Opinion
La démocratie au
sens du peuple
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 13
septembre 2011
Le peuple
algérien est peut-être en train de
montrer la voie aux peuples du monde
entier. Mais le comité de rédaction de
la presse globalisée n'y voit pas
grand-chose, tout occupé qu'il est à
dénicher ce qui peut aller dans le sens
des intérêts des «marchés», des maîtres
de l'économie mondiale, en un mot, de
ses commanditaires. Le peuple algérien
qui a conservé l'esprit frondeur,
transmis par la génération qui a fait
plier le colonialisme, a sa façon bien à
lui de juger du contenu à donner à la
démocratie. Au grand dam des analystes
patentés, quand il occupe la rue et
qu'il convoque l'orage de la violence
sociale, son discours ne s'embarrasse
des formules alambiquées, enjolivées et
clinquantes, chères aux escrocs de la
politique. Le peuple algérien va droit
au but. Quand il bouge c'est pour
demander son dû et ne pense pas un
instant confier à qui que ce soit la
mission de s'occuper de ses affaires. Il
s'en occupe lui-même. Il passe demander
directement ce dont il est privé.
N'est-ce pas là une compréhension
concrète de la démocratie ? Ce peuple a
donc bien devancé le mouvement des
«indignés» européens, qui viennent
seulement de découvrir, grâce à la crise
économique, l'inanité de cette
«démocratie» qu'ils croyaient à leur
service. Quand, au bout du compte, ils
ont réalisé que leurs «élus», selon le
système en place, n'étaient pas leurs
«élus». Ce fait, ils l'ont réalisé
brutalement et il leur en a fallu du
temps pour découvrir que le système
travaillait pour les banques et pour le
grand patronat et que quand il le
fallait c'était aux travailleurs, au
petit peuple qu'il appliquait
l'austérité, c'est-à-dire «enlever aux
pauvres, pour sauver les riches». Cela a
bien été tenté en Algérie, à un moment
où, au garde-à-vous, l'Etat a voulu
faire passer la recette de
l'ultralibéralisme grâce à la généreuse
formule : «laisser le peuple
travailler». Sauf l'air que nous
respirons, tout devait être privatisé,
c'est-à-dire payé au prix déterminé par
le taux de profit de quelques-uns,
étrangers de préférence ou,
accessoirement, des plus Algériens que
d'autres. Ceci par le simple fait d'une
décision politique, dont les prémices
économiques étaient dictées par de
doctes «experts» qui, à propos, n'ont
rien prévu de l'effondrement des
économies de leurs mentors et ne
trouvent ni explications ni réponses à
ce désastre qui jette dans le dénuement
des dizaines de millions de gens,
convaincues de la protection des
«démocraties» dans lesquelles ils
vivent, qui découvrent à leur corps
défendant le mensonge dans lequel elles
vivaient. Et ce n'est qu'à ce moment-là
que beaucoup ont compris que le mot
démocratie n'a pas le même sens pour
tout le monde. Et surtout que ce mot
dans la bouche de certains ne correspond
pas du tout à la définition qu'en
donnent les dictionnaires, même pas la
signification littérale du terme.
L'avance qu'avait le peuple algérien est
que, tout de suite, du moins là où
c'était plus le visible, il a refusé
l'entourloupe et a pu conserver la
gratuité de l'éducation de ses enfants,
la gratuité des soins médicaux, la
couverture médicale du travail et de
très nombreux emplois du secteur public
économique qui devaient être supprimés
en application du dogme de la
libre-entreprise. Il lui reste à imposer
de ne plus recourir à l'émeute pour
faire valoir ses droits, à comprendre
que la différence est aussi un droit et
que sa liberté dépend de celle des
autres. La démocratie pourra, à ce
moment-ci, pointer du nez.
Article publié sur
Les Débats
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