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Info ou intox ? Quand Le Monde invente
une crise chez RT France
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Mardi 20 octobre 2020
Source :
RT Salariés vivant
dans la terreur, «purges»... A en croire
Le Monde, RT France traverserait une
«zone de turbulence». Un tableau qui
prend quelques libertés avec la
vérité... et passe sous silence le
témoignage du principal syndicat de
l'entreprise.
Dans un
article paru le 19
octobre sur le site du quotidien Le
Monde, la journaliste Aude Dassonville
revient sur l’arrivée à leur terme de
cinq contrats à durée déterminée au sein
de RT France, qu’elle tend à présenter
comme une véritable crise. L'article
prend pourtant quelques libertés avec
les faits, et passe même sous silence un
témoignage clé ne cadrant pas avec son
récit : celui du principal syndicat de
l'entreprise, pourtant interrogé par le
quotidien.
Le témoignage d'un syndicat
interviewé... disparu !
Le prestigieux
quotidien se penche en fait sur un
épisode pourtant classique de la vie
d'entreprise : la décision de la
direction de la chaîne de ne pas
reconduire les CDD de certains JRI (pour
«journalistes reporters d’images», les
journalistes caméramen), arrivés à
expiration. Parmi les membres de
l’équipe n’ayant pas bénéficié du
renouvellement desdits contrats à durée
déterminée, il s’en est trouvé un pour
partager ses émotions sur sa page
Facebook. Une publication vite repérée
par Le Monde.
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portée des «entités médiatiques
contrôlées par un Etat» – du moins
certaines
Dans son message, le JRI
accuse : «Au moindre manquement, la
personne reçoit un courrier recommandé
lourd de menaces de pénalités,
d’éventuelle réparation de préjudice, et
une demande formelle de "s’abstenir de
critiquer, dénigrer ou porter atteinte à
la réputation de la société"». Un cas
isolé dont Le Monde se saisit pour
évoquer en long et en large une
prétendue crise au sein du média, peu
importe que ces séparations aient eu
lieu dans le plus strict respect de la
loi.
Et pour cause, l'angle de l'article
semble avoir été déterminé bien avant sa
rédaction... quitte à taire les éléments
qui contredisent le récit apocalyptique
livré par Le Monde. C'est la mésaventure
à laquelle s'est heurtée une membre du
Syndicat national des journalistes
(SNJ), majoritaire au sein de RT France.
Interviewée la veille de la parution de
l’article, celle-ci raconte avoir
expliqué à la journaliste : «J’ai dit
que le SNJ avait suivi cette affaire, et
qu’on avait demandé à la direction que
les postes de journaliste reporter
d’images soient pourvus par des contrats
pérennes.» Faisant remarquer que
«d’ailleurs, il y a une personne qui
vient d’être promue au poste de JRI avec
un CDI», la syndicaliste a ajouté qu'il
existait un «réel dialogue social à
l’intérieur de RT, avec un syndicat en
permanence en contact avec la
direction».
Concédant toutefois ne pas
toujours obtenir «satisfaction» sur les
demandes syndicales, elle rapporte avoir
précisé au Monde que de «grandes
avancées» avaient pu être obtenues par
le dialogue social. Et de citer un
exemple : «Comme par exemple la prime
concernant le télétravail. A notre
connaissance, c’est quelque chose
d’inédit en France pour le télétravail
imposé. Prime, qui plus est, dont le
montant a été élevé.»
Un autre son de
cloche qui a vraisemblablement disparu
du récit livré par Le Monde, au grand
dam du principal syndicat de la
rédaction de RT France, interlocuteur
pourtant pertinent pour témoigner de
questions liées aux contrats et à
l'ambiance de travail au sein de
l'entreprise.
Des chiffres faux
Autre
point, démontrant que l'enquête ne fera
pas date comme la plus sérieuse publiée
par ce quotidien de référence, de
nombreux chiffres cités sont simplement
faux.
En particulier, on peut lire qu'il
y a chez RT France «une quarantaine» de
journalistes au web, alors que ce
chiffre est en réalité d'une vingtaine.
Autre approximation, signe de sources
anonymes peu fiables, il n’y a pas non
plus 40 journalistes assignés au
montage, comme l'écrit Le Monde, mais
sept à huit employés d’un prestataire
technique travaillant effectivement
comme monteurs, outre les reporters et
la vingtaine de journalistes-rédacteurs
préparant leurs sujets avec un logiciel
standard dans la profession. Enfin, ce
sont bien trois JRI qui demeurent
actuellement à temps plein, et non deux
comme cela est écrit.
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France
Et le problème du
storytelling
livré par Le Monde ne s'arrête pas aux
approximations. Evoquant un
fonctionnement «très soviétique» dénoncé
par une source anonyme, mais également
une «purge», le quotidien souligne que
les cinq JRI (sur le total de 103
journalistes qui composent la rédaction
au jour d'aujourd'hui) ont été remplacés
par «des techniciens, et non des
journalistes», plus précisément des OPV
(opérateurs de prises de vue, des caméramen professionnels).
Une manière
de marcher au pas ? En réalité, n'en
déplaise au Monde, sur le terrain, ce
sont bel et bien les reporters,
titulaires de cartes de presse
françaises, qui sont responsables de
leurs sujets, même lorsqu'ils sont
accompagnés d’OPV.
Par ailleurs, le
quotidien, qui tente de lier cet épisode
au renouvellement, attendu fin de
l'année, de la convention de RT France
avec le CSA, souligne que «la chaîne a
reçu un avertissement du CSA en 2018, à
la suite de la diffusion d’un reportage
à la traduction erronée». Pourtant, Le
Monde ne rappelle pas qu'il s'agissait
d'une erreur purement technique, de
décalage entre les images diffusées et
la traduction de propos qui ont bien été
tenus par ailleurs, comme l'a reconnu le
régulateur de l'audiovisuel français.
Mais qu'importe les faits et les sons de
cloche contradictoires, Le Monde
sélectionne les citations retenues. «On
purge une période, une ligne et une
équipe», peut-on lire, alors qu'une
source anonyme «en interne» évoque une
prétendue «volonté d’effacer toute trace
de l’époque Bobin», ancien chef des
informations de la chaîne parti l'été
dernier pour raisons personnelles. Un
argument qui, là encore, ne résiste pas
à l'épreuve des faits, puisque la
«purge» en question s'est en réalité
traduite par... un accroissement de la
rédaction. En effet, en janvier 2018, RT
France comptait 67 journalistes, contre
quelque 103 aujourd'hui (hors pigistes
et intermittents).
Quant à la ligne
éditoriale évoquée dans le contexte du
départ de l’ancien chef des
informations, elle n'a changé ni avant,
ni pendant, ni après, et se résume
toujours à offrir des perspectives
différentes et une diversité d'opinions
bienvenue dans un paysage médiatique
français trop souvent à l’unisson.
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Publié le 20 octobre 2020
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