Paris, le 9 avril 2006
Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY
Ministre des Affaires étrangères
37, quai d’Orsay
75007 PARIS
Concerne : Suspension de l’Aide économique à L’Autorité
palestinienne
Sommet européen des Ministres des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
L’UJFP est une association juive laïque qui travaille pour une
paix juste au Proche-Orient et contre l’antisémitisme, l’islamophobie
et d’autres formes de discrimination ici en France. La nouvelle
d’une éventuelle suspension de l’aide européenne au
gouvernement palestinien nous alarme au plus haut point.
Cette question sera débattue lors du prochain Conseil des Ministres
des Affaires étrangères de l’Union européenne, au Luxembourg,
ce lundi 10 avril. Aussi voulons-nous insister auparavant, sur la
gravité et le risque d’une telle décision.
Vous n’êtes pas sans savoir que cette aide (de 500 millions
d’euros en 2005) est absolument vitale pour la population qui vit
sous occupation, dans des territoires dont l’économie est détruite
par l’absence de liberté de circulation, par le vol des terres,
le vol de l’eau, l’arrachage des oliviers qui constituent sa
principale ressource agricole.
L’Union européenne est la première contributrice économique du
peuple palestinien. Malgré cette aide, les conditions de
l’occupation condamnent la majorité de la population à ne
survivre qu’en deçà du seuil de pauvreté (voir rapport de l’UNRWA).
La première condition d’un développement durable en Palestine
reste l’arrêt de l’occupation. En attendant, Les Palestiniens
ont besoin de toute l’aide internationale pour sortir du « dé-développement
» auquel l’occupation l’a réduit. D’autre part, dans la
situation politique actuelle à l’échelle mondiale, il est à
craindre que la contribution européenne reste la seule, les
Etats-Unis ayant déjà annoncé leur retrait, avec les conséquences
possibles d’autres retraits d’appuis financiers, y compris dans
des pays arabes soucieux de leur alliance avec les Etats-Unis.
Il n’est pas concevable que les ministres européens s’entendent
pour prendre une mesure qui entraînerait famine, crise sanitaire et
désordres divers en Palestine.
L’Union européenne a reconnu que les élections ayant porté le
Hamas au gouvernement ont été organisées et se sont déroulées
dans le respect de la démocratie et du droit. Que certains pays
membres s’alarment des positions politiques du Hamas est une
chose. Mais les opinions politiques ne sauraient surpasser le droit.
Union Juive Française pour la Paix (UJFP), 21 ter rue Voltaire,
PARIS
Tél.: 01 42 02 59 76 · Fax: 01 42 02 59 77 · e-mail : ujfp@filnet.fr·
Site : www.ujfp.org
Dans les règles de coopération de l’Union européenne, il y a
des règles de suspension des accords avec tout pays qui ne respecte
pas les droits de l’homme. Or Israël les viole ouvertement depuis
des années (voir rapport produit en décembre par des diplomates
des pays de l’UE à Jérusalem, Tél-Aviv et Ramallah sur la
violation des droits à Jérusalem-Est et dans des colonies annexées).
Pour autant, la suspension de l’Accord d’association entre l’Union
européenne et Israël, demandée depuis plusieurs années par les
sociétés civiles et par le Parlement européen, n’a pas été
ratifiée.
Les dirigeants de l’État d’Israël refusent d’appliquer la IVème
Convention de Genève, de reconnaître l’État palestinien ou
simplement le droit du peuple palestinien à un État dans les
frontières de 1967, de respecter les accords signés et de renoncer
à la violence contre la population civile palestinienne.
Même les résolutions de la Cour Internationale de Justice du 9
juillet 2004 déclarant l’illégalité du mur d’annexion israélien
en Cisjordanie et requérant de la communauté internationale
qu’elle prenne ses responsabilités pour en interrompre la
construction, abattre les parties déjà construites, et restituer
leurs terres et leurs biens confisqués aux Palestiniens, sont restées
sans suite, et ce, en dépit du vote de l’Assemblée générale
des Nations unies. En dépit aussi du fait que les 25 États membres
de l’UE ont approuvé ces recommandations.
Et voici que c’est à l’encontre du peuple palestinien et de ses
dirigeants démocratiquement élus que surgit, pour la première
fois dans ce conflit, l’hypothèse de sanctions. Ce n’est pas
seulement un choix fondé sur un « deux poids, deux mesures »,
c’est aussi une inversion des termes du conflit, celui d’une
occupation par Israël des territoires palestiniens. L’impunité
d’Israël vis-à-vis de toutes ces violations du droit
international est un facteur de guerre.
Il est temps de mettre un terme à une lecture factice du conflit
qui impose au peuple occupé de faire la preuve préalable de sa
capacité à l’autodétermination et à l’indépendance et qui
donne des gages à la puissance occupante pour poursuivre sa stratégie
unilatérale d’annexion et de violation du droit international. Il
est temps de redonner une chance à la paix.
L’Union européenne en a l’occasion ce 10 avril.
En tant qu’association juive, nous vous demandons de ne pas
supprimer un seul euro de l’aide européenne accordée au peuple
palestinien, et ceci au nom de la justice et de l’équité à
laquelle nous sommes fermement attachés. En espérant que vous
comprendrez qu’on ne peut tolérer l’oppression d’un peuple,
ici le peuple palestinien, nous vous demandons de ne pas prendre une
décision que nous jugeons scandaleuse et dangereuse.
La France a continuellement confirmé son adhésion à la recherche
d’une solution qui préserve les droits des Palestiniens à jouir
d’un État viable dans des frontières sûres.
Nous demandons solennellement au représentant de la France au
Conseil des ministres européens d’intervenir en ce sens avec détermination
auprès des autres États membres, afin que l’aide financière de
l’Union européenne soit maintenue et débloquée rapidement.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de notre
plus haute considération.
Richard WAGMAN
Président
cc : M. Javier SOLANA, Conseil de l’UE
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