Opinion
Syrie : un champ
de réflexion
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 11 août
2012
Ce qui se
passe en Syrie offre un précieux champ
d'enseignement, à ceux qui veulent bien
se donner la peine de ne pas s'en tenir
aux apparences. Le confort intellectuel
dans lequel se réfugie l'écrasante
majorité des "analystes", dont beaucoup
de "marxistes" imbus de catégories
simplistes, pousse à se contenter
exclusivement de l'immédiateté des
faits, qu'offre le monopole mondialisé
de l'information. Un "peuple opprimé"
qui affronte la répression d'une
"dictature". Le raccourci évite, luxe
suprême, de se mettre en porte-à-faux
avec un vacarme médiatique qui reprend à
l'envie cette thèse. Cette attitude, qui
a pu être observée concernant la
tragédie libyenne, est reconduite.
Pourtant pour lui faire tenir la route,
on évacue de la problématique la
mobilisation de l'OTAN, menée par les
Etats-Unis, et celle des monarchies les
plus rétrogrades de l'ère moderne. Les
"marxistes", néanmoins, s'essaient à une
gymnastique théorique qui, mettant en
avant la légitimité de la "révolte",
veut faire admettre soit une monstrueuse
"unité d'action" entre insurgés et Etats
Unis, soit l'abstraction idéalisée de
"masses populaires en mouvement", qui
évacue toute réalité qui polluerait sa
noblesse, dont l'offensive impérialiste
et son poids déterminant dans
l'encadrement et l'armement des bandes
armées. En arrière-plan se trouve la
conviction que la "chute du régime"
ouvrirait des perspectives
révolutionnaires, grâce à une
"démocratisation" qui assurerait les
libertés publiques (liberté
d'association, liberté d'expression…),
nécessaires à la construction d'une
alternative révolutionnaire. A
l'inverse, s'opposer à une telle
acception des choses revient à se mettre
dans le camp du "régime" et dans celui
des ennemis des "peuples en lutte".
C'est quasiment blasphémer que de dire,
par exemple, que les Etats-Unis entourés
de leurs vassaux et de leurs supplétifs,
se sont emparés du mécontentement d'une
partie de la population syrienne,
victime de l'application des recettes du
néolibéralisme, productrice de
prolétariat, pour susciter, voire
provoquer, une insurrection qu'ils
alimentent en djihadistes, en armes et
en argent et qu'ils soutiennent
politiquement et diplomatiquement. Une
insurrection que se sont empressés de
parrainer des "opposants" adoubés par la
Maison-Blanche et imposés comme
"représentants du peuple syrien". Ce
serait, aux mieux, "passéiste" que
d'avancer ces vérités ou affirmer que,
en cas de "chute de Damas", ce serait la
victoire de la géostratégie impérialiste
contre des souverainetés acquises au
prix du sang contre le colonialisme et
la domination occidentale et non pas la
victoire du "peuple en arme" qui
n'existe que dans les montages de la
propagande atlantiste et dans la tête de
ces jeunes "révolutionnaires" embarqués
dans une aventure qu'ils n'expliquent
que par les raisons de leur détresse.
Des jeunes qui n'ont que leur haine d'un
système personnifié par Bachar El Assad
et qui ne voient pas l'issue programmée
à Washington, comme y a été programmée
la recette, appliquée par le même Bachar
El Assad, qui les a exclus du champ
social. La désillusion au bout de
l'espoir, que les puissances de l'argent
ont préparée, qui ont décidé d'anticiper
sur les risques de mouvements
véritablement populaires, qui les
auraient mises à mal, dans la région, en
renforçant la dynamique, en cours, des
peuples sud-américains.
Article publié sur
Les Débats
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