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La tour Eiffel, joystick de la
propagande occidentale
RT
©
Christian Hartmann/Philippe Wojazer/Gonzalo
Fuentes Source: Reuters
Mercredi 14 décembre 2016
Pour commémorer les pertes civiles à
Alep, le maire de Paris Anne Hidalgo a
décidé que la tour Eiffel serait éteinte
dans le soirée du 14 décembre. Le
chroniqueur de RT France Matthieu Buge
s'intéresse à la manipulation
compassionnelle de la tour.
Ainsi, la tour Eiffel, l’emblème de la
France pour le reste du monde, est
éteinte ce soir du 14 décembre pour
alerter la population de la planète sur
le sort d’Alep et de ses habitants.
Ce n’est pas la première fois, bien sûr,
que l’édifice est l’objet d’une mise en
scène toute symbolique. Elle avait déjà
été éteinte après
les attentats de Paris en 2015 – ce
qui est somme tout fort logique pour un
deuil national. Elle avait revêtu les
couleurs des drapeaux de pays frappés
par des attentats (ou des couleurs LGBT
comme
après l’attentat d’Orlando), en
signe de solidarité, comme nombre
d’autres monuments dans le monde. On
pourrait bien insister sur le fait qu’il
s’agit là d’une aggravation de notre
société du spectacle permanent, mais
admettons que la fraternité, toute
symbolique qu’elle puisse être, est un
beau sentiment que nous retrouvons dans
la devise nationale.
L’utilisation de la tour Eiffel
était empreinte de deux poids deux
mesures
Bien sûr, il n’a échappé à personne
que l’utilisation de la tour Eiffel
était empreinte de deux poids deux
mesures et qu’elle ne changeait pas de
couleurs à chaque attentat dans le
monde. Heureusement pour les Parisiens !
Leur symbole serait alors constamment
aux couleurs pakistanaises, irakiennes,
libyennes ou afghanes. Car les victimes
de ces pays où l’Occident est allé
mettre le boxon peuvent bien attendre,
tout comme les victimes civiles de
Mossoul, celles de Raqqa,
celles de Palmyre où les terroristes
cajolés par l’Ouest pour faire tomber
Assad peuvent agir comme ils le veulent.
Eteindre la tour, c’est autre chose que
de la coloriser. C’est un vrai deuil, ça
en impose, ça marque les esprits, et ce
d’autant que ça renvoie les Français aux
horreurs du 13 novembre 2015.
L’hommage n’était donc pas de
mise lorsque les «rebelles» étaient
à l’origine de ces massacres ?
Fidèles à leur universalisme et leur
prosélytisme, les autorités françaises
entendent bien dicter au monde quand se
réjouir et quand se lamenter, quand
applaudir et quand s’indigner. Peu
importe qu’il n’y ait aucun Français à
Alep pour témoigner de ce qu’il s’y
passe réellement. Peu importe qu’Alep
soit en réalité libérée des djihadistes
et que des familles séparées depuis
quatre ans puissent enfin être réunies.
Tout le monde se doit de pleurer. Mais
pleurer quoi, au juste ? Si l’opération
syro-russe n’est certainement pas sans
dégâts collatéraux, les Occidentaux qui
mettent le monde arabe à feu et à sang
depuis 25 ans seraient bien en peine de
dire que leurs bombes à eux évitent les
civils. Voilà maintenant quatre ans que
la ville est aux mains des djihadistes,
que de terribles combats y ont lieu, que
des femmes et des enfants y sont tués.
Quand la tour a-t-elle été éteinte en
invoquant Alep ces quatre dernières
années ? L’hommage n’était donc pas de
mise lorsque les «rebelles» étaient à
l’origine de ces massacres ?
A Alep du moins, les djihadistes
ont perdu
Mais c’est que, à Alep du moins, les
djihadistes ont perdu. Et c’est cela
qu’il faut pleurer. Il faut pleurer
l’échec de la tentative de changement de
régime et les milliards dépensés jusqu’à
maintenant en vain. La masse de la tour
Eiffel est là pour faire pression et son
extinction est là pour annihiler toute
réflexion. Clic. Les grands démocrates
vont pouvoir pleurer, sans penser qu’un
président élu reprend le pouvoir à des
fanatiques de la théocratie. Les
féministes les plus progressistes vont
pouvoir rager contre Assad et Poutine,
sans se rendre compte que les femmes
d’Alep vivront nettement mieux sous un
Assad qui garantit la laïcité que sous
les très modérément modérés islamistes.
Les bambins pourront être marqués par
cette vision et un peu plus conditionnés
dès leur plus tendre enfance, et sans
penser à leurs semblables embrigadés ou
égorgés par les djihadistes.
Mais après tout, cet usage de la tour
Eiffel est tout à fait cohérent. Il est
cohérent avec l’histoire de l’édifice en
lui-même, utilisé pour les ondes radios
d’abord, télévisées ensuite : il ne
s’agit là que d’un pas de plus dans
l’entreprise de contrôle des esprits. Un
pas moins technique que divertissant,
mais ô combien efficace ! Et il est
cohérent avec l’agenda géopolitique du
camp euro-atlantique et avec l’aspect
toujours un peu plus totalitaire du
contrôle qu’il entend exercer sur ses
populations. Un contrôle moins violent
qu’insidueux, mais ô combien
efficace !
Matthieu Buge a
collaboré en tant que spécialiste de
l’URSS à la revue l’Histoire,
à la revue cinématographique russe Séance,
et comme chroniqueur pour Le
Courrier de Russie.
Il est l'auteur de l'ouvrage Le
Cauchemar russe (L'inventaire
/ Le Courrier de Russie).
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