Opinion
Le « printemps »
soft arrive
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 3 août 2013
A l’indépendance l’Algérie n’avait
presque rien pour gouverner ses 2 381
741 km² qu’elle avait libérés des
griffes du colonialisme. Elle n’avait
que la dignité rétablie et la lourde
tâche d’effacer les lourdes séquelles de
l’occupation. Elle devait produire des
cadres, non seulement pour remplacer le
personnel colonial parti, mais surtout
pour répondre aux immenses besoins d’un
peuple exclu dans son propre pays des
services publics, de l’école, du système
de santé, des infrastructures de bases
et de tous les droits de la citoyenneté.
En ce temps là l’occupant est parti en
ricanant sur la capacité des Algériens à
faire marcher les ascenseurs qu’il avait
laissés. Des ascenseurs qu’il était le
seul à connaître et les Algériens
étaient rares à les avoir seulement
approchés. C’était il y a 51 ans. De
quelques centaines d’universitaires, au
départ, le pays en a produit par
centaines de milliers, au point que des
dizaines de milliers d’entre eux font le
bonheur de l’ex puissance occupante.
Ceci sans avoir besoin en quoi que ce
soit de recevoir des leçons de
gouvernance. Paradoxalement c’est
aujourd’hui, que le pire en termes de
sous-encadrement est très loin derrière
nous, que ’Union européenne veut nous
apprendre à nous gouverner, de surcroît
avec l’assentiment des autorités du
pays.
Et ce n’est pas tout, l’opération va
être réalisée sous les auspices de ce
« printemps » dont les jeunes algériens
ne voulait pas. Le programme lui-même
est baptisé« printemps », SPRING en
anglais, grâce à des contorsions sur le
sigle, parce que « créé en réponse
aux événements du Printemps arabe ».
En dehors des grandes lignes et des
phrases ronflantes sur la démocratie,
les droits de l’homme, la liberté de la
presse et tout ce qui va avec comme
nobles dispositions, la conditionnalité
qui tombe à la fin est celle-là : « des
résultats sont attendus dans une série
de domaines, avec, notamment, une
amélioration du cadre réglementaire des
affaires, une augmentation du
nombre de petites et moyennes
entreprises (PME)».
Et tout s’éclaire pour celui qui sait
lire ce genre de jargon. L’entreprise à
l’œuvre est un pack complet, bien
ficelé, où tout s’imbrique pour en
dernière instance parfaire une
libéralisation inachevée, un
démantèlement de la protection sociale
des Algériens, une destruction de la
législation du travail, trop
contraignante pour la « flexibilité » de
l’emploi et un détournement de la rente
pétrolière au profit de la
« libre-entrepris » et non du secteur
public productif facteur de
développement. Pour ce faire il y a même
des formations qui seront données à des
porte-voix potentiels qui vont faire le
vacarme qu’il faut au nom de la
« démocratie de marché », contre
les« lourdeurs » publiques et le
« populisme » qui« achète la paix
sociale ». Bien sûr que SPRING « tient
compte des rythmes de chaque pays » et
reconnaît, de cette façon, que ça
« bourgeonne » plus ou moins vite selon
les climats sociaux. Pour cela des gants
sont pris qui tempèrent l’impatience qui
tenaille l’affairisme. La démarche va
être doucereuse autant que faire se
peut.
Article publié sur
Les Débats
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