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Intervention militaire américaine au
Venezuela ?
« Probablement de l’esbroufe »
Bruno Guigue
Une
manifestation en soutien du président
vénézuélien Nicolas Maduro
©
Ginnette
Riquelme
Source: Reuters
Mardi 15 août 2017 En menaçant le Venezuela d'une
intervention militaire, Donald Trump ne
fait que donner des gages à l'opposition
de droite dans le pays et aux «néocons»
nord-américains, estime l'analyste
politique Bruno Guigue.
RT France :
Donald Trump évoque une possible
intervention militaire au Venezuela...
une «folie» selon Caracas. Est-ce à vos
yeux une véritable possibilité ?
Bruno Guigue (B.
G.) : Honnêtement, je n'y crois
guère dans les circonstances actuelles.
L'élection de l'Assemblée constituante,
le 30 juillet, fut un succès pour le
mouvement chaviste et pour la démocratie
vénézuélienne. Avec 8,1 millions de
votants et un taux de participation de
41,5%, c'est l'un des meilleurs
résultats électoraux enregistrés par la
révolution bolivarienne. De plus, la
plupart des Etats de la région ont
critiqué cette déclaration intempestive.
En menaçant ce pays souverain d'une
intervention militaire, Donald Trump
rame à contre-courant dans le seul but
de donner des gages à l'opposition de
droite dans le pays et aux «néocons»
[pour «néo-conservateurs», terme donné à
la droite dure américaine depuis
l'élection George W. Bush]
nord-américains. C'est probablement de
l’esbroufe.
« L'opposition
soutenue par Washington n'a pas baissé
les bras, mais elle est obligée
d'admettre qu'elle a politiquement perdu
la partie pour le moment
»
RT France : la
classe politique française
est partagée dans son appréciation
de ce qui se passe au Venezuela.
Comment interprétez-vous ces événements
?
B. G. : Il y
a deux aspects essentiels dans cette
crise, et la majorité des commentateurs
se gardent bien de faire le lien entre
les deux. Le Venezuela, d'abord,
traverse une crise politique à laquelle
l'élection réussie de l'Assemblée
constituante a provisoirement mis un
terme. L'opposition soutenue par
Washington n'a pas baissé les bras, mais
elle est obligée d'admettre qu'elle a
politiquement perdu la partie pour le
moment. Mais il y a aussi une crise
économique, qui n'est pas près d'être
résolue à court terme, et sur laquelle
les ennemis intérieurs et extérieurs de
la révolution bolivarienne comptent pour
saper sa légitimité. Cette crise, en
effet, est délibérément entretenue par
une partie des élites économiques. La
bourgeoisie importatrice utilise ses
dollars pour importer des produits de
luxe tout en organisant la pénurie
(relative) des biens de première
nécessité. Ce sabotage est une forme de
guerre économique contre les classes
populaires et un instrument de
déstabilisation du pouvoir légitime.
C'est extrêmement préoccupant. On se
souvient que la même méthode fut
appliquée contre le gouvernement de
Salvador Allende, au Chili, en 1973.
Lire aussi
:
Les Etats-Unis qualifient le président
Maduro de dictateur et imposent des
sanctions sans précédent
« En Amérique latine,
chacun se souvient du rôle joué par
Washington dans l'instauration des pires
tyrannies qu'a connues le continent
»
RT France : le
président vénézuélien Nicolas Maduro
est souvent qualifié de dictateur
par les autorités américaines.
Il est mis au même rang que le leader
nord-coréen et le président syrien. Cela
vous paraît-il justifié ?
B. G. : Cette
accusation est grotesque. Comment
peut-on qualifier de dictateur un chef
d'Etat élu démocratiquement, qui invite
le peuple à élire une Assemblée
constituante ? Depuis la première
élection de Hugo Chavez en 1998, il y a
eu 19 élections au Venezuela ! Ce qui
frappe, historiquement, c'est plutôt la
patience et la retenue du pouvoir
légitime à l'égard des tentatives
répétées de coup d'Etat, de sabotage et
de déstabilisation orchestrées par une
opposition réactionnaire qui ne pardonne
pas au chavisme d'avoir soustrait la
rente pétrolière à la bourgeoisie
comprador [bourgeoisie autochtone
enrichie dans le commerce avec les
étrangers] pour la redistribuer aux
couches populaires. Venant des
Etats-Unis, cette accusation de
dictature ne mériterait qu'un éclat de
rire s'il ne s'agissait d'une affaire
sérieuse. En Amérique latine, chacun se
souvient du rôle joué par Washington
dans l'instauration des pires tyrannies
qu'a connues le continent !
« L'impérialisme
américain atteint ses limites objectives
et c'est extrêmement clair aujourd'hui,
aussi bien en Corée qu'en Syrie »
RT France : en
même temps que le Venezuela,
les Etats-Unis ont haussé le ton
avec la Corée du Nord.
S'agit-il également d'un échange de
menaces destinées à rester verbales ?
B. G. : Il
faut espérer que cet emballement demeure
purement rhétorique. Je crois que ce
sera le cas, au vu des dernières
déclarations chinoises. Pékin a voté la
résolution du Conseil de sécurité
instaurant de nouvelles sanctions, mais
il n'est pas question pour la Chine de
tolérer que les USA utilisent la force à
ses frontières en agressant un Etat
souverain qui est quand même son allié,
même s'il n'est pas docile. En cas
d'attaque américaine, fût-elle
préventive, la Chine a prévenu qu'elle
soutiendrait l'agressé. Comme il est
inconcevable que Pyongyang prenne
l'initiative des hostilités, cela
signifie que Washington, pour infliger
une correction à la Corée du Nord,
devrait assumer le risque d'une crise
majeure avec Pékin. Franchement, c'est
peu probable. L'impérialisme américain
atteint ses limites objectives et c'est
extrêmement clair aujourd'hui, aussi
bien en Corée qu'en Syrie. Que les
Etats-Unis cherchent à compenser cette
insuffisance par un surcroît d'emphase
verbale, finalement, est assez
compréhensible.
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