Opinion
L'infofast-food
Ahmed
Halfaoui
Dimanche 18
septembre 2011
Le cercle
médiatique sur l'agression colonialiste
contre la Libye a fini par
être rompu, et par un titre qui pèse
dans les kiosques et sur Internet. Il le
sera encore plus dans les jours et les
mois à venir. Quand sauteront un à un
les verrous qui ont été mis pour
garantir le huis clos du massacre.
Sortiront alors les images les vraies,
tournées à vif avec les cris et les
souffrances d'un peuple qu'on ne voit
encore nulle part, même après plus de 6
mois d'enfer. Sauf s'il est vraiment
représenté par ces jeunes surarmés qui
font le V de la victoire devant les
caméras et qui tirent, en l'air ou sur
un ennemi invisible, des tonnes de
munitions. La première défection
est le fait du Nouvel Observateur.
Le journal français a décidé de ne plus
jouer le jeu et de revenir vers une
ligne éditoriale un peu moins alignée et
pas du tout dictée, comme il nous
l'apprend dans un papier qui aurait dû
chambouler le paysage journalistique. En
fait, il n'y a eu que de minimes
retouches, pour faire prudent et
objectif et ne pas écrire ou parler sous
la dictée. Le papier en question est
pourtant une vraie bombe. On apprend que
les reportages qui nous sont servis sont
filmés par l'OTAN qui les distribue
gratuitement aux télévisions et aux
journaux, qui nous font croire que c'est
le travail de leurs envoyés spéciaux. Le
dernier produit est cette image apaisée
de Tripoli qui montre que : «Le calme et
les espoirs sont revenus en Libye. Les
habitants le disent, ils vont de l'avant
et sont très heureux». Le journal
précise ceci : «Après les
conflits, les morts, le manque de
médicaments et d'eau, la joie ne peut
être qu'au rendez-vous des images
tournées par l'Alliance elle-même». Les
journalistes n'ont qu'à se servir aux
rayons achalandés qui s'offrent à eux.
Et ils ne s'en privent pas. Il y a même
des clips de promotion. Pour faire le
plein, «il suffit de demander les
séquences vidéos auprès du service
presse de l'Otan ou de les télécharger
directement sur des sites relais
professionnels destinés aux journalistes
et documentalistes. Des images a priori
neutres, sans présence de militaires ou
de porte-parole de l'Otan. «Il faut dire
que l'OTAN a pensé à tout, absolument à
tout, puisque les reporters se voient
proposer le luxe de choisir entre deux
options. Celle prête à l'emploi avec
«habillage et récit de l'OTAN» et
l'autre qui peut être personnalisée
selon le goût de l'organe de presse qui
peut insérer son logo et les
commentaires de son personnel. Et puis
c'est tout bénéfice. Pour ceux qui le
veulent, il n'y a pas besoin de
transporter et d'entretenir sur place
une coûteuse équipe. A partir de son
bureau, le directeur de publication ou
le rédacteur en chef se sert sans bourse
délier. De toutes les façons les
téléspectateurs n'y verront rien, ne
soupçonneront pas le stratagème et
n'iront pas se lancer dans une
investigation sur l'origine des images
qui leur sont proposées. Derrière tout
cela on nous parle de liberté
d'expression, de liberté de la presse,
de déontologie, du droit d'informer, on
dénonce l'imprimatur et la censure
et on nous sert tout l'argumentaire du
parfait militant des droits
démocratiques.
Article publié sur
Les Débats
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