|
|
|
Opinion
Voix de Tel Aviv,
voix d'al-Araqib
Abdel Hakim
Mufid
Dimanche 28 août
2011
Les
conflits exacerbés nous permettent
de temps à autre de prendre
connaissance des différents points
de vue, pour les comprendre et les
expliquer. En général, l’idéologie
n’est qu’un outil pour comprendre et
expliquer la réalité, et prendre
position envers cette réalité.
Les
tentes dernièrement dressées dans
l’avenue Rothshild à Tel Aviv,
relatives à la crise du logement et
d’autres questions sociales, nous
ont permis de prendre connaissance
de certaines explications fournies
par ces idéologies.
Il
est incontestable que l’institution
israélienne a brillamment réussi à
élaborer une idéologie a-historique
et hors du parcours humain, et a
brillamment réussi à généraliser une
idéologie spécialement consacrée aux
juifs, et par les juifs, leur
accordant une vision et des
explications spécifiques à leur
situation et leur statut, et leur a
permis de consolider et
d’approfondir, dans le cadre de ce
parcours, ce concept de peuple
choisi par Dieu, ce parcours qui a
associé le concept théologique
religieux à une base idéologique
nationaliste, en associant de
manière stupéfiante la religion en
tant qu’idéologie formulée pour les
juifs hors d’un contexte humain, où
ne s’appliquent pas sur eux les lois
humaines ordinaires, au sionisme en
tant qu’idée terrestre qui s’est
réalisée dans le contexte de « la
promesse divine » sur terre.
Il
est possible de prétendre par
exemple que « la bourgeoisie juive »
a réussi à égarer le « prolétariat
juif » en le faisant participer à
une bataille nationale pour
s’assurer de sa domination et de sa
suprématie. C’est ainsi que nous
pouvons réduire toutes les formes de
luttes depuis la Nakba, et même
avant. Une alliance entre la
bourgeoisie et les détenteurs
d’intérêts, les riches et les
capitalistes, face aux travailleurs
et les classes opprimées, et ainsi,
se perdent les différences
nationales, la lutte sociale et la
lutte de classes étant l’essentiel,
alors que les autres conflits
demeurent marginaux, mais peuvent
être utilisés et engagés pour égarer
et détourner les regards du conflit
réel, qui est la lutte de classes.
Ceux
qui ont adopté cette explication
pour aborder ce qui se déroule à Tel
Aviv vivent dans un passé très
lointain. Pour eux, une explication
classique de la réalité des conflits
se déroulant dans les sociétés
humaines, conflits nationaux,
conflits culturels et ethniques, et
même des conflits à caractère
religieux, des conflits de
civilisation dans leur ensemble,
tout cela devient extrêmement
marginal au profit au conflit
central, qui est le conflit de
classes. A un moment où même les
marxistes n’acceptent plus
d’expliquer ainsi les conflits
internes aux sociétés ou entre
celles-ci, certains insistent pour
le faire et ont essayé d’expliquer
les protestations de Tel Aviv sur ce
mode, en vue de susciter un état
d’affinité entre Tel Aviv et
al-‘Araqib, car il n’y avait aucun
moyen de convaincre les Arabes de la
nécessité de rejoindre les tentes de
Rotshchild sauf en neutralisant les
autres conflits au profit du conflit
de classes, le conflit avec le
capital, avec les 18 familles
gouvernant Israël, la
mondialisation, la privatisation,
tout cela dans un seul sac, bien
mélangés, où l’on ne puisse
retrouver aucune différence entre
les victimes.
Les gens comme
nous ne sont pas les victimes de la
politique du marché, de la
privatisation, du capital et de la
mondialisation, dans son ensemble,
mais nous sommes, au départ, les
victimes d’une situation politique,
et en ce sens, nous nous distinguons
fondamentalement des tentes de la
classe moyenne à Tel Aviv, et même
de ses victimes dans les quartiers
pauvres, aux périphéries des villes
du centre, Kafarshalim, Jassi Cohen,
à Holon, et les quartiers Hatikva,
Katmounim dans al-Qods, et le
quartier D dans Beer Saba’ ;
ceux-là même, qui sont les victimes
de la classe moyenne qui manifeste à
Tel Aviv, ceux-là sont décidés à
marquer leurs différences entre eux
et les habitants des tentes de
Rotshchild. Pourquoi nous
demande-t-on à nous, de les
supprimer ?
Le
printemps de « Tell Rabi’ » (le
village palestinien sur lequel est
construit Rel Aviv) est notre
automne
Malgré tout ce qui s’est dit sur le
fait d’introduire les revendications
des Arabes dans la liste de celles
présentées au gouverment, par les
protestataires, cela peut être vrai
et ce n’est pas mal, le problème ne
réside pas là. Le problème et le
différend concernent le fondement,
la nature des revendications, la
voix qui émane de Tel Aviv, des
tentes de l’avenue Rothshild est une
voix autre, elle ne peut être la
même que celle qui émane d’al-‘Araqib,
et lorsque nous disons cela, il ne
s’agit pas d’un « repli
nationaliste », et il n’y a là aucun
chauvinisme, c’est une vérité
objective, nous ne pouvons effacer
les différences entre les deux voix
rien qu’en prétendant que cela ne
fera « qu’isoler les Arabes » et les
pousser au repli.
La
voix de Tel Aviv n’est pas dirigée
contre le département des terres, ni
contre les patrouilles de la
destruction, ni contre la
confiscation des terres, ni contre
les zones d’utilité, ni contre la
judaïsation, et c’est précisément le
contenu de la voix d’Al-Araqib. Et
si nous voulons poursuivre notre
chemin dans l’avenue Rothshild, non
loin de là, à peu près à la fin de
la rue du côté sud, en y allant à
pied, chacun peut voir, à l’œil nu,
sur le terrain, d’autres réalités
d’une ville qui s’appelle Yafa, un
quartier qui s’appelle Al-Ajami, les
maisons qui se construisent dans ce
quartier après avoir été entièrement
détruit. Les habitants des tentes
demandent la baisse des prix des
maisons construites dans le quartier
Al-Ajami, à la place des maisons
arabes qui ont été supprimées.
Comment peut-il y avoir une seule
voix ?
Contrairement à la demande de
« profiter de l’occasion » que
réclament les autres, ce moment est
important pour affirmer la
différence, car on ne peut créer une
affinité entre la voix de Tel Aviv
et la voix d’al-Araqib, sauf au
détriment de la « voix d’al-Araqib ».
Et le fait que les protestatires
« aient accepté » d’intégrer les
revendications telles que la
reconnaissance des villages non
reconnus, dans le document présenté
au gouvernement israélien, n’est pas
une alternative à la lutte populaire
et ne supprime ni les frontières ni
les différences.
La
question importante que l’on se pose
quant à la tentative de rapprocher
et de joindre Tel Aviv et al-Araqib,
est de savoir au profit de qui les
différences sont-elles supprimées ?
Le fait d’affirmer ces différences
entre Tel Aviv et al-Araqib ne fait
pas des Arabes des chauvins, ni des
« nationalistes ridicules » mais
rend les choses plus claires.
Lorsque nous demandons que les
différences soient marquées, où
certains ne voient qu’un moyen de
« repousser » ou de « repli sur
soi », nous voulons par là, au
contraire, confirmer la scène de la
rencontre et de l’éloignement, entre
les deux parties, c’est-à-dire ce
qui est commun et ce qui est
différent entre al-Araqib et entre
Tel Aviv.
A
présent, et lors de ces événements,
plus particulièrement, il est
nécessaire de montrer les limites,
les différences et ce qui est
commun, car le problème ne gît pas
seulement dans ce qui est commun,
mais dans les bases mêmes. La
différence entre les bases de Tel
Aviv et al-Araqib n’est non
seulement très vaste, mais elle est
fondamentale, c’est la différence
que certains essaient de supprimer
ou de ne pas prendre en
considération, rien qu’en menant une
division « de classes », les riches
contre les pauvres, le capitale
contre le prolétariat.
Mais
pourquoi nous est-il toujours
demandé à nous de nous rapprocher de
l’autre ? Pourquoi est-nous
seulement qu’on accuse de « repli
sur soi » si nous n’allons pas à Tel
Aviv, et si nous n’élevons pas notre
voix à Haïfa ? Pourquoi ce sentiment
que certains insistent à considérer
comme un « complexe » et qu’on nous
demande de résoudre, pour prouver
notre bonne volonté ? Pourquoi nous
n’avons pas trouvé, tout au long de
63 ans, une voix de Tel Aviv qui
dirige contre elle-même cette
accusation ?
La
confirmation de la différence entre
Tel Aviv et al-Araqib est
extrêmement importante, nous ne
pouvons la supprimer par un discours
qui traite de manière égale la
victime et le bourreau, disant que
nous sommes tous victimes de la même
politique et des mêmes politiciens,
le capital et l’extrême droite.
Pourquoi certains veulent-ils nous
coincer auprès de ce mur pour que la
lutte ait un sens ?
Mais
malheureusement, nous ne sommes pas
les victimes de la même politique,
le capital et l’extrême droite, nous
sommes également victimes de la
classe moyenne et de la classe
ouvrière israéliennes, peu importe
qu’ils soient eux-mêmes victimes du
capitalisme qui les a fourvoyés.
Nous sommes également les victimes
de la classe moyenne qui vote pour
la gauche israélienne, la droite
israélienne et le centre. Nous
sommes les victimes de Meretz avant
d’être les victimes de la droite, et
savez-vous pourquoi ? Car la voix de
la droite est très clairement contre
nous, quant à celle de Meretz et de
la « gauche » et des classes
moyennes de Tel Aviv est une voix
qui se veut « supérieure », qui ne
souhaite pas que nous soyions à ses
côtés, précisément comme la voix de
la Paix maintenant, qui refuse qu’il
y ait des Arabes dans ses rangs.
Tout
ceci n’empêche pas cependant qu’il y
ait des actions communes ciblées,
avec des parties qui affirment être
anti-sionistes.
Il
est extrêmement important de
comprendre la voix émanant de Tel
Aviv, que nous comprenions ses
motivations et ses limites. Il ne
s’agit pas pour nous d’un fait sans
importance, cette voix et ses
revendications sont claires, elle
réclame l’amélioration du niveau de
vie, et nous, nous demandons la vie.
Il n’est peut-être pas
compréhensible que des gens
réclament, en ce siècle, le droit de
construire leurs maisons sur leur
terre ! Ce genre de choses a fait
rire beaucoup d’Européens qui ont
visité les villages non-reconnus.
Al-Araqib
est en train d’être détruit, alors
qu’à quelques mètres de là, se
trouvent les maisons vides de la
ville de Beer Saba’. Dans Al Araqib,
les villageois sont interdits de
construire leurs maisons, et leurs
tentes sont détruites à plusieurs
reprises, et à Beer Saba’, les gens
quittent la ville pour se rendre à
Tel Aviv après que leur vie soit
devenue difficile dans Beer Saba’.
Des maisons qui se vident, alors
qu’elles sont proposées à des
conditions alléchantes, au niveau
des prêts au logement et des taxes.
Il en est de
même en Galilée. Au cours des
dernières années, le projet de
judaïsation s’est poursuivi dans la
Galilée et al-Naqab. Dans les
colonies également, les conditions
furent très alléchantes, des
centaines et même de milliers de
familles avaient déménagé pour y
habiter ces dix dernières années. Là
aussi elles ont considéré qu’il
était plus avantageux de revenir
vers le centre après que leur vie
soit devenue difficile là-bas. Des
milliers de familles revenues du
Naqab, de la Galilée et des colonies
ont aidé à aggraver la crise du
logement à Tel Aviv et dans le
centre. C’est une des causes de la
crise, et la voix de ceux-là ne peut
être celle de la population d’al-Araqib.
Abdel
Hakim Mufid,
écrivain et
journaliste dans Sawt al-Haqq, Palestine
48.
Les analyses et traductions de Rim
al-Khatib
Les dernières mises à jour
|
|
Les avis reproduits dans les textes
contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs.
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance
du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org
|
|
|