Opinion
19 mars 1962
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 19 mars
2012
Ce 19 mars 1962, il y a 50 ans, les
Algériens viennent d'en finir avec
l'ignominie, les brimades, le mépris, le
déni d'Humanité, les codes scélérats du
colonialisme, l'indigénat et l'insulte à
leur dignité, les haillons et les pieds
nus écorchés par le froid et les chemins
caillouteux, la faim et la sélection
scolaire. Cela est une réalité et
personne ne pourra plus faire qu'il en
soit autrement. Mais la paix des
consciences est soumise à rude épreuve,
par des attaques récurrentes contre la
vérité. Des attaques sournoises où la
victime n'est pas l'Algérien, mais le
colon et sa base sociale, et où
l'indépendance n'aurait rien apporté que
la perte de «bienfaits». L'Algérie
n'étant plus la France ne serait plus
qu'un chaos à ciel ouvert, en regard de
l'ordre «civilisé» qui régnait. Un
«choix» que les Algériens n'auraient pas
dû faire en s'insurgeant contre la
cravache de «bou-chapeau» qui, lui,
savait faire marcher l'agriculture, les
usines, les chantiers et le reste,
garder les villes propres et interdites
aux bougnoules, contenir les indigènes
dans leurs douars et gourbis et protéger
les lieux de villégiature de la «bonne
société». L'Algérie de papa, contre
celle qui a été livrée à la masse
grouillante qui a détruit l'urbanité et
envahi les moindres interstices des
lieux de vie, réservés jusque-là aux
nantis. L'Algérie de papa où chacun
avait son territoire et savait où il ne
lui était pas permis d'aller, grâce à
ces frontières invisibles que seule la
terreur peut instaurer. Un temps perdu,
à jamais, que les Algériens ont classé
dans une mémoire vigilante, qui vit sa
propre destinée, avec ses enfants et ses
contradictions, fussent-elles amères.
Oui ! L'Algérie ne fait pas partie du
club des grands pays industrialisés. Oui
! L'Algérie a raté sa révolution sociale
et a ses bourgeois, ses prolétaires et
ses chômeurs ! Oui ! L'Algérie est mal
gouvernée et souffre du
sous-développement structurel ! Oui ! La
démocratie en Algérie ne donne pas la
parole aux laissés-pour-compte (tiens
!). Oui ! Des jeunes Algériens cherchent
un cadre de vie au niveau de ce qu'ils
voient en Occident. Oui ! Ils sont
fascinés par les lumières de Paris,
Londres ou Bruxelles. Oui ! Ils se
révoltent, cassent et brûlent pour se
faire entendre. Oui ! Il faudra bien des
luttes et bien du temps pour que la vie
s'améliore encore. Oui ! Il faudra en
finir avec les corrompus et les
bureaucrates qui grèvent le
fonctionnement des institutions et de
l'économie. Oui ! L'Algérie est un pays
où une société vit, se déchire, se bat
et espère. On y trouve des humanistes
qui veulent que la justice règne, des
patrons et des affairistes qui veulent
faire du profit, des fonctionnaires pas
toujours très propres, des communistes,
des syndicalistes qui veulent en finir
avec le libéralisme et la dictature du
marché mondial, des nostalgiques du
colonialisme qui regrettent la kemia et
l'anisette et des islamistes qui ont
pris l'ascenseur social. Oui ! L'Algérie
est un pays comme les autres. Avec ses
inégalités, ses injustices et ses
problématiques propres. Et il a fallu
132 ans pour qu'elle soit un pays comme
les autres. Cela n'a pas été facile.
Tout le monde le sait, ceux qui sont
contre aussi. Le bilan essentiel est
d'abord celui-là. L'autre ne regarde que
les Algériens.
Article publié sur
Les Débats
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