des colonialistes et ce
un demi siècle après le départ de
l'occupation française.
A
supposer que des dispositions
nécessaires portent les alliés à
renforcer la pression sur Kadhafi et
leur permettent de l'éliminer
définitivement, d'autres exigences
pourront les porter à nourrir les germes
de la discorde dans les rangs des
insurgés libyens.
On sait
d'ores et déjà que les insurgés comptent
parmi eux un grand nombre d'islamistes
extrémistes. Certains d'entre eux
avaient été faits prisonniers en
Afghanistan par les forces américaines
puis libérés pour prendre le chemin des
pays du Maghreb et du Yémen. Ils jouent
actuellement un rôle de premier plan
dans les opérations menées par les
insurgés.
Et si
un président d'un pays membre de
l'Alliance atlantique comme Nicolas
Sarkozy trouve maintenant que
"l'alliance avec les mujâhidun vaut le
coup", cela met en exergue l'ampleur du
mensonge et de l'opportunisme que les
Occidentaux fructifient dans la guerre
qu'ils mènent depuis 2001 contre ce
qu'ils nomment le terrorisme.
Cela
exprime également leur aptitude à
poignarder la révolution libyenne en
aidant, par exemple, à l'installation
d'émirats et d'Etats nains en Libye dans
la mesure où une telle entreprise va de
pair avec leurs projets de démantèlement
et leurs convoitises colonialistes qui
peuvent s'étendre vers les pays voisins.
Nourrir
les germes de la discorde reste pour eux
une chose facile dans les conditions du
manque, au niveau des insurgés, de
l'homogénéité nécessaire, de la
communauté des buts, de la pluralité
d'appartenances idéologiques, tribales
et régionales, et des relations que le
régime agonisant et certaines parties
des insurgés commencent à établir, ou
continuent de le faire, avec l'entité
sioniste. A cela s'ajoute la concurrence
pour le pouvoir qui est arrivée jusqu'à
l'assassinat du chef militaire des
insurgés dans des conditions qui restent
à éclaircir.
La
participation d'"experts" américains et
français dans des missions comme la
destruction ou le contrôle de certaines
armes sophistiquées dont disposent les
brigades de Kadhafi, ou comme
l'investissement de Tripoli est reconnue
officiellement bien qu'elle constitue
une transgression flagrante de la
résolution onusienne.
Quant au renforcement de la présence
atlantique sur le sol libyen, il
comprend -selon les déclarations de
nombres de responsables occidentaux- la
création d'une force d'intervention
rapide en Libye dotée, si le besoin
l'exige, d'avions et de porte-avions.
Ainsi,
les politiques suspectes de Kadhafi et
le détournement de la révolution
libyenne par des parties non moins
suspectes, reconduisent la Libye vers
l'époque de l'occupation militaire
directe par les néocolonialistes qui
s'affairent, maintenant, à Paris et
ailleurs, à se partager les richesses de
la Libye et à faire saigner d'avantage
le peuple libyen. Ce peuple a perdu
jusqu'à maintenant un demi-million
d'âmes entre morts, blessés et refugiés,
sans compter la destruction massive qui
a frappé le pays et qui engloutira, avec
la reconstruction, le reste de ses fonds
bloqués dans les banques de l'Occident.
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