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Attaque chimique à Alep : une vérité
qui dérange
Philippe Migault
Un homme
syrien reçoit les premiers soins dans un
hôpital du 24 novembre 2018
à Alep après une attaque chimique (image
d'illustration).
© George OURFALIAN Source: AFP
Mardi 27 novembre 2018
Source :
RT Après l'attaque
chimique visant la ville d'Alep et
difficilement imputable à Assad,
l'expert en Défense Philippe Migault
analyse l'étonnante discrétion de
l'Occident, et surtout de Paris, en
réaction à cet énième drame de la guerre
en Syrie.
Une nouvelle attaque chimique a eu lieu
dans la soirée du 24 novembre à Alep.
Plusieurs dizaines de personnes, dont
des enfants, ont été hospitalisés en
détresse respiratoire. Il semble que des
zones résidentielles, n’abritant que des
civils, aient été sciemment visées par
les mouvements islamistes encerclés dans
la poche d’Idlib, qui auraient employé
des obus contenant du chlore, ou un
dérivé chloré.
L’une des sources
faisant état de ce bombardement
chimique, l’Observatoire Syrien des
Droits de l’Homme (OSDH), fait partie de
celles habituellement considérées en
Occident comme fiables : la presse
française, notamment, cite régulièrement
l’OSDH, ses estimations de la situation
sur le terrain, les bilans chiffrés de
victimes qu’elle communique, comme
autant de pièces à conviction contre
Bachar el-Assad. Pourtant, 48 heures
après ce qu’on qualifie habituellement
de crime de guerre, rien ne bouge à
Washington, Paris, Londres ou Bruxelles.
Aucune évocation de ligne rouge, aucune
rodomontade belliqueuse d’Emmanuel
Macron, semblant considérer qu’il est
urgent d’attendre. «La France condamne
évidemment l'utilisation d'armes
chimiques [...] et je souhaite que ceux
qui diffusent ces informations sur cette
possible utilisation d'armes chimiques
partagent leurs informations, en
particulier avec l'agence internationale
à La Haye pour pouvoir identifier cette
utilisation et l'attribuer», s’est
contenté de déclarer le président de la
République, si prompt d’habitude à
brandir la menace de nos missiles de
croisière.
Sur le fond
l’objectif reste identique : que cela
prenne encore un an, deux, ou cinq, il
s’agit de faire tomber Assad
Cette prudente
réserve, alors que l’attaque chimique
semble bel et bien avérée, est
révélatrice de la ligne de conduite
française en Syrie. Dans la mesure où, à
moins d’une attaque sous faux drapeau
montée par les services syriens –
scénario que ne manqueront sans doute
pas d’évoquer les complotistes
autorisés, y adjoignant pour faire bonne
mesure une assistance technique russe –
il ne peut s’agir que des «rebelles», le
deux poids-deux mesures est démontré.
Paris, qui a armé
des terroristes musulmans en Syrie comme
en Libye, afin de conduire une politique
de changement de régime en coordination
avec Londres et Washington, se refuse
aujourd'hui à condamner clairement ses
alliés officieux, ses auxiliaires
inavouables. Car sur le fond l’objectif
reste identique : que cela prenne encore
un an, deux, ou cinq, il s’agit de faire
tomber Assad. Il n’est donc pas question
de condamner des groupes islamistes dont
nous connaissons l’extrême-radicalité
mais que les autorités françaises
persistent à considérer comme des
résistants à un régime dictatorial, au
mépris de tous les faits avérés et
révélés par la presse. On pense sur ce
point, notamment, au travail de Régis Le
Sommier, directeur-adjoint de
Paris-Match.
S’il n’y a plus de
stratégie de politique étrangère au Quai
d’Orsay et à l’Elysée, on se souvient
encore, du moins, des vieilles recettes
permettant de planquer la poussière sous
le tapis
Bien évidemment, il
n’est pas non plus question de
s’associer aux frappes syriennes et
russes de rétorsion sur les auteurs
supposés de l’attaque, puisque ce sont
précisément ceux-ci que nous
instrumentalisons depuis des années.
Lire aussi :
Attaque chimique attribuée aux rebelles
à Alep : Damas dénonce la responsabilité
d'Etats étrangers
Mais la
non-condamnation des représailles
conduites par le régime de Bachar el-Assad
est significative. De même que la
tentative de repasser la patate chaude à
l’agence internationale de la Haye sur
les armes chimiques. «Si vous voulez
enterrer un problème, nommez une
commission», déclarait, avec son cynisme
et son humour proverbiaux Georges
Clemenceau. En cette année centenaire de
la victoire de 1918, qui fût en grande
partie l’œuvre du «Tigre», on peut du
moins trouver un motif de satisfaction
en ce qui concerne notre diplomatie :
s’il n’y a plus de stratégie de
politique étrangère au Quai d’Orsay et à
l’Elysée, on se souvient encore, du
moins, des vieilles recettes permettant
de planquer la poussière sous le tapis.
Sauf que la
situation, à l’ère des médias de masse
mondialisés, n’est plus la même. On ne
peut durablement dissimuler ses
mensonges à l’opinion publique. Pour
paraphraser Al Gore, les autorités
françaises se trouvent, dans cette
affaire d’attaque chimique, face à «une
vérité qui dérange» et qu’elles ne
savent comment maquiller.
Lire aussi : Alep : «L'attaque au
chlore attribuée aux rebelles trouble le
statu quo» (ENTRETIEN)
Publié le
27 novembre 2018
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