Opinion
Mediapart veut
«décoloniser l'histoire»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 9 juin 2012
Il y a eu
deux grands types de réactions à la
visite de l'écrivain Boualem Sansal en
Israël. Elles sont dialectiquement
liées. Les premières, très nombreuses,
ont chevauché, en considération de sa
nationalité algérienne, le «courage» et
«l'engagement» du visiteur rapportés à
l'antisémitisme à la lâcheté ou à la
servilité, présupposés, de ses
compatriotes. Ces réactions furent
essentiellement pro sionistes. Les
secondes rarissimes ont fusé en tant que
réponse à l'insulte qui est faite aux
femmes et aux hommes, . Pour le
vérifier, il n'y a qu'à relire ce qui a
été écrit et à constater que le contenu
ne concerne pas l'acte en soi, mais la
symbolique qui l'a accompagné, contre le
boycott d'Israël et contre, plus
particulièrement, les intellectuels
algériens qui persistent à voir dans le
sionisme un crime contre le peuple
palestinien ou qui restent en alerte
contre les menées colonialistes. Cela
aurait pu en rester là. Mais Médiapart,
sous la plume de Antoine Perraud,
s'attaquant à Abdellali Merdaci,
linguiste à l'université de Constantine,
pousse les propos aux limites de la
décence. Au texte de très haute facture
et à l'analyse très fine de Merdaci, le
journaliste oppose une prose expéditive,
se voulant méprisante et dégoulinante
d'indigence. Usant de poncifs, il n'ose
pas affronter le chercheur
constantinois, il ne le cite pas et avec
une malhonnêteté scandaleuse, le livre
en pâture à des lecteurs qui ignorent
les enjeux et qui sont souvent
conditionnés par les préjugés fastfoods.
Le tableau a été simplifié à l'extrême,
d'un côté un homme «seul et opprimé», de
l'autre «une meute de censeurs
assassins». On peut ainsi apprendre que
Merdaci a «la technique des plumes
mercenaires pratiquant la chasse aux
opposants dans toute dictature» et qu'il
écrit dans «une presse algérienne
haineuse, aux ordres, cadenassée
politiquement et mentalement». Sa
perspicacité intellectuelle est réduite
à une «diatribe» requise par «son
tête-à-tête étouffant, rageur, vain et
mystifié avec l'ancien maître»,
c'est-à-dire le colonisateur. Sansal,
bien au contraire, incarnerait
l'écrivain «postcolonial», alors que
plus que jamais, il campe le rôle du
«bon indigène», rétro-inséré, qui a
besoin qu'on vole à son secours, car il
risque, ni plus ni moins, que les
Merdaci lui fassent un sort funeste.
Perrault s'inquiète, ouvertement, de
cette éventualité : «Boualem Sansal ne
subira pas, faut-il espérer, le sort de
l'écrivain Tahar Djaout .» Rien que cela
! On vous l'a dit, en Algérie il n'y a
rien qu''une dictature sanguinaire et
omniprésente exerçant son pouvoir sur un
peuple gémissant. Les intellectuels,
s'il y en a, ne peuvent qu'être au
service du pouvoir ou se taire. M.
Merdaci, qui a cru exercer son droit de
critique, ne peut être qu'un homme de
main qui, paradoxalement et malgré cela,
a l'insolence d'avoir eu déjà raison en
écrivant ceci : «L'écrivain, plus que
l'homme, qui a fait le choix de la
fortune de l'oppresseur contre la
souffrance de l'opprimé, devra l'assumer
face au silence blessé des enfants de
Palestine, aux plaies toujours vives et
aux décombres de Ghaza aux tombes
ouvertes.» En attendant d'être
«décolonisé» et de cesser de travailler
à déconstruire le discours colonialiste.
Article publié sur
Les Débats
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